Russie : «Il ne faut pas mélanger sport et politique»

Avec cet argument, des fédérations comme la FIFA se remplissent les poches. Maintenant, l'UE se penche sur le sujet.

Joseph Blatter, l'omnipuissant patron de la FIFA, mélange volontiers sport et politique, à condition que cela rapporte de gros sous. Foto: Government of Thailand / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 2.0

(WB) – Joseph Blatter, l’omnipuissant patron de la plus puissante fédération sportive du monde, doit avoir des sueurs froides ces jours-ci. Car après avoir insisté qu’il maintient l’organisation de la Coupe du Monde 2018 en Russie, la politique européenne commence à s’intéresser de près à la question. Idem pour l’organisation d’une course de Formule 1 au mois d’Octobre à Sotchi. Les grandes fédérations sportives acceptent de cautionner la Russie qui mène actuellement une guerre en Ukraine, en contre-partie de pétrodollars russes en provenance de Gazprom. Pour pouvoir gagner des milliards, le sport fait donc de la politique. Une politique cynique et irrspectueuse vis-à-vis de toutes les victimes de cette guerre.

Blatter qui dirige sa fédération comme si elle lui appartenait, estime que «[des boycotts] n’ont jamais apporté quoi que ce soit». Point, à la ligne, fin de la discussion. Mais à 78 ans, on peut se tromper. Le soutien que le monde sportif a apporté dans le passé, à des dictateurs comme Adolf Hitler, a contribué à la propagande de ces dictateurs, renforçant leur perception auprès de leur propre population et ce soutien a toujours été hautement politique.

Ainsi, l’argument «il ne faut pas mélanger sport et politique» a été invalidé depuis longtemps par le monde sportif. Investir des milliards d’euros dans un spectacle servant à nourrir la propagande de dictateurs, c’est non seulement politique, mais constitue une prise de position claire en faveur de ceux qu’on ne devrait pas soutenir. Car en maintenant ces manifestations sportives en Russie, le monde sportif rassure la population russe quant à son leader. «Si le monde organise ces manifestations chez nous, c’est que le monde adhère majoritairement à notre cause» – voilà le contenu de la propagande en amont, pendant et en aval de ces manifestations.

Et cela ira jusqu’où ? En 1936, lors des Jeux Olympiques à Berlin, des sportifs de différents pays avaient eu la délicatesse de saluer le Führer avec le salut nazi. Ce qui était censé être un geste poli, était transformé par la propagande nazi en une sorte d’adhésion de ces pays aux idées des Nazis, et du coup, les Allemands avaient l’impression que le monde entier se trouvait de leur côté – favorisant ainsi une évolution vers la catastrophe.

Et maintenant, on veut refaire la même chose en Russie ? Est-ce que les Jeux Olympiques d’Hiver à Sotchi n’ont pas apporté la preuve que l’organisation de telles manifestations en Russie n’arrange rien, au contraire ? Et si le monde sportif doit déjà agir de manière aussi politique, est-ce vraiment nécessaire de soutenir des régimes comme la Russie ?

Pourquoi, pour une fois, ne pas soutenir les plus faibles, au lieu de se faire acheter par les dictateurs ? Ou il faut être conséquent et organiser les prochaines JO d’Hiver en Syrie chez Assad, la Coupe d’Europe de football dans la bande de Gaza et les Championnats du Monde d’athlétisme dans le nord de l’Irak ? Monsieur FIFA y trouvera certainement quelqu’un qui lui glissera une malette remplie de billets de banque sous la table pour faire passer un tel candidat.

L’UE a la possibilité d’intervenir au plus haut niveau – et si les fédérations sportives estiment que cela ne concerne pas la politique, qu’on leur coupe alors les subventions publiques. Aucun euro ne devrait être injecté dans des fédérations qui font de la politique, surtout pas dans celles qui soutiennent ouvertement ceux qui ont déclaré la guerre à l’Europe.

Et franchement, il est grand temps que Joseph Blatter soit éjecté de la FIFA – l’homme est en train de salir toutes les valeurs qui sont attachées au sport. A 78 ans, Blatter aura causé suffisamment de dégâts – il ne faut pas prolonger son mandat. L’UE a le pouvoir politique d’empêcher le monde sportif de continuer à soutenir des gens comme Poutine. Si le monde sportif ne comprend pas qu’il ne faut pas faire de la politique, il faudra lui apprendre qu’il ne se situe pas, avec ses intérêts purement financières, au-dessus des intérêts des états. Par exemple par une décision politique de l’UE interdisant aux pays qualifiés pendant cette Coupe du Monde, de se rendre en Russie. Histoire d’aider la FIFA (ou la Formule 1) à ne pas mélanger sport et politique.

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