Souvenir : quand l’Alsace rêvait des « Etats-Unis d’Europe » !

En réaction à la tribune d'Alexis Lehmann parue ici mardi, Alain Howiller revient sur cette merveilleuse idée des « Etats-Unis d'Europe » - déclarée morte par Jean-Claude Juncker.

Vu de l'espace, les Etats-Unis d'Europe sont presqu'une évidence... Foto: NASA GSFC / Wikimedia Commons / PD

(Par Alain Howiller) – Ne voilà-t-il pas que dans une vertueuse indignation, Alexis Lehmann, en commentant l’étonnant message de départ de Jean Claude Juncker(1), a retrouvé ici même les accents trop souvent oubliés du militant plaidant pour ce qu’on appelait, hier encore, les « Etats-Unis d’Europe ». Vous savez, ces « Etats-Unis d’Europe qui », comme le disait Victor Hugo, « doivent couronner le vieux monde comme les Etats-Unis d’Amérique ont couronné le nouveau monde ». Bien sûr, seuls les incorrigibles optimistes peuvent penser que l’Europe se porte bien : ce n’est une raison ni nécessaire, ni encore moins suffisante pour enterrer, au moment où une nouvelle Commission se met en place à Bruxelles, un projet qui reste vital pour notre avenir. L’Europe, plus que jamais, a besoin de dirigeants capables de rendre vie à un projet qui, pour certains, menace de rendre son dernier souffle…

Peut-être n’est-il pas inutile, dans ce contexte, de rappeler ce que l’Alsace – et Strasbourg en particulier – ont vécu il y a 62 ans, le 17 Novembre 1957, à 15 heures, dans un hall du Wacken strasbourgeois qui était encore le terrain abritant la Foire Européenne. Plus de 3000 personnes se sont retrouvées là, à cette date, pour soutenir l’idée un référendum populaire en faveur de la…. création des « Etats-Unis d’Europe » !

Le Congrès du Peuple Européen – Il s’agissait pour le « Congrès du Peuple Européen », le mouvement organisateur de la manifestation, de préparer un référendum – privé en quelque sorte – dans plusieurs villes d’Europe (à Milan, Düsseldorf, Turin, Anvers, Maastricht, Lyon, Strasbourg et… Genève !). Il s’agissait de demander aux Strasbourgeois, mais aussi aux électeurs de 54 autres communes alsaciennes, d’adopter, dans le cadre de ce référendum privé, une proclamation affirmant : « Je me déclare partisan de la création des Etats-Unis d’Europe par une assemblée constituante élue au suffrage universel. Je désigne les personnes suivantes pour me représenter au premier Congrès du Peuple Européen ».

En attendant, un grand enthousiasme marquait la manifestation du Wacken et les participants, debout, adoptèrent le « nouveau Serment de Strasbourg » : « Nous n’aurons plus désormais ni trêve, ni repos avant que ne soit réunie une assemblée constituante européenne élue au suffrage universel ». Et la rencontre de se conclure sur l’Ode à la joie de la 9ème Symphonie de Beethoven, qui deviendra par la suite hymne officiel européen, à l’initiative de Pierre Pflimlin, devenu Président du Parlement Européen.

Turin, Garibaldi et… nous ! – Le Référendum de Décembre connut un succès d’estime, et en Alsace, près de 26.000 citoyens se rendirent aux urnes pour souscrire à la déclaration. Il y eut même quelques résultats remarquables à Reinhardsmunster (Bas-Rhin) où 90% des électeurs sont allés voter. Ils étaient 50% à Sarre-Union et 30% à Molsheim, autres localités du Bas-Rhin. Dans un ultime effort de mobilisation, l’un des organisateurs, le professeur de droit Michel Mouskhely, prémonitoire, avait lancé : « Si la population strasbourgeoise vote en masse en faveur des Etats-Unis d’Europe, alors les hommes d’Etat trouveront dans cet appui populaire la force qui leur est nécessaire pour nous conduire au haut de la route qu’ils ont choisi… Si elle s’abstient, alors l’unification européenne sera retardée de vingt ans, c’est à dire qu’elle sera remise sine die, car nous n’avons plus vingt ans à perdre… » C’était il y a… 62 ans !

Le 7 Décembre, quelques semaines après le référendum, dans l’élégant et somptueux Palais Modana à Turin,là même où, un siècle plus tôt, Garibaldi avait déclaré l’unité italienne, Michel Mouskhely élu Président du Congrès du Peuple Européen lançait : « Il y a des gens qui croient en nous, il ne faut pas les perdre. En route vers les Etats-Unis d’Europe ».

C’était hier, avant hier ; et qui n’a pas l’impression que l’Europe dont nous rêvions s’est fourvoyé dans des chemins de traverse qu’elle peine à quitter ? Cette évocation de ce qui fut, il y a 62 ans, un moment d’Histoire régionale et européenne, voulait rappeler un moment très significatif. Au moment où un nouveau Parlement Européen et une nouvelle Commission pourraient ouvrir de nouvelles perspectives… Quel est le pessimiste qui ose me lancer : « Mais, tu rêves !… »

(1) Eurojournalist.eu du 19 Novembre.

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