Sommet des Balkans occidentaux à Sofia : l’Europe comme systole et diastole

Le 17 mai dernier a eu lieu à Sofia le Sommet des Balkans occidentaux ; il relançait la question de l’adhésion à l’Union,et plus largement, précisait ce que l’UE pourra y apporter.

Belgrade, la Poste : quel rôle la Serbie jouera-t-elle dans l'Europe de 2050 ? Foto: Philozei- Belgrad - Post-Office / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(MC) – Le Sommet de Sofia, le 17 mai dernier, a réuni les dirigeants des Etats membres de l’Union Européenne et ceux des 6 pays concernés : la Bosnie-Herzégovine, la Serbie, le Monténégro, la Macédoine, le Kosovo et l‘Albanie. Il était évidemment question de l’éventuelle adhésion de ces pays à l’UE, mais plus largement, de déterminer ensemble les relations les plus adéquates à l’Union.

Il semble bien que la relance des demandes d’adhésion et plus largement, le message clair que les dirigeants de l’UE ont voulu faire parvenir, celui de l’arrimage nécessaire (aux deux sens du terme) de ces 6 pays à l’Europe, est motivé par les sérieuses inquiétudes qu’ils éprouvent à l’égard d’autres rattachements, voire d’autres vassalités jamais impossibles : à la Russie (très présente dans les Balkans!), à la Chine (présente partout, de toute manière) et la Turquie, anciennes appartenances ottomanes obligent – et liens culturo-religieux. En somme, quand de vilains courtisans libidineux s’approchent de trop près de l’épouse, on s’aperçoit à nouveau qu’elle est belle et on lui offre des roses et des loukoums. Elle préfère les loukoums, plus concrets et plus consistants.

Jean-Claude Juncker et Federica Mogherini ont ainsi beaucoup appuyé cette réaffirmation des liens entre UE et Balkans de l’Ouest. Avec des sentiments mitigés parmi les dirigeants et la population de ces pays à l’histoire tragique et mouvementée. Les Serbes sont déçus d’attendre depuis des années, et peinent à résoudre le grave problème du Kosovo ; les Monténégrins sont mieux disposés. Mais l’ensemble de ces relations pâtit d’un certaine langueur volontairement établie – c’est du moins ce qu’on ressent là-bas. Ces 2 pays sont les seuls parmi les 6 qui soient réellement concernés par une possible adhésion proche. D’ici 2025 ? Personne ne le sait réellement. Quoi qu’il en soit, les Balkans de l’Ouest ne savent plus sur quel pied danser : on les courtise et on les rejette à la fois. L’UE est dans une phase contradictoire où elle s’ouvre en apparence de façon volontariste à un nouvel élargissement, mais où en même temps, elle voit bien les dangers à y favoriser l’entrée de pays qui continuent à poser problème.

Emmanuel Macron a déclaré, le 17 avril, lorsqu’il était à Strasbourg et que les politiciens locaux touchaient son costume bleu pétrole pour guérir leurs scrofules comme à l’époque de Jésus, de Frédéric II Hohenstaufen et de Johnny Halliday : « Je souhaite arrimer les Balkans à l’UE, et ne pas les laisser dériver vers la Turquie ou la Russie ; mais je ne défendrai un prochain élargissement que lorsqu’il y aura un approfondissement et une amélioration de notre Europe». A comprendre : une amélioration du fonctionnement des institutions européennes, grâce à la normalisation des relations paradoxales avec ces Etats membres que sont la Pologne et la Hongrie ; un approfondissement, à savoir une intensification de la construction de l’Union, qui à ses yeux, s’oppose nécessairement, pour le moment, à un élargissement.

Jean-Claude Juncker n’avait pas manqué de riposter, un peu vague et un peu théâtral, que si nous ne nous ouvrions pas aux pays de cette région, et si nous ne leur tracions pas de perspectives européennes, nous assisterions à un retour de la guerre que nous avons connue voici 25 ans. Et Donald Tusk a conclu le Sommet du 17 Mai en assénant : « L’avenir des Balkans est dans l’UE, il n’y a pas de Plan B ». La presse des 6 pays a bien évidemment repris très largement ses propos.

C’est possible, mais les difficultés n’en sont pas moins réelles. A tire d’illustration : on a pu lire tout récemment une double interview parue dans Euronews : l’une du président albanais, Edi Rama l’autre, du président serbe, Aleksandar Vučić. Le premier avale son parapluie quand on fait allusion devant lui aux insultes qu’il a récemment proférées à l’encontre de journalistes de son pays : ordures, poisons, ennemis publics, moules à gaufre, etc. Le second, haut de 1, 99 m, grimpe au rideau en poussant des cris stridents quand on lui demande, euh… Dire comme vous le faites, cher Monsieur, que « Le Kosovo, c’est en Serbie », n’est-ce pas une provocation ? Il répond avec une incroyable agressivité, quasi-paranoïaque, au journaliste hongrois qui l’interroge : une provocation ? Çuilà qui le dit, eh ben il l’est ! – Inquiétant, tout cela …

Et cependant, une information bien heureuse a été mise en relief à Sofia : les dirigeants de l’ancienne République yougoslave de Macédoine se sont enfin trouvés un nom acceptable et semble-t-il accepté par la Grèce, qui elle, occupe l’autre Macédoine de l’autre côté de la frontière. Le contentieux durait depuis 2 décennies. Ce nom, ce n’est pas Cocagne ni Philippeland, mais « République macédonienne d’Ilinden ». Il provient du nom d’une insurrection de 1903 contre l’Empire ottoman ; cette insurrection avait permis à une République indépendante de s’installer pendant quelque temps. Voici donc, à nouveau, qu’un peuple des Balkans réveille l’Empire turc défunt de son sommeil au pays des limbes – et qu’il en ressuscite la mémoire pour mieux s’en différencier. Une fois de plus.

L’apparente contradiction entre systole et diastole, entre élargissement et « approfondissement » (Macron) se résout de manière théoriquement simple : il convient de tisser et de solidifier des relations intenses avec ces Balkans de l’Ouest ; de telles relations ne passent pas nécessairement par l’adhésion, qui rappelons le, ne concernera éventuellement que la Serbie et le Monténégro. A cet égard, le document conclusif du Sommet, la Déclaration de Sofia du 17 Mai, est consistant et englobant ; il balaie fort bien l’ensemble des tâches et des opérations à mener à bien.

Cette Déclaration évoque très concrètement 4 points essentiels où porter ses efforts : le renforcement du soutien à l’état de droit, le dialogue sur la sécurité et les migrations, (rappelons à ce titre que la Bosnie, l’Albanie, le Kosovo et même, chose trop largement ignorée, le Nord du Monténégro représentent des viviers pour DAESH) ; par ailleurs, le soutien du développement économique et de la jeunesse : lutte contre l’exode des compétences par la création d’un Laboratoire de la jeunesse des Balkans de l’Ouest, doublement des crédits alloués à Erasmus, etc ; et pour finir, l’accroissement de la connectivité.

La notion-clé de ce Sommet a bien été celle de connectivité, déclinée sur 5 modes : les liaisons de transport, la sécurité énergétique, l’économie numérique, le climat des affaires (garanties pour les investissements privés, etc), les perspectives pour la jeunesse. Il s’agit avant tout d’augmenter les connexions dans ces 5 domaines.

Un Sommet qui donc, n’incline pas particulièrement au pessimisme, contrairement à ce que prétend une certaine presse défaitiste par principe. Au travail maintenant, et surtout, sus au crime organisé, à la corruption, aux pressions. La première des exigences est bien la construction d’un véritable Etat de droit.

 

 

 

 

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste