Scènes d’horreur sur « El Camino »

Une série télévisée espagnole, déroulant un scénario d’horreur sur le Chemin de Compostelle, a fait un tabac en 2020. Mais en 2021, la réalité risque de dépasser la fiction...

Composition artistique contemporaine réalisée au terme du Chemin de Compostelle. Foto: Francés Simon Burchell / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Au nombre des cinq meilleures séries   espagnoles de l’année 2020 sélectionnées par Vertele, la publication du quotidien « El Diario » consacrée à la télévision, figure en troisième position « Caminantes » (Marcheurs). Cette fiction décrite par le journal comme particulièrement addictive, a pour théâtre le Chemin de Compostelle (« El Camino ») sur lequel un groupe de cinq jeunes marcheurs disparaît dans la forêt d’Irati, en Navarre à la frontière franco-espagnole.

Grâce à leurs publications sur les réseaux sociaux, et au bornage de leurs téléphones cellulaires retrouvés deux mois après leur disparition, il est possible non seulement de les suivre à la trace, mais aussi de comprendre qu’ils vivent une succession d’événements horribles. Huit épisodes qui, jusqu’au bout, tiennent le téléspectateur en haleine, grâce à un scénario de José Antonio Perez Ledo finement ciselé, filmé de main de maître par Koldo Serra, le réalisateur de « La casa de papel ».

Les protagonistes sont tous issus de la génération hyper-connectée, pour qui le téléphone cellulaire et les réseaux sociaux, font partie des choses essentielles. Pour faire coller certaines prises de vue à la réalité, Koldo Serra a utilisé des iPhones 11 et 10XS. Ne laissant pas au téléspectateur une seconde de répit, durant les vingt minutes que dure chaque épisode, il associe thriller et horreur pour provoquer une efficace poussée d’adrénaline.

Thriller parce que disparition inexpliquée et mystère ; horreur car tentatives de meurtre à répétition sur chacun des membres du groupe dans des contextes peu banals. Tel est le cocktail explosif de cette série qui en 2020, a conduit nombre d’Espagnol(e)s et d’hispanophones, à poser un autre regard sur le Chemin de Compostelle ! Mais tout de même pas jusqu’à le prendre en horreur, comme on pourrait éventuellement le percevoir à tort au Nord des Pyrénées.

« El Camino », le Chemin de Compostelle, même s’il ne concerne que la partie Nord de la Péninsule Ibérique, fait partie intégrante de la culture espagnole. Son aboutissement à Santiago de Compostela (Galice) et son prolongement symbolique au Cap Finistère (Cabo Fisterra), n’indiffèrent pas les citoyens de Carthagène (Murcie) ou d’Almería (Andalousie), vivant à l’exact opposé, à 900 km de distance en ligne droite.

En 2020, la pandémie de Covid-19, a particulièrement affecté « El Camino », et l’économie associé à ce chemin de pèlerinage emprunté par toujours plus de monde. Confinement et reconfinement du début du 21e siècle, ont mis a mal cet itinéraire ouvert au début du 9e siècle par Alphonse II des Asturies (760-842). Heureusement que 2020 n’était pas une « Année Jacquaire », événement se reproduisant tous les 6-5-6-11 ans sur un cycle de 28 ans, faisant alors coïncider la Saint Jacques (25 juillet) avec un dimanche.

Or, 2021 est une « Année Jacquaire ». Répondant à la demande du Conseil de Galice (Xunta de Galicia), le Saint Siège la prolonge exceptionnellement en 2022 pour cause de pandémie. La dernière remontant à 2010, avait mis 9.200.000 pèlerins sur le chemin, 272.340 arrivant au bout, pour se voir décerner une « Compostela » par le Bureau des Pèlerins. Chiffres dont il ne faut surtout pas déduire que 8.927.660 pèlerins auraient disparu de la même manière que les cinq de « Caminates » !

Par contre, la pandémie de Covid-19 risquant fort de ne pas être totalement jugulée cette année, il n’est pas exclu de penser qu’il y aura, exceptés quelques irréductibles, globalement moins de monde à s’engager sur « El Camino ». En 2016, selon une étude réalisée pour la « Federación Española de Asociaciones de Amigos del Camino de Santiago », l’économie liée au chemin se chiffrait à 280 millions d’Euros. Ce qui impacte directement les emplois induits par cette activité lorsqu’elle s’infléchit. Ainsi, le scénario du film d‘horreur se déroulant réellement sur le Chemin de Compostelle, va bien au delà de l’aventure imaginaire vécue par cinq jeunes acteurs…

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