Serie (4) – Qu’attend la Tunisie de l’UE ?

Quatrième volet de notre série exclusive proposé par notre correspondant à Tunis, Cheker Berhima.

Le ministre du développement tunisien Fadhel Abdelkafi a répondu aux questions d'Eurojournalist(e). Foto: CB

(Cheker Berhima) – A un moment où le monde arabe est en pleine mutation et ressemble de plus en plus à un baril de poudre, les relations entre l’Afrique du Nord et l’Union Européenne deviennent de plus en plus importantes. Mais qu’attend la Tunisie de la part de l’Union Européenne ? Notre correspondant à Tunis, Cheker Berhima, a posé la question aux Ministre du Développement, de l’Investissement et de la Coopération Internationale, Fadhel Abdelkafi. Interview.

Comment percevez-vous l’Union Européenne ?

Fadhel Abdelkafi : Tout d’abord permettez-moi de vous dire, qu’en tant que Tunisien, je me sens très proche de nos amis européens du Sud, beaucoup plus proche d’ailleurs que d’autres régions du monde.

Ainsi, quand je m’adresse à l’Union Européenne, je ne m’adresse pas seulement à l’institution politico-économique, mais également à nos amis, nos voisins, des personnes avec qui nous partageons de nombreuses valeurs.

D’ailleurs, si nous avons réussi notre transition démocratique, c’est en partie grâce à toutes ces valeurs universelles que nous partageons à savoir la liberté, la fraternité et la dignité.

Ce sentiment de proximité culturelle et affective fait que nous exigeons une solidarité encore plus renforcée de la part de l’UE envers la Tunisie.

Cependant, et en dépit de la forte communication médiatique sur cette solidarité, les Tunisiens, qui se démènent actuellement dans des difficultés économiques et sociales, se sentent seuls et pas assez soutenus par la communauté internationale.

Ce sentiment est d’autant plus fortement ressenti que la Tunisie s’est dotée d’une Constitution avant-gardiste garantissant un Etat de droit moderne et démocratique et énonçant les principes et les valeurs universels, ce qui rend notre pays encore plus proche du voisinage européen.

Fort heureusement, la Conférence Internationale « Tunisia2020 » est venue changer cette perception, et un appui de la communauté internationale en général, et de l’UE en particulier, s’est manifesté d’une manière très concrète. Ainsi, l’UE a octroyé à la Tunisie un don de 500 millions de dinars, la BEI a signé un engagement de soutenir la Tunisie sur une durée de 5 ans pour un montant de 2,5 milliards d’euros, etc.

Qu’attendez-vous des institutions européennes et des pays occidentaux ?

FA : Nous estimons que les relations de l’Union européenne avec la Tunisie ne doivent pas se contenter des sentiers battus et des canaux classiques de coopération qui sont proposés à l’ensemble des pays voisins de l’UE à l’est et au sud de la Méditerranée.

Ces relations gagneraient à s’inscrire dans le cadre d’une vision globale et plus profonde, qui tienne compte de l’importance du momentum historique et du capital politique dont jouit actuellement le pays.

Nous nous attendons à ce que le soutien politique et diplomatique clamé haut et fort par les différents responsables européens et ceux des pays membres, et clairement exprimé par les résolutions et les communications des institutions de l’Union en faveur de la Tunisie, soit traduit réellement et concrètement en un appui qui soit digne des défis et des challenges auxquels fait face la jeune démocratie tunisienne.

Nous remercions l’UE pour les engagements qu’elle a promis pour la Tunisie durant la conférence Tunisia2020 et nous continuons d’insister sur l’importance de rendre cet appui le plus concret possible.

Rien n’empêche l’UE par exemple de mettre en place des instruments spécifiques dédiés au soutien des pays en transition démocratique, tel que la Tunisie, et qui ont subi une déstabilisation systémique, afin de les aider dans leur processus de résilience et leur retour à la stabilité et à la croissance. Une sorte de programme « Spring » ou « Umbrella » “à une échelle beaucoup plus grande et plus substantielle.

Quelques réflexions critiques ?

FA : Les appuis financiers de l’Union –dons et prêts- sont assortis, pour la plupart, de conditionnalités parfois contraignantes, dont certaines sont compliquées à mettre en œuvre dans les délais impartis, eu égard aux contraintes auxquelles fait face le pays. Du coup, il arrive que des fonds, programmés par notre budget, ne soient pas décaissés en raison de la non satisfaction des mesures et des réformes qui leurs sont rattachées.

Et les besoins de la Tunisie ?

FA : Les besoins du pays sont immenses: le pays a besoin d’un appui financier de taille sur plusieurs années afin de garantir la résilience et la stabilisation de son économie et retrouver le chemin de la croissance.

Les attentes de la population sont multiples : emploi, santé, éducation, transport, assainissement, eau potable. L’émancipation politique ne s’est pas traduite par des progrès au niveau de la qualité de la vie au quotidien.

La Conférence Internationale sur l’Investissement que nous venons d’organiser fin novembre a été un événement majeur pour notre pays. Elle nous a permis de mobiliser les pays amis, les bailleurs de fond et le secteur privé afin de contribuer au sursaut économique de notre pays.

Cependant, beaucoup reste à faire, et nous comptons sur l’UE et ses pays membres pour nous soutenir davantage dans cette phase critique de notre histoire.

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