Spécial Cannes (2) : Farce Burlesque, Drame Social, Belle Époque et couple en crise.

Il y a un avantage exceptionnel à découvrir un film au Festival de Cannes à huit heures du matin : les journalistes disposent des marches et du tapis rouge pour eux seuls, loin de la folie des soirées de gala comme en atteste la photo ci-dessus.

A huit heures du matin, les vedettes ne sont pas encore sur le tapis rouge ; les journalistes, eux, oui... Foto: Nicolas Colle

(Nicolas Colle) – Ma première montée des marches en quelque sorte. Bon, elle pourrait être plus glamour, certes, mais il faut bien commencer modestement.

« Ma Loute », mitigé. – Toutefois, dommage que ça ait été pour « Ma Loute », la nouvelle farce burlesque de Bruno Dumont, également en salles depuis vendredi. Le casting me semblait pourtant très prometteur (Juliette Binoche, Fabrice Luchini, Valéria Bruni-Tedeschi entre autres). D’ailleurs, ils sont tous assez étonnants dans un style de jeu complètement décalé et absurde comme vous le constaterez dans la bande annonce ci-dessous. On ne peut d’ailleurs pas reprocher au cinéaste un quelconque manque de talent, tant il accorde un soin extrême à la beauté de ses cadres (magnifiques paysages des dunes de sables qui jalonnent les plages du Nord de la France, une lumière léchée, des costumes raffinés). Malheureusement, à titre personnel, je dirai que : « Trop de burlesque, tue le burlesque… ». Et ce qui serait délicieusement jouissif de fantaisie joviale chez un metteur en scène de la trempe de Wes Anderson, devient ici, lourd, lassant et prétentieux. Un film qui, à coup sûr, fera parler de lui et divisera beaucoup de cinéphiles comme en attestait les conversations et débats qui eurent lieu à la sortie de la projection.

« Moi, Daniel Blake » : Ken Loach… on sait. – La suite se déroula, heureusement, sous de meilleurs auspices avec le retour de Ken Loach à la compétition, dix ans après sa Palme d’or pour « Le Vent se lève ». Cette fois-ci, le cinéaste anglais et grand défenseur des laissés pour compte de ce monde, nous revient avec « Moi, Daniel Blake ». Un film dans la plus pure tradition « Loachienne » mais pourtant surprenant. On y suit le personnage dudit Daniel, veuf sexagénaire dans l’Angleterre contemporaine, fragilisé par un infarctus récent et luttant contre l’administration publique pour faire valoir ses droits à l’allocation d’adulte handicapé. La scène d’ouverture, mémorable, donne d’entrée le ton du film, à la fois réaliste et grave mais également teinté d’humour tant les situations auxquelles est confronté notre héros, paraissent absurdes et tant ses réactions toujours dignes, surtout quand il fait face avec une franchise, un humour et une ironie délectables, font mouche. On s’attache immédiatement à ce personnage, adepte du stylo à l’heure des écrans tactiles, luttant dans et/ou contre un monde qu’il ne comprend plus et qui ne le comprend plus. La dimension émotionnelle est très forte dans la relation d’amitié et d’entre-aide mutuelle que Daniel noue peu à peu avec Katie, une jeune mère de famille sans le sou. Tous deux sont d’ailleurs élégamment interprétés par deux acteurs encore inconnus (on est bien chez Ken Loach), Dave Johns, un humoriste de stand up, et Hayley Squires, récemment diplômé de l’école d’art dramatique. Ils ont tous deux, fortement ému le public et nous devrions entendre à nouveau parler d’eux très prochainement… Peut être dimanche prochain, sur la scène du Grand Palais pour un Prix d’interprétation ?

Plus modestes mais sans préjugés. – Toutefois, pour rappel, Cannes, ce n’est pas seulement la Sélection Officielle, mais aussi d’autres sélections parallèles comme « Un Certain Regard » où vient justement d’être présenté « La Danseuse ». Un film qui marque les premiers pas de la fille de Johnny Depp et Vanessa Paradis, Lily-Rose Depp. « Ses premiers pas… », c’est le cas de le dire, puisque la jeune comédienne incarne avec beaucoup de grâce et de cinégénie (héréditaire ?), la danseuse Isadora Duncan, grande figure de l’émergence de la danse moderne au début du siècle dernier.

Même si ce n’est pas tant le parcours jusqu’à son terme tragique à Nice que l’on suit, mais celui du personnage authentique mais hélas oublié de Loïe Fuller (interprétée avec force et conviction par la chanteuse Soko), l’âme de cette danse moderne : une jeune fille de ferme américaine, passionnée par l’art et la beauté, fuyant à Paris pour y devenir artiste. Là, sur les planches des Folies Bergères, elle crée de toute pièce, un numéro de danse avec des effets de lumières et de couleurs réfléchissants qui, à eux seuls, valent la peine de voir ce premier film dont l’intérêt majeur est de restaurer l’image et le mérite d’une artiste visionnaire qui, à défaut de n’avoir pu incarner l’émergence de la danse moderne en raison d’une condition physique trop réduite pour cette pratique, en aura au moins été la pionnière à force de créativité, de volonté, de travail et de combativité.

Mais nous citerons surtout « L’économie du couple », le magnifique nouveau film de Joachim Lafosse, présenté à la « Quinzaine des Réalisateurs », qui a la particularité de traiter du désamour et de la séparation d’un couple ou plutôt de l’impossibilité d’un couple à se séparer et contraint de cohabiter, en raison de problèmes financiers communs. On vibre comme jamais en voyant Bérénice Béjo et Cédric Kahn, s’entredéchirer, s’engueuler, se provoquer, s’expliquer, s’éviter, se frôler, s’éloigner… Rarement la complexité des sentiments humains n’est explorée avec une précision si chirurgicale au cinéma. Ni avec autant de sobriété et d’émotion d’ailleurs. Un film qui est d’ores et déjà sur toutes les lèvres des festivaliers.

Nous vous donnons rendez-vous ces jours-ci, pour débriefer le retour sur la Croisette de Steven Spielberg, notre rencontre avec Marion Cotillard et bien d’autres choses.

Bande annonce « Ma Loute », CLIQUEZ ICI !

Extrait de « Moi, Daniel Blake », CLIQUEZ ICI !

Bande annonce « L’économie du couple », CLIQUEZ ICI !

Crédit photo : victoriangothic.org

Crédit photo : victoriangothic.org

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