Sami A. – le cauchemar de l’état de droit

Le cas du présumé garde de corps d’Ousama Bin Laden, Sami A., expulsé vers la Tunisie, montre les limites de l’état de droit allemand. La politique et la justice allemande ne savent plus sur quel pied danser.

Le monde entier chasse les terroristes. Et l'Allemagne veut récupérer "le sien"... Foto: Nieo Demilarq / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(KL) – Le droit à l’asile est sacré. Il l’est aussi pour les personnes dont les opinions ne nous conviennent pas. Comme dans le cas du Tunisien Sami A. (42), soupçonné d’avoir été l’un des gardes de corps d’Ousama Bin Laden. Sami A. avait demandé l’asile politique en Allemagne et cette demande a été refusée. Toutefois, les avocats de Sami A. ayant fait valoir que leur client risquait la torture en Tunisie, avaient réussi à faire en sorte que son expulsion soit suspendue. Suite à une décision en référé, Sami A. avait malgré tout été expulsé vers la Tunisie. Les tribunaux allemands saisis estiment maintenant que cette expulsion était illégale ; et ils ont ordonné le « rapatriement » de Sami A. en Allemagne. Mais ce n’est pas si simple que ça.

En arrivant en Tunisie, Sami A. a été remis en liberté, ce qui invalide tout de même la crainte que l’homme puisse subir la torture. Donc, en toute logique, cela invalide aussi la raison pour laquelle l’expulsion de Sami A. avait été suspendue. Mais cela n’empêche pas l’état de droit allemand de vouloir « récupérer » l’homme, probablement pour relancer la procédure d’expulsion qui cette fois, aurait davantage de chances d’aboutir. Et tout cela pour un homme considéré par les autorités comme dangereux – ces mêmes autorités le soupçonnent d’avoir planifié des attaques terroristes en Allemagne. Mais est-ce le rôle de l’état de droit de faire revenir un présumé terroriste en Allemagne simplement pour pouvoir relancer une procédure d’expulsion qui avait déjà lieu et qui s’était soldée par le refus de l’asile politique ?

La question est compliquée. D’une part, il est important que l’état préserve les droits individuels et cela englobe aussi les droits d’un présumé garde de corps d’Ousama Bin Laden. Mais quid de la situation concrète ? L’argument que Sami A. serait exposé à la torture en arrivant en Tunisie, a été invalidé par les faits – au lieu d’être torturé, l’homme a été remis en liberté. Hier, la Tunisie avait annoncé vouloir mener sa propre enquête et une procédure juridique à l’encontre de Sami A. – un retour en Allemagne semble donc exclu.

Pourtant, le bon sens voudrait que l’affaire s’arrête là. Un « dormeur », surveillé avec des moyens importants par les autorités qui restent persuadées que Sami A. voulait commettre des attaques terroristes en Allemagne, a été expulsé. L’histoire pourrait se terminer là. Mais la procédure présentait, selon la première juge du Land de Nordrhein-Westfalen, Ricarda Brandts, des vices. Ainsi, les tribunaux ne disposaient pas de toutes les informations – par exemple, le tribunal de Gelsenkirchen qui traitait le cas, n’avait pas été informé que l’expulsion de Sami A. était déjà prévue le lendemain de l’audience. Pour Brandts, « les limites de l’état de droit ont visiblement été testées. On n’a délibérément pas fourni toutes les informations au tribunal administratif de Gelsenkirchen ». Le but de ces omissions était clairement de se « débarrasser » de Sami A.

Le cas Sami A. continuera à poser des problèmes. Si cette fois, la personne intéressée était un présumé danger, la situation pourrait être moins claire dans d’autres cas. Une expulsion « illégale » peut avoir des conséquences dramatiques pour la personne concernée et même mettre sa vie en péril. Il convient donc de préserver le droit à une procédure d’asile correcte. Financièrement, cette situation risque fort d’arranger les affaires de Sami A. – ses avocats demandent un dédommagement de 10.000 € pour chaque jour que Sami A. ne se trouve pas en Allemagne. Etant donné que la Tunisie souhaite le garder et organiser un procès à son niveau, l’ardoise risque d’être salée. En attendant, l’Allemagne se pose la question quant à la responsabilité juridique et politique de ce couac. Pour l’instant, personne ne semble trop chaud à assumer cette responsabilité. Et l’état de droit dans tout ça ?

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