Samedi de manifestations sur la Péninsule

Le 27 juin 2020, des manifestations se sont tenues en Espagne et au Portugal, pour des motifs bien différents.

Double arc-en-ciel sur une terre en clair-obscur, la nature nous donne en Cantabrie, une métaphore du 27 juin 2020 sur toute la Péninsule ibérique. Foto: Luis Marina / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – Répondant à l’appel de l’Unión General de Trabajadores (UGT) et des Comisiones Obreras (CCOO), des milliers de personnes ont manifesté dans 53 villes d’Espagne samedi 27 juin 2020. Dans la droite ligne du mouvement #VamosASalir, exigeant un pacte de reconstruction sociale post-pandémie de Covid-19, les manifestants ont appelé à l’unité politique et à la défense des services publics. A Madrid, ce sont 3.000 personnes, équipées de masques, qui se sont rassemblées en respectant scrupuleusement les règles de distanciation physique. Soit, en termes de sens des responsabilité et de bilan carbone, l’exact opposé des manifestations motorisées organisées par le parti d’extrême-droite Vox un mois plus tôt  pour exiger la démission du gouvernement Sánchez.

Les discours des syndicalistes Pepe Alvarez (UGT) et Unai Sordo (CCOO), emprunts d’un grand sens des responsabilités et d’une réelle volonté de concorde sociale, étaient des plus éloquents. Pour l’un comme pour l’autre, le renforcement du secteur public, et notamment de la santé, constitue le seul moyen permettant à tout un chacun d’avoir accès aux services essentiels. Ils visent l’unité et souhaitent éviter les tensions, invitant aussi l’État à protéger les travailleurs. Ce qui devra se concrétiser par un Pacte de Reconstruction. Le même jour, affichant la devise « Tenemos historia, tenemos futuro. Unimos los colores de todas las luchas » des milliers de personnes équipées de masques défilaient à Barcelone, à l’occasion de la journée internationale de la fierté LGBTI, appelant la à la convergence des luttes des mouvements LGBTI, féministes, antiracistes et pour un droit au logement décent.

Des manifestations qui se déroulent sans incidents, comme le rapportent El Diario et La Vangardia, si ce n’est le déploiement du drapeau arc-en-ciel au balcon de la Generalitat (Gouvernement Régional) de Barcelone, alors qu’une récente décision de la Cour Suprême interdit l’utilisation de drapeaux non-officiels sur les édifices publics. De quoi donner encore aux mouvements d’extrême-droite du grain à moudre et du vent à brasser. Eux qui en bons Pharisiens s’emploient quotidiennement à couler le moucheron (des plus fragiles) tandis qu’ils avalent le chameau (des puissants). D’autant plus qu’Ada Colau, réélue maire de Barcelone en 2019, a elle-même affiché la bannière arc-en-ciel au balcon de l’hôtel de ville. Ce qui aura forcément pour effet de faire voir rouge aux verts de Vox, dissimulant leur couleur brune sous un habillage chlorophyllien.

Des militants de cette extrême droite ne disant pas son nom se sont réunis le même jour au Portugal, à l’appel d’Andre Ventura, le gendre idéal faisant moins peur que l’ogre Santiago Abascal sévissant du côté espagnol, mais n’étant pas pour autant moins nocif pour la démocratie. Ce sont environ 1.200 personnes qui se sont rassemblées à Lisbonne sous la devise « Le Portugal n’est pas raciste », et reprenant sans vergogne la formule du président Rebelo de Susa « Toutes les vies comptent ». A ce rythme, d’ici quelques années, ils commémoreront le 25 avril 1974 et s’attribueront la Révolution des Oeillets, à l’instar d’une sinistre politicienne française ayant l’outrecuidance de s’estimer légitime à commémorer l’Appel du 18 juin 1940 !

Mais ce qui se joue au Portugal avec Chega n’est pas à prendre à la rigolade, car la manœuvre ne manque pas d’intelligence. Ambitionnant de se substituer à la droite qu’il juge trop frileuse et craignant de se montrer dans la rue, le parti Chega créé en 2019 bombe le torse en la personne de son charismatique leader Andre Ventura, ancien séminariste, ancien journaliste sportif et actuellement professeur de droit. Un trentenaire qui a tout pour plaire et dont l’un des buts avoués est de contribuer activement à abattre la gauche au Portugal. Son discours reprend les thématiques sécuritaires et nationalistes habituelles de l’extrême droite, mais non sans finesse, ce qui pourrait laisser entrevoir une possible manœuvre de hold-up électoral à venir. Un peu à la sauce du Macron de 2017, qui a siphonné adroitement des voix dans un spectre allant de la droite à la gauche. En l’espèce, il s’agit de jouer des coudes pour occuper toute la place à droite, mais le profil et la méthode d’Andre Ventura ne sont pas sans ressemblances avec des personnes ou des événements existants ou ayant existé…

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