Serbie et Kosovo : de nouvelles frontières, bientôt ?

Les gouvernements serbe et kosovar semblent vouloir presser le mouvement : les tensions entre Serbes et Albanais montent depuis quelque temps, et il est temps pour l’un et pour l’autre de préparer l’admission à l’entrée dans l’Union Européenne !

Medveda, au sud de la Serbie, sur la frontière du Kosovo Foto: Geograf208 / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Samedi dernier, Aleksandar Vučić et Hashim Thaçi étaient invités pour un forum politique à Alpbach, en Autriche. Ils ont affirmé leur volonté commune de régler enfin, après deux décennies très difficiles et parfois sanglantes, le problème des relations entre leurs deux pays. La médiation de l’UE apparaît ici comme un facteur essentiel de paix et de stabilité. Cette rencontre qualifiée d’ « historique «  entre les deux dirigeants prépare deux déplacements ultérieurs : une rencontre à Bruxelles le 7 septembre, et une visite au Kosovo de Vučić, le président serbe, le 9 du même mois pour, a-t-il dit, « présenter les lignes directrices de la politique serbe concernant le Kosovo ». Vučić a ajouté : « Il faut que nous fassions quelque chose. Nous sommes les deux peuples les pus importants numériquement dans les Balkans. » Les choses semblent réellement bouger dans cette partie de l’Europe…

Le commissaire aux Négociations pour l’Elargissement de l’Union Européenne, Johannes Hahn, a lui aussi exprimé sa conviction que c’ était à Vučić et à Thaçi de trouver une solution concrète ; il reprend ainsi ce qu’a déclaré à Kiev, le 24 août dernier, John Bolton, le conseiller national à la sécurité de Donald Trump : que les Etats-Unis ne s’opposeraient pas à des changements territoriaux utiles à cette solution si les deux parties s’entendaient sur ces derniers.

Le Kosovo a déclaré son indépendance en 2008 ; Belgrade, pour qui cette région est historiquement serbe, s’y est opposée. Il est vrai que c’est la poussée démographique des Albanais qui a déterminé l’ appartenance culturelle majoritaire du Kosovo – et par conséquent, les problèmes récurrents et sanglants des relations avec la minorité serbe, surtout dans les années 1990, aux temps de l’ultra-nationalisme de Slobodan Milošević. Ces problèmes continuent aujourd’hui à se poser, avec des regains de tension ces derniers mois notamment, dans les districts du nord du Kosovo, peuplés majoritairement de Serbes, et dans quelques communes du sud de la Serbie qu’habitent majoritairement des Albanais.

Une solution semble s’imposer au sens commun, si les deux parties sont prêtes à une modification des frontières : le rattachement des premiers au Kosovo, et des seconds à la Serbie. Hasim Thaçi aurait d’ailleurs déclaré, le 8 août dernier, qu’un accord pourrait être accepté par Belgrade et conclu pour ce qui concerne l’un des nœuds du problème, à savoir les municipalités de Preševo, Medveđa et Bujanovac, au sud de la Serbie, pour qu’elles intègrent le territoire du Kosovo. Certes, on aurait aimé entendre Vučić lui-même l’affirmer de vive voix…

En tout cas, l’idée de la modification des frontières serbo-kosovares se heurte à la désapprobation d’une importante partie de l’opposition serbe,de nombreux Serbes du Kosovo, … et d’ Angela Merkel. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons.

Factuellement, la chose est complexe, puisque de nombreux Serbes habitent encore le Kosovo et doivent absolument bénéficier des même droits que la majorité albanaise. Mais plus précisément, le découpage territorial lui-même ne pourrait régler le problème, parce que plusieurs districts du sud du Kosovo sont majoritairement peuplés de Serbes ! Il faudrait donc les désagréger avec un super laser, comme dans les mauvais romans de SF ; mais hélas, ils s’y refusent. Donner dans l’angélisme et poser l’exigence des droits fondamentaux des minorités ne règle rien non plus, surtout après le vandalisme, la profanation et la destruction de 150 bâtiments historiques orthodoxes (depuis 1999) par les tenants d’un islam de plus en plus agressifs – on sait notamment que le Kosovo a constitué un vivier pour DAESH… En tout cas, on ne peut forcer ces Serbes à quitter leurs terres ni à s’en aller habiter sur le territoire de l’État serbe ! Sans doute serait-ce pourtant, et malheureusement, la seule solution véritable…

Culturellement, il se pose un problème quasi structural : faut-il privilégier les Etats-nations ethniques, comme on l’a fait après 1918, ou bien les Etats multi-ethniques comme on l’a fait après 1945, par l’effet du traumatisme nazi ? La première décision engendre la guerre, comme on l’a vu d’ailleurs aux premiers mois de l’indépendance du Kosovo. La seconde est un facteur de guerre civile, surtout dans les Balkans où règne presque partout une représentation forte et maximale de l’appartenance ethnique.

Comment dépasser ce dilemme ou pseudo-dilemme ? On ne saurait répondre autre chose que de réaffirmer le rôle essentiel que devront jouer les institutions européennes dans la résolution de ce conflit : c’est là un impératif absolu pour assurer la Paix dans le Sud des Balkans. Cela suppose une Union Européenne forte, unie, sûre d’elle et décidée. Ce qui va à l’encontre de certains spectacles qu’elle inflige à ses citoyens ces derniers mois… La réunion d’Alpbach de samedi dernier incline cependant à l’optimisme.

 

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