Sécheresse et moulin à paroles

En 2020, le barrage d’Alto Lindoso laissait déjà apparaître des signe de déficit hydrique. Foto: Krzysztof Golik / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Alors que le manque d’eau contenue habituellement dans les sols à cette saison, affecte déjà les cultures en Algarve au sud du Portugal, Rui Rio, le leader du Partido Social Démocrata (PSD) de centre-droite, accusait le 21 février le Gouvernement Costa de s’endormir (sic !) face au faible niveau du barrage d’Alto Lindoso, qui se trouve au nord du pays, à la frontière hispano-portugaise.

Selon Rui Rio, le gouvernement aurait du, en prévision de la sécheresse, ordonner à Energias de Portugal (EDP) de produire moins d’énergie hydroélectrique. C’est pourtant simple ! Tellement simple que l’opposant principal à António Costa, ne dit pas qu’en hiver, l’ensemble du Portugal ne bénéficie pas du microclimat de l’Algarve et que les domiciles des Portugais sont souvent mal isolés.

Or, depuis début février, six barrages destinées à la production d’énergie et l’irrigation des cultures, sont en mode de restriction. Le président du PSD, fidèle à son habitude, se rend sur des sites plus ou moins sinistrés en se faisant accompagner par des élus et responsables locaux, convoque la presse, joue au donneur de leçons et repart comme il est venu. Il n’est pas nécessaire au Portugal de se rendre au Café du Commerce, pour entendre des discours procédant de l’éternelle exhortation condescendante « J’vous l’avais pourtant bien dit ! ».

Rui Rio aurait-il aussi oublié que depuis 1980, son pays est gouverné par une alternance entre la (vraie) social démocratie et le centre-droite, soit par le PS ou par le PSD, avec ou sans alliés. De 1983, début de la construction à 1992, année de l’inauguration de ce barrage, se sont succédés cinq gouvernements dirigés par trois premiers ministres : Francisco Pinto Balsemão (PSD), Mário Soares (PS) et Aníbal Cavaco Silva (PSD).

Il en fut de même par la suite, ainsi, le président du PSD, lorsqu’il met en cause l’actuel gouvernement socialiste, ne devrait-il pas perdre de vue que son parti étant aussi régulièrement aux affaires, se comporte comme un opposant systématique, ce qu’il ne le rend pas spécialement crédible. Pour imposer raisonnablement une baisse de la production d’énergie, quelle qu’en soit la source, il importe notamment de promouvoir sa faible consommation en favorisant l’isolation des bâtiments tant publics que privés. Si aujourd’hui, le compte n’y est pas, ce n’est de loin pas le seul fait de l’actuel gouvernement socialiste.

João Pedro Matos Fernandes, le Ministre de l’Environnement et de l’Action Climatique, avait déclaré mi-février que les restrictions de production d’énergie imposées à six barrages depuis le début du mois, se révèlent efficaces. Il n’est pas allé pour annoncer cela, faire un happening sur ou devant un barrage. De son côté, Miguel Stilwell d’Andrade, le PDG d’EDP, disait le 18 février, en faisant référence aux années de sécheresse 2005 et 2012, que le groupe gérant 59 centrales hydroélectriques au Portugal, ne prévoit pas de modifications structurelles de son plan stratégique, en fonction des conditions hydriques d’ici 2025.

Depuis début février, le Gouvernement a restreint le recours à plusieurs barrages, tant pour la production d’énergie que pour l’irrigation. Quatre d’entre eux produisent de l’électricité à raison de deux heures par semaine : Alto Lindoso et Touvedo au nord du pays, Cabril et Castelo de Bode au centre. Évidemment, la mise au jour à Alto Lindoso d’Aceredo, un village galicien immergé en 1992, a de quoi inquiéter, mais c’était déjà le cas en 2011 et 2017. Conscient de la nécessité de faire face efficacement aux périodes de sécheresse que connaît et connaîtra encore la Péninsule Ibérique, le gouvernement portugais a annoncé le 14 février, un renforcement de sa coopération avec l’Espagne. Annonce faite sans ramdam médiatique et déclarations grandiloquentes.