Rui Rio n’est pas Rio Bravo !

L'actuel président d'un vieux parti de centre-droite portugais, ne rechignerait pas à s'allier au nouveau parti d'extrême droite, si celui-ci devenait plus raisonnable...

De gauche à droite - Paulo Rangel (juriste et eurodéputé PSD), Manfred Weber (ingénieur en génie physique et eurodéputé CSU) et Rui Rio (économiste et président du PSD). Foto: Tentre / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Vu d’ici, c’est à dire des rives du Rhin Supérieur, les partis portugais PSD (Partido Social Democrata) et PS (Partido Socialista) sembleraient être les deux faces d’une même pièce. Et bien non, car au Portugal le PS, initialement à gauche lors de sa création en 1973, se positionne actuellement de la gauche au centre-gauche selon les appréciations des observateurs, alors que le PSD créé en 1974 sous le nom de Partido Popular Democrático (PPD), a progressivement glissé de centre-gauche à centre-droite. Des différences qui ont leur importance pour la compréhension de ce qui va suivre.

Ces deux forces politiques, bien que se retrouvant temporairement dans un gouvernement de type « GroKo allemand » en 1983, sont devenues au fil du temps de plus en plus antagonistes, le glissement vers la droite du PSD aidant. Actuellement tenu par le controversé Rui Fernando da Silva Rio, dit Rui Rio, le PSD constitue la principale force d’opposition au Gouvernement dirigé par António Luis Santos da Costa, dit António Costa, qui lui est engagé au PS depuis l’âge de quatorze ans.

Dans la majorité de 1979 à 1995 de 2002 à 2005 et 2011 à 2015, le PSD a donné au Portugal plusieurs célébrités politiques dont José Manuel Durão Barroso, de sinistre mémoire, mais aussi l’actuel Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, à la cote de popularité phénoménale. Un Président de la République qui s’est, il y a peu, positionné très clairement à propos des réfugiés et du racisme, qui a très certainement connu une poussée de tension artérielle en entendant Rui Rio annoncer qu’il est en pourparlers avec Chega, le nouveau parti d’extrême droite, en vue d’éventuels accords électoraux. A condition, bien sûr, que Chega évolue vers une position plus modérée (sic).

Évidemment, le Président de tous les Portugais ne peut se permettre de vociférer publiquement et de jeter l’anathème sur de tels arrangements dépassant de loin les tambouilles électorales dénoncées par un sacré député et talentueux bateleur français ! Mais tout de même, le coup de Jarnac venant de son camp, cela doit faire très mal. D’autant plus que Rui Rio, s’en tirant avec une pirouette lors d’une interview sur RTP3, ne se positionne pas clairement par rapport à Isaltino Morais, ex-PSD revenu à la politique, condamné en 2009 pour corruption passive et emprisonné de 2013 à 2014, après de multiples rebondissements procéduraux.

Comme on le voit, le président du PSD ratisse large en vue de former un bloc de centre-droite. Affirmant que Marcelo Rebelo de Sousa serait probablement le candidat naturel du PSD au présidentielles de 2021, il s’est bien gardé de mentionner ses désaccords avec le Chef de l’État. Évoquant entre autres sujets la nationalisation de la Transportes Aéros Portugese (TAP), Rui Rio se demande en bon libéral si, l’entreprise étant techniquement en faillite, l’alternative ne serait pas de la laisser tomber…

Maire de Porto de 2002 à 2013, Rui Rio n’a pas que des amis dans son camp. Notamment Pedro Rodrigues, député siégeant à l’Assemblée de la République, qui lui reproche de prendre des décisions allant à l’encontre des valeurs sociales-démocrates du parti. Il l’accuse très clairement de violence managériale  autocratique envers le directoire du parti (sic). Assisterions-nous à la résistible ascension d’un autocrate faisant feu de tout bois ? Rien n’est moins incertain. D’autant plus que le profil particulier d’un tel dirigeant et son positionnement flou, pour ne pas dire sa bienveillance paternaliste vis-à-vis de l’extrême droite pourrait malheureusement donner des idées à d’autres en Europe…

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