Serbie : les manifs et Poutine

On attend le réveil de l’Union européenne...

Les présidents russe et serbe la semaine dernière à Belgrade Foto: www.kremlin.ru / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Tandis que les manifestations très importantes se multiplient et s’étendent à toutes les villes du pays pour protester contre la violence politique du gouvernement, on s’interroge sur l’action possible de l’Union européenne et sur les relations ambigües que le président serbe, Aleksandar Vučić, entretient avec le Tsar de toute la Russie.

Des commentateurs font remarquer que l’étendue de cette protestation montre à que point l’État serbe est dans les choux. Et en effet, des panneaux nous apprenaient qu’ ” il y a quelque chose de pourri en Serbie ” ; mais Vucic n’est pas Hamlet. Jeudi et samedi dernier le 26 janvier, 20000 personnes au moins ont affronté la neige dans les rues de Belgrade, pour la 8e semaine consécutive. Mais la plupart des ville du pays, à peu près toutes à vrai dire, ont participé à ce mouvement général, dans toutes les parties du pays, du Nord au Sud, de Sombor à Vranje.

Rappelons qu’il s’agit pour la population serbe de protester contre la violence politique et l’absence de réelle liberté dans les médias. Faits déclencheurs : l’assassinat et la tentative d’assassinat l’an dernier de plusieurs hommes politiques d’opposition, Oliver Ivanović (abattu en janvier 2018 à Mitrovica, au Nord du Kosovo) et Borko Stefanović (assommé à coups de barre de fer tandis qu’il s’apprêtait à prendre la parole lors d’une rencontre politique), et la tentative de meurtre plus récente, début décembre dernier, d’un journaliste qui œuvrait dans un média excellent, Žig info. Le cas est très significatif ; et c’est le seul où le gouvernement du SNS ait lâché un peu de lest.

En bref, le maire SNS de la ville de Grocka, Dragoljub Simonović, a ordonné à un policier d’incendier la maison de Milan Jovanović : ce dernier a engagé entre 2 et 4 malfrats à cette fin. Début décembre, la maison du journaliste a donc flambé : imparable, deux cocktails molotov lancés à petite distance. En réalité, le journaliste et Žig info étaient depuis longtemps la cible de menaces, parce qu’ils enquêtaient depuis quelque temps sur des faits de corruption dans la bonne ville de Grocka. Tout cela était un peu voyant, et la population réclamait l’arrestation du maire véreux et assassin : c’est chose faite, depuis le 25 janvier, vendredi dernier donc. Concession en même temps qu’aveu, n’est-il pas vrai…

Le mouvement social serbe n’est pas prêt de s’éteindre. Il a commencé le 25 novembre et nul ne sait quand ni sur quoi il cessera. Sur des concessions majeures ? Sur une confrontation généralisée et stérile ? Sur le plan international, on s’interroge – et il était grand temps que l’on s’interrogeât !

Une donnée fondamentale : le rôle accru que Poutine espère jouer dans les Balkans occidentaux ces prochaines années. Poutine a été reçu comme un Tsar la semaine dernière, pour l’inauguration de la basilique Saint Sava. Un appui de taille pour le président serbe. On a fait mine de ne pas voir que son attitude a été plutôt offensive. Poutine est alléché par la stupide déclaration de Trump qui a claironné que les Etats-Unis allaient se retirer un jour ou l’autre de l’OTAN.

Voilà qui est intéressant pour les Russes : un affaiblissement annoncé de l’OTAN dans lequel Poutine peut s’engouffrer. C’est le moment, les gars, ne tardons pas : Poutine est donc venu à Belgrade avec Alexei Miller, le PDG de Gasprom, sans doute pour empêcher que le cœur de Vučić balance entre la Russie et la Chine déjà omniprésente dans les Balkans – léthargie unioneuropéenne oblige ! La Chine est là et bien là, que ce soit en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro (membre de l’OTAN…) ou en Macédoine…

Les Balkans sont assurément devenus le champ de luttes d’influences entre Russie et Chine. Et puis : il y a l’oscillation d’Aleksandar Vučić et ses déclarations contradictoires : les propos assez grandiloquents du président serbe quant à la voie que tracera(it) pour son pays l’intégration à l’UE et par ailleurs, sa quasi-prosternation devant Vladimir Poutine. Un choix difficile, n’est-ce pas … Et rendu difficile surtout par les années d’hésitation et d’inaction des institutions européennes.

La suite, nous la saurons au prochain épisode.

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