Si, si, je vous assure : les Français votent ce dimanche !

Alain Howiller commente les enjeux des élections départementales dont le premier tour aura lieu ce dimanche, 22 mars 2015.

Il doit y avoir des élections bientôt, si l'on croit les affiches... Foto: Eurojournalist(e)

(Par Alain Howiller) – C’est un bien étrange scrutin qui va avoir lieu Dimanche : les Français vont avoir à renouveler ce qu’on appelait, il y a moins de trois mois encore, leurs conseils généraux. Le scrutin aurait mérité de retenir l’attention des électeurs : pourtant, selon les sondages, entre 56 et 60% d’entre eux ne se déplaceront pas pour mettre leur bulletin de vote dans l’urne. Cette fois, alors que jusqu’ici, les conseils généraux étaient renouvelés par moitié tous les trois ans, il s’agit de renouveler la totalité des conseillers et, en plus, de désigner, canton par canton, un «binôme» : un homme et une femme qui assumeront ensemble leur mandat : ensemble, mais en toute indépendance de l’un par rapport à l’autre. Malgré ce coup de pouce à la parité homme/femme, la participation ne semble pas devoir se redresser pour un scrutin par essence proche -comme les élections municipales- des citoyens : le «conseil général» (devenu depuis le 1er Janvier «conseil départemental») n’est-il pas l’assemblée délibérante du département dont ma circonscription électorale de base est le canton ?

Certes, l’abstention attendue reflète le divorce croissant entre le citoyen et ceux qui le représentent : dans ce scrutin, comme dans d’autres consultations, le désenchantement joue contre ces politiques qui parlent si bien de la menace de l’abstentionnisme, mais le combattent si mal !… Depuis des années, on s’interroge sur ce fameux «mille-feuilles» qui fait co-exister départements, régions (dont le nombre doit diminuer par fusions), communes isolées ou regroupées au titre de «l’intercommunalité». Il y a eu de longs débats, au début du mandat de François Hollande (qui fut président du conseil général de la Corrèze, championne de France des départements les plus endettés !), sur le maintien ou non du département : décidé d’abord à le maintenir, puis à le supprimer, le Président de la République a décidé dans un premier temps à le maintenir en milieux rural avant de se rallier purement et simplement à… sa survie !

De la réforme Sarkozy à la réforme Hollande. – La polémique n’a rien arrangé pour l’image d’une institution bousculée par ailleurs. Nicolas Sarkozy avait introduit une première réforme : il avait créé «l’élu-conseiller territorial» qui devait substituer un poste unique fusionnant le conseiller général et le conseiller régional. Le conseiller territorial préparaît, en fait, la disparition en djx ans, du conseiller général représentant du département. Poursuivant la tradition qui veut qu’en France, une nouvelle majorité défait ce que l’ancienne avait décidé, François Hollande et sa majorité ont décidé la suppression de cette réforme pour y substituer, en même temps que la fusion des régions, le développement des «inter-communalités» et la création des «euro-métropoles» (dont Strasbourg) ainsi que la création des binômes. Le tout combiné à une suppression de la moitié des cantons : 2054 cantons au lieu de 4035 (23 dans le Bas-Rhin au lieu de 44 et 17 dans le Haut Rhin, au lieu de 34).

Mais si le nombre des cantons diminue, celui des élus, du fait de l’élection des binômes, ne diminue pas. L’électeur déjà un peu (!) déboussolé par ces innovations, doit affronter une difficulté supplémentaire liée à la loi dite «loi NOTRe» (pour «Nouvelle Organisation territoriale de la République»). Cette loi doit redéfinir les compétences des départements -face notamment aux régions ou aux eurométropoles- n’a pas encore été… adoptée ! Le projet a été voté à l’Assemblée Nationale : il doit maintenant passer au Sénat puis revenir à l’Assemblée -éventuellement enrichi d’amendements- pour adoption définitive d’ici à l’été ! On votera donc les 22 et 29 Mars (deuxième tour des élections) pour le renouvellement des conseils départementaux… sans connaître les compétences et les pouvoirs réels dont disposeront les nouvelles institutions !

Pour le PS – une défaite annoncée ? – Cela ne facilite évidemment pas la campagne électorale des futurs élus qui ne savent pas trop comment se battre sur le terrain qui devrait être le leur : le canton. Il n’est pas étonnant, dès lors, qu’un peu plus de 30% des électeurs affirment ne pas savoir qu’il y a des élections, que le risque d’abstention sera élevé encouragé, en plus, par les changements (introduction des binômes et redécoupage des cantons du fait de leur diminution en nombre). Une des conséquences de cet état de choses est que la campagne électorale au lieu d’être locale, axée sur les problèmes des cantons, est devenue nationale et prend des allures de referendum : pour ou contre la politique menée par le pouvoir en place, pour ou contre le Président de la République, pour ou contre les élus du Parti Socialiste en charge du gouvernement. Déjà laminé par les élections municipales et les élections européennes, le PS risque gros lors de ces élections dont certains voudraient faire une consultation indicative pour les élections présidentielles de… 2017 ! Sans compter que tant le parti de Nicolas Sarkozy (UMP) que le PS du Premier Ministre Manuel Valls espèrent pouvoir s’appuyer sur les résultats pour peser sur les congrès de leur parti respectif : l’UMP se réunira en Mai, le PS en Juin.

Pour le parti au pouvoir, tous les sondages convergent pour lui annoncer une défaite plus ou moins cuisante. Les sondeurs créditent le PS de plus ou moins 20% d’intentions de vote, tandis que le Front National (FN) de Marine Le Pen et l’UMP sont au coude à coude autour de 30%, avec un léger avantage pour le FN. Commentateurs et politiques en ne cessant de s’interroger sur les résultats que pourrait obtenir le FN, ont incontestablement contribué à placer le parti d’extrême droite au coeur des élections départementales au point que Marine Le Pen s’est payée le luxe de lancer à Manuel Valls : «Il ferait mieux de s’occuper des problèmes de la France qui va mal, plutôt que de se soucier des scores du FN !» En lançant des «il faut arracher les électeurs au Front National» (François Hollande) ou «j’ai peur que mon pays se fracasse contre le FN…. ce dernier n’est ni un parti républicain, ni un parti patriote…» (Manuel Valls), les «têtes» de l’Etat ont-ils découragé de voter FN ou, au contraire, ont-ils conforté ceux qui vont porter leurs suffrages sur les candidats frontistes ?

Quand on donne la vedette au Front National ! – En oubliant que le premier parti de France sera, une fois encore, le «parti des abstentionnistes» et en s’interrogeant sans cesse sur le point de savoir si oui ou non le FN sera le premier parti de France au sortir des urnes, les commentateurs ont-ils eu conscience de l’effet dévastateur de cette interrogation récurrente ? Le FN est le produit de l’échec des politiques menées, de la «déconsidération» des citoyens vis à vis des représentants du monde politique. Alors qu’un sondage réalisé dans la dizaine de villes conquises par le parti d’extrême-droite souligne que 73% des administrés sont satisfaits de leur nouvelle municipalité, à l’heure où une étude révèle que le PS présente 5 ouvriers candidats aux élections départementales contre 150 au FN et 80 au «Front de Gauche» (extrême gauche), il serait plus que temps que la politique et la réflexion l’emportent sur les slogans faciles et éculés. Il serait temps aussi qu’arrêtent de rêver ceux qui -reprenant un vieux rêve de François Mitterrand- spéculent sur une progression du FN qui affaiblirait la droite et déboucherait -à terme- sur des duels «extrême droite / gauche» au profit de la gauche !

Dans un tel contexte, il n’est pas inutile de rappeler que les élections des 22 et 29 Mars désigneront les «binômes» appelés à gérer les cantons : on suivra tout particulièrement le scrutin en Alsace : non pas seulement (encore que….) parce que «eurojournalist.eu» ne rate jamais une occasion d’ausculter le territoire rhénan qui l’a vu naître, mais parce que, ici, se nouent des enjeux particuliers.

Les enjeux alsaciens. – Premier enjeu : le point de connaître la majorité qui se dégagera après le deuxième tour de l’élection. Cette majorité élira un nouveau président tant dans le Bas-Rhin que dans le Haut-Rhin : les deux présidents sortants ne se représentent plus aux suffrages des électeurs. Dans le Bas-Rhin, la personnalité du nouveau président aura une importance particulière : c’est lui qui devra négocier avec Robert Herrmann, le Président de l’Eurométropole-Strasbourg, les transferts de compétences qui devraient quitter le Conseil Départemental bas-rhinois au profit de l’Eurométropole. Le scrutin permettra aussi de juger de l’audience des «autonomistes alsaciens» qui présentent des candidats : ceux-ci protestent toujours contre la fusion «Alsace, Lorraine, Champagne-Ardenne» qu’ils espèrent remettre en question en utilisant une pétition réclamant un nouveau referendum sur le maintien de la Région Alsace telle qu’elle est. A noter que Philippe Richert, le Président de la Région Alsace (et tête de liste «UMP» lors des élections régionales de Décembre) ne pense pas que les pétitionnaires réuniront les 127.000 signatures à réunir d’ici au 1er.Juin : même si les signatures étaient rassemblées, ce serait à l’Etat -qui vient de provoquer la fusion du «grand est»- de décider et d’organiser un nouveau référendum. Une hypothèse qui a peu de chances de se réaliser : dans les conditions actuelles, la fusion semble en voie d’être concrétisée !

Dernier «enjeu alsacien» : un «parti musulman» se présente aux élections départementales et il sera intéressant de juger de son audience électorale.

1 Kommentar zu Si, si, je vous assure : les Français votent ce dimanche !

  1. Ces élections posent le problème de ce qu’est la démocratie actuellement en France : s’agit-il de voter et d’approuver une politique ou de donner un blanc-seing à un parti?

    Clairement dans ce cas précis, les partis nous disent : nous ne savons pas quelles seront nos compétences, nous n’avons donc pas de projet politique à soumettre, mais donnez nous d’abords le pouvoir nous verrons ensuite ce que nous en ferons! Et d’arguer ensuite de la légitimité de leur politique, quelle qu’elle soit…

    A vider ainsi les élections de leur substance, celles-ci se transforment de fait en défouloir, et les citoyens en de vulgaires consommateurs allant passer leur frustration sur le SAV…

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