Slovaquie : vive elle !
Mais bientôt, en Europe centrale, le dur impact de la pandémie
(Marc Chaudeur) – Les Slovaques ont bien de la chance. Une Présidente écolo, de gauche plus que verbalement – donc active sur le plan social, suivez mon regard – et de plus, belle comme tout ! (Oui, je sais, certaines me diront : qu’est-ce que ça peut faire qu’elle soit belle, et gneu gneu gneu). Elue il y a un an, Zuzana Čaputová connaît une popularité intacte. Mais bientôt,hélas, un gros nuage noir va passer dans le ciel slovaque : d’après l’OCDE, la Slovaquie et son voisin tchèque vont ressentir durement les effets de la pandémie. Il est encore temps d’agir.
Zuzana Čaputová, 47 ans en juin prochain, a été élue il y a un peu plus d’un an, le 30 mars 2019. Elle l’a été sur un programme explicitement social (et non populiste) et écologiste (et non vert pâle-verbeux). Elle avait fort à faire contre ses adversaires redoutables et semi-mafieux ; mais elle a précisément bénéficié du scandale énorme qu’avait occasionné l’Affaire Kuciak, du nom de ce jeune journaliste que des malfrats ont abattu le 21 février 2018 ; un assassinat commandité par un homme d’affaires très très proche du gouvernement – et en liens quasi organiques avec la mafia calabraise, la Ndrangheta, solidement installée dans l’agro-alimentaire au cœur de la Slovaquie.
Le parti de Madame Čaputová, dont elle est l’une des fondatrices, c’est le PS, Progresívne Slovensko : un parti europhile, qu’on peut classer au centre gauche écologiste. Un fait remarquable est que ce parti n’a pour ainsi dire pas de base parlementaire. Pas davantage aujourd’hui que l’an dernier. La popularité de la Présidente est donc très liée à sa personnalité, en effet exceptionnelle ; mais elle n‘a pas dévié de son programme et des tendances marquantes qu’elle tient à mettre en œuvre, qui reposent beaucoup sur l’empathie. Zuzana a des traits communs frappants, en ce sens, avec la Première ministre néo-zélandaise, Jacinda Ardern, qui, elle, insiste sur la kindness, qu’elle dit représenter le fondement de son action politique.
C’est en tout cas cette empathie qui a marqué son Discours sur l’état de la République, prononcé le 5 juin dernier. Il faut rappeler que le rôle du Président, en Slovaquie, est à peu près comparable à celui qu’il exerce en Allemagne, et non pas à celui qui est le sien en France ou aux Etats-Unis. Ce qu lui permet plus facilement d’apparaître comme une sorte de directeur idéologique ou de caution morale surplombante…
Son discours n’a pourtant pas manqué de réalisme.Elle a esquissé en quelques phrases la nécessité pour la Slovaquie de changer radicalement d’orientation économique : d’ une sorte d’usine de montage pour les voitures des grandes marques étrangères, elle doit absolument aujourd’hui s’extraire de ce qui est bien un rôle subordonné sur le plan international et construire… autre chose. La Présidente n’a pas précisé quoi… Une situation d’ailleurs très analogue à celle de la Hongrie voisine, dont on voit très mal comment elle aussi s’en sortira(it). Il y a nécessité d’augmenter considérablement la part des investissements de firmes nationales et de rehausser considérablement les salaires ; mais c’est plus vite dit que fait.
La Présidente a consacré la majeure partie de son discours à la pandémie et à ses conséquences. Elle a déploré le fait que les sciences et la recherche soient très insuffisamment financées ; elle a même dénoncé le fait que des fonds publics, donc en partie européens, aient abouti dans les poches de « sangsues » ! Une meilleure organisation et un contrôle beaucoup plus efficace de la recherche publique s’impose donc.
Elle a aussi constaté avec vigueur que les couches sociales les plus défavorisées ont été bien davantage touchées par la pandémie que les autres. Et elle a pointé le besoin d’une augmentation des salaires dans les professions de la santé.
Il faut espérer que les mesures qu’elle aimerait voir appliquées pourront l’être sans trop de difficultés. En effet, selon un rapport publié le 10 juin par l’OCDE, la République tchèque et la Slovaquie seront parmi les pays européens les plus durement touchées par les conséquences de la pandémie : des conséquences « graves et durables », peut-on y lire : schématiquement, une chute de 9% du PIB en 2020, et une montée du chômage jusqu’à 8%…
Les dirigeants slovaques devront donc absolument prendre les devants, s’il est encore temps. Il serait très dommage que la restauration de la confiance, le remplacement du populisme par une politique honnête et progressiste soit anéantis à cause d’ une mauvaise gestion de la crise par le Premier ministre, Igor Matovič,et son gouvernement de centre droit…
Voir : http://www.oecd.org/FR/
et http://courrierdeuropecentrale.fr/
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