« Sans notre consentement ?! »

Autriche-Italie : la double nationalité pour les Tyroliens du Sud ?

Les montagnes à Meran/Merano, Tyrol du Sud Foto: C. Cossa / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Unp

(MC) – L’une des promesses électorales de Sebastian Kurz, le candidat de la ÖVP, le parti ultra-conservateur autrichien, était la double nationalité pour les Tyroliens du sud. Or, Sebastian Kurz a remporté les élections, est devenu Premier ministre, et par dessus le marché, l’Autriche préside actuellement l’Union européenne…

Au Tyrol du Sud, ce dimanche, se tiendront les élections du Parlement régional. Beaucoup de gens reparlent de cette fameuse double nationalité que propose le parti de Kurz. La plupart parlent (encore) l’allemand, se sentent plus proches de l’Autriche que de l’Italie. Mais quelles conclusions politiques en tirent-ils ? Est-ce une bonne idée que de remettre sur le tapis de plomb cette vieille histoire de l’appartenance autrichienne ?

Deux gouvernements ultra-nationalistes risquent de clasher ; formellement, la situation ressemble beaucoup, à cet égard, à la querelle actuelle entre Ukraine et Hongrie, entre Porochenko et Orban… La réaction de Mateo Salvini était prévisible, et d’autant plus virulente que le Tyrol du Sud est aujourd’hui la région la plus riche d’Italie. « Vous ne pouvez pas distribuer ainsi des passeports sans notre accord », a dit le ministre de l’Intérieur italien avant-hier. « Il n’y aura pas de double nationalité ». Et Salvini accuse Sebastian Kurz de vouloir semer la discorde entre les deux pays.

Il n’a pas tort, bien évidemment. Les habitants de la région considèrent pour la plupart qu’ils n’ont rien à faire avec l’Italie ; beaucoup de personnes, cela d’autant plus lorsqu’elles sont plutôt âgées, estiment que ce passeport leur rendraient le sentiment d ‘appartenir réellement à la Heimat autrichienne. Oui, mais…

Mais le passeport autrichien ne serait octroyé précisément qu’aux personnes parlant l’allemand et le ladin, à l’exclusion des italophones. C ‘est bien là une mesure de division, qui la scinderait en deux parties. Est-ce bien nécessaire ?

Le Tyrol du Sud jouit depuis plusieurs décennies d’une autonomie (vote des lois au Parlement régional)  que lui envient bien des régions françaises. Cela en partie grâce à un militantisme très actif – plus qu’actif – qui a constamment remis Rome devant le fait historique : l’Italie a « ramassé » le Tyrol du Sud dans sa gibecière de pseudo-vainqueur de 1914-1918 ; et 4 années plus tard, Mussolini (avec lequel aussi bien Kurz que Salvini se trouvent tant d’affinités…) a commencé à ” italianiser”  la région, en projetant l’inversion démographique : plus d’Italiens que d‘Autrichiens, voilà la solution !

Reste qu’aujourd’hui, 64 % des habitants se disent germanophones, face aux 27 % qui se proclament plutôt italophones et aux 4 % qui parlent le ladin. Culturellement, la région a un caractère autrichien très prononcé, malgré toutes les tentatives d’effacement et d’ acculturation italienne.

Droits historiques et détermination majoritaire contre realpolitik, donc ? Mais Sebastian Kurz a commis l’erreur, sans aucun doute, de rendre publique cette proposition sans aucune consultation préalable de la partie italienne, que ce soit Salvini ou l’éventuel dirigeant d’un autre parti de gouvernement plus modéré et plus conciliant. En l’état, il semblerait que la double nationalité, pour cette raison essentielle et d’autres, n’ait pas l’ombre d’une chance de réalisation pour bien longtemps.

En revanche, elle est un facteur de zizanie, incontestablement. D’autant plus qu’elle sera instrumentalisée par le parti indépendantiste, la Süd-Tiroler Freiheit, et bien pire, par des groupuscules fascistes et identitaires. Mais peut-être cela correspond-il aux souhaits de Kurz ? Chauffer la marmite pour les plus extrémistes que lui  ?

C’est d’autant plus regrettable que le Tyrol du Sud est devenu un véritable modèle de… trilinguisme et d’entente somme toute harmonieuse entre les parties diverses de la société. On peut même avancer sans aucune hésitation qu’ aujourd’hui, ces parties se sont largement fondues ensemble, au point qu’il existe une nouvelle et véritable identité sud-tyrolienne, irréductible à toute détermination unilatérale et extérieure. Le Tyrol du Sud a un caractère autrichien, mais il serait simpliste d’avancer qu’il est « une partie de l’Autriche ». Il a aussi un caractère  italien, certes moins prononcé, mais …

Les deux parties se doivent donc d’examiner très soigneusement ce qu’elles et les Tyroliens du Sud auraient à gagner à alourdir les poches des citoyens de Bozen/Bolzano, de Meran/Merano et des environs de quelques grammes supplémentaires. Rien, peut-être.

1 Kommentar zu « Sans notre consentement ?! »

  1. Merci pour la page d’histoire. Voilà qui soigne ma culture européenne.
    Bonne continuation.

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