Se jeter sur le premier Jésus-Christ qui passe…

Une enquête de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament vise actuellement le professeur Didier Raoult, mais n’y a-t-il pas d’autres conclusions à tirer de la chloroquinemania ?

Homme considéré par certains comme providentiel, Didier Raoult ne serait-il pas un opportuniste à son insu ? Foto: NakaraZn / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Le professeur Didier Raoult fait à nouveau la une de nombreux journaux, mais cette fois-ci, ce n’est plus avec un traitement miracle, des déclarations fracassantes ou des pronostics fantaisistes. Celui que certains de nos concitoyens ont porté aux nues, est maintenant visé par une enquête de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), à propos de manquements éthiques lors d’essais cliniques menés à l’Institut Hospitalier Universitaire – Méditerranée (IHU), antérieurement à la pandémie de Covid-19.

La revanche des élites, affirmeront les tenants du complotisme populiste. Les effets prévisibles de l’exposition à la lumière, répondront les tenants du rationalisme scientifique. Qui a raison et qui a tort ? Ce n’est pas ici qu’il sera apporté une réponse simpliste à une question si complexe. Car si le professeur Didier Raoult peut se montrer excessif, il n’a rien d’un charlatan prétendant soigner une maladie grave potentiellement mortelle, avec exclusivement des jus de légumes sans pulpe et la récitation de mantras sans respirer.

Plus que les enquêtes en cours, dont nous parlerons éventuellement ici, une fois leurs conclusions rendues publiques, la question qui se pose demeure et demeurera : « Pourquoi tant de gens se sont-ils jetés sur le premier Jésus-Christ qui passait ? ». La physionomie du virologue marseillais ne devait pas être totalement étrangère à cela, diront les moqueurs. Ainsi soit-il, mais sans barbe ni cheveux longs, l’intéressé aurait fait pareillement mouche, car il ne manque pas de charisme. Chose faisant cruellement défaut aux showmen gouvernementaux et associés des séquences télévisuelles vespérales d’alors.

Au plein cœur d’une pandémie, due à un virus étranger prétendant au grand remplacement des agents pathogènes locaux, dans un pays gouverné par des politiques très déconnectés du réel et conseillés par des officines privées se voulant expertes en tout, un homme a donné de l’espoir à des milliers de gens. Mais ça ne s’est malheureusement pas arrêté là, car le déficit de culture scientifique de nos concitoyens aidant, l‘effet gourou a fonctionné bien au-delà de toutes espérances. Ainsi, autant les enquêtes en cours, au sujet de manquements du professeur Raoult à l’éthique dans ses recherches sont-elles nécessaires, autant s’avère t-il indispensable de refuser l’héritage de notre inconscient collectif sans inventaire préalable.

Nous n’en avons pas fini avec les pandémies virales et les politiques déconnectés du réel. L‘effet gourou qui a notamment porté Emmanuel Macron au pouvoir en 2017, s’est montré aussi efficace en 2022 avec un candidat que personne n’avait précédemment vu venir, sans pour autant, fort heureusement, le conduire au second tour. Si l’on veut se questionner sur le pourquoi de la réussite médiatique du professeur Didier Raoult en 2020, il faut aussi revenir au pourquoi de la première percée électorale d’Emmanuel Macron en 2017.

Le déficit de culture politique est assimilable au manque de culture scientifique. Dans le premier cas, grâce aux prodiges du marketing politique, un homme de droite est élu en se faisant passer pour un centriste de gauche. Dans le second, un chercheur parmi d’autres, se fait passer pour le seul détenteur d’une vérité par nature pluridimensionnelle. Pourquoi cela marche-t-il aussi bien ? Le déficit de la connaissance individuelle, est un facteur déterminant de l‘ignorance collective. Acquérir une rigueur scientifique procède de la même démarche que se forger une culture politique. L’exploration et l’appropriation d’un champ de connaissances le plus vaste possible et constamment renouvelé, s’avère toujours incompatible avec le militantisme borné.

Ce qui n’exclut pas des convictions et choix personnels, mais sans ce sectarisme favorisant les multiples fractures du corps social, aboutissant à des affrontements entre individus, les rendant aveugles à la destruction des conquis sociaux organisée par les politiques au service des puissances d’argent. Pour que se poursuive l’application des mesures anti-sociales, que nous pouvons logiquement attendre d’un nouveau gouvernement macroniste, il importe d’opposer au Chef de l’État, une Assemblée Nationale le forçant à la cohabitation. Or, céder à la tentation de se jeter sur le premier Jésus-Christ qui passe, laisse tout à loisir le diable se loger dans les détails…

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