Slovaquie : une révolution ?

Défaite du parti au pouvoir

Igor Matovic, le vainqueur du SMER et de Robert Fico Foto : David Duducz/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – Le parti d’opposition de centre droit, l’OL’aNO-NOVA (« Parti des Gens Ordinaires et des personnalité indépendantes »!) a remporté samedi les élections législatives dans ce pays de 5,5 millions d’habitants, qui fait partie de l’Union européenne depuis 2004 et occupe une position clé aux extrémités de l’Europe centrale. Cette victoire remet en question le pouvoir du parti SMER, largement héritier de l’époque soviétique. Une révolution ?

Le parti au pouvoir (et particulièrement le premier ministre, Peter Pellegrini), qui se targue d’être social-démocrate et de se soucier surtout de la protection sociale d’une population en effet malmenée depuis presque un siècle, reproche à Igor Matovič, le dirigeant de l’opposition de centre droit, «  un bon marketing » – en somme, le caractère démago-marquetingue de son positionnement. Ils n’ont pas tort, et on peut entretenir quelque inquiétude, une fois la phase d’euphorie dépassée, face aux intentions libérales de l’ OL’aNO et face à ce qui constituera nécessairement sa pratique économique et politique s’il continue à gagner des élections importantes comme celle qui vient de se dérouler, le week end dernier.

Mais la victoire de l’OL’aNO, si elle est très nette, n’en est pas pour autant décisive politiquement : les 25,2% du nouveau parti ne se détachent que peu des 18,3% qui ont continué à soutenir le SMER. Il faudra donc un gouvernement de coalition, puisque la majorité absolue est loin d’être atteinte. Avec qui Matovič s’alliera-t-il ? Le dirigeant a annoncé sa volonté de s’allier avec les autres partis de l’opposition démocratique ; ce qui est de l’ordre du possible. Il rencontrera d’ailleurs la présidente du renouveau, Zuzana Caputova, aujourd’hui ou mardi.

Il s’agit aussi de distancier le plus possible les deux partis d’extrême-droite : le SME Rodina (« Parti National Slovaque ») de Boris Kollár, qu’on peut qualifier de « populiste », et surtout, la formation L’SNS (« Notre Slovaquie »), qui fait beaucoup parler de son chef, Marian Kotleba, un nazi moustachu au crâne rasé – celui qu’on qualifie de « Führer slovaque » – assez bien implanté au cœur du pays, dans sa ville natale aux nombreux chômeurs, Bańska Bystrica… Un parti anti-européen, anti-OTAN, pro-Poutine (à ce sujet, il serait intéressant d’examiner les comptes de ce parti, qui semble confortablement renfloué par les services russes…), et bien évidemment (si l’on peut dire), anti-Roms. La situation est sérieuse, puisque chacun de ces deux partis d’extrême-droite a réalisé un score de 8 % : ils seront donc tous deux représentés au Parlement de Bratislava.

Les citoyens slovaques ont profondément besoin de changements, c’est incontestable. La participation électorale en témoigne : 65% de l’électorat a voté lors de ces législatives de samedi. En 2016, le pourcentage s’élevait à 59%…

Des changements : le substrat de la politique slovaque, depuis plusieurs décennies, c’est une grave corruption ; celle des néo-apparatchiks qui ont prospéré sur les ruines du post-stalinisme en place jusqu’à 1990, en s’accaparant les richesses industrielles et agricoles du pays. Grave au point de nouer solidement les liens dont on a abondamment parlé dans Eurojournalist entre politique, crime organisé et mafia – notamment avec cette mafia calabraise présente dans le pays… et d’autres mafias moins marquées culturellement…

Ce qui a surtout précipité la mobilisation des citoyens, ces citoyens dont 2 millions constituaient une sorte de majorité molle et silencieuse et refusaient d’aller voter, c’est bien évidemment l’Affaire Ján Kuciak, ce meurtre d’un jeune journaliste de 27 ans et de sa compagne en janvier 2019. Elle a permis à l’indignation civique et morale des citoyens d’atteindre à un point d’incandescence jamais atteint depuis 1989 et le chute du régime post-stalinien.

Rappelons qu’un film, intitulé Sviňa (The Scumbag), vient de sortir en Slovaquie sur l’Affaire et y remporte un succès phénoménal, jamais vu depuis très longtemps à Bratislava. Un film excellent et très dur, à partir du roman lui-même plus excellent encore d’Arpád Soltész.

Le film bénéficiera très rapidement d’une version en langue anglaise. Courez-y, les gars !

 

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste