Sidra de Asturias
Les crêpes et beignets, traditionnellement dégustés en février, s’accordent avec le cidre. C’est l’occasion de découvrir celui des Asturies, mais pour cela il vaudrait mieux faire le déplacement...

(Jean-Marc Claus) – Consommé tout au long de l’année, faiblement alcoolisé (4°à 6°), servi d’une manière pour le moins acrobatique, le cidre des Asturies est depuis 2024 inscrit par l’UNESCO sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Avec une production consommée à 90% localement, pour le déguster et comparer différents crus, il est préférable de séjourner dans la principauté.
Les 40 millions de bouteilles sortant annuellement des cidreries de la principauté, en font la boisson asturienne par excellence. Des 500 variétés de pommes cultivées dans les vergers asturiens, seulement 76 sont sélectionnées pour produire un cidre « Denomination de Origen Protegida » (DOP) « Sidra de Asturias », appellation obtenue en 2002. Des variétés classées en 9 catégories selon la gradation dulce, dulce-amargo, amargo, semiácido, semiácido-amargo, amargo-semiácido, ácido, ácido-amargo et enfin amargo-ácido.
Un jus associant savamment les saveurs acides, amères et sucrées,va à l’issue de fermentations alcoolique et malolactique, ainsi qu’un temps de maturation, aboutir à différent types de cidres.
De nouvelle expression (à microbulles), mousseux, doux (d’el dernu), biologique, brut, de glace (issu de la congélation des pommes ou du moût) sont autant de variétés dont les saveurs dépendent encore des sites de récolte et de production. Très souvent les cidreries (llagares) offrent à proximité de leurs caves, des espaces dédiés à la dégustation où se pratique l’espicha. A l’origine cérémonie d’ouverture des tonneaux, le terme est devenu synonyme de moment de convivialité entre amis.
Star de ces rencontres qui cimentent la vie sociale asturienne, le cidre est versé à la mode « escanciado », c’est-à-dire bouteille bien au-dessus du verre, pour qu’en oxygénant lors de sa chute, le précieux nectar bénéficie d’un renforcement de ses saveurs. Initialement, le verre faisait le tour des convives, mais le fait qu’aujourd’hui chacun possède le sien, ne change rien à la dimension collective de ce moment particulier.
Le vocabulaire relatif au cidre est très riche. Les bulles se nomment « espalme » et forment une mousse qui doit, contrairement à celle de la bière, disparaître de la surface au bout de quelques secondes, mais de petites particules nommées « pegue », demeurent accrochées aux parois du verre. D’un cidre splendide (espléndido) on dira « ta pistonuda » et d’un mauvais, de plus en plus difficile à trouver, « ta pa lechuga » s’il est juste bon pour entrer dans la composition d’une vinaigrette !
Connu depuis l’Antiquité, le cidre, dont le nom vient du grec sikera qui donnera en latin sicera et en asturien sizra traduit en castillan et catalan par sidra, était consommé dans les Asturies dès le Ier siècle de notre ère. Ce sont les monastères du Moyen-Âge qui, en développant des llagares, sites de production communautaires associant les paysans, ont très largement contribué à l’amélioration d’un produit que la croissance démographique du XIXe a dopé.
Mais l’avènement de l’ère industrielle n’a pas volé l’âme du cidre des Asturies, communauté autonome produisant 80% du cidre espagnol. L’âme et les traditions, dont celle des chigres, bars à cidre et lieux de convivialité populaire, qui jouèrent un rôle important pour les mouvements ouvriers asturiens. Adopté tant par les classes aisées que les catégories les plus modestes, le cidre fait l’unanimité aux Asturies où la gauche est majoritaire à la Junta General, sauf exception de la période 1995-1999, mais le parti d’extrême-droite Vox est passé de 6,51% des voix lors de son entrée en 2019 à 10,11% en 2023…
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