Spécial Cannes (5) : Notre intuition était partiellement judicieuse.

Aujourd’hui, « Eurojournaliste » est un média heureux. Alors que vient de s’achever cette 69ème édition du Festival de Cannes, nous nous réjouissons que nos deux coups de cœur aient pu recevoir les Prix les plus prestigieux de la compétition.

Le film "Moi, Daniel Blake" a obtenu la Palme d'Or à Cannes. Et c'était le coup de coeur de notre envoyé spécial Nicolas Colle... Foto: Le Pacte Distribution

(Par Nicolas Colle) – Les primés : Palme d’Or et Grand Prix. Tout d’abord, « Moi, Daniel Blake » de Ken Loach, une œuvre politique et sociale poignante, doublée d’une magnifique histoire d’amitié mêlant habilement humour et drame, est désormais lauréat de la Palme d’Or pour la deuxième fois. Bravo à ce grand cinéaste pour cette œuvre très engagée comme sa carrière entière.

Par ailleurs, cette année, le jeune canadien Xavier Dolan (27 ans), nouveau prodige du cinéma international, était l’une des personnalités les plus attendues de ce festival avec la présentation de son nouveau film « Juste la fin du monde », accompagné par un casting cinq étoiles : Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard, Léa Seydoux et Gaspard Ulliel. Autant dire que nous n’avons pas été déçus. Loin de là, puisqu’il s’agit de notre deuxième gros coup de cœur dans cette quinzaine cannoise et qu’il vient d’être justement récompensé par le Grand Prix du Jury.

Oh combien méritée cette œuvre d’une remarquable sensibilité, adaptée de la pièce homonyme du dramaturge français Jean-Luc Lagarce, où le personnage de Louis, un écrivain à succès, revient dans sa famille après douze ans d’absence pour annoncer à ses proches sa mort imminente. Au cours d’une après-midi où les retrouvailles font également office de dernier adieu, tous vont se crier leur amour à travers des paroles vides (pourtant merveilleusement écrites) où non-dits, remords, regrets et reproches vont pleuvoir autant que les larmes. Un film incroyablement abouti, tant par la force émotionnelle qui s’en dégage que par le soin de sa mise en scène, à la fois sombre et solaire.

Sans oublier, bien sûr, les remarquables performances de chacun(e) des comédien(ne)s. Marion Cotillard et Gaspard Ulliel, tous deux bouleversants d’émotion contenue, de silences intenses et de regards profonds. Nathalie Baye, parfaite en mère fantasque. Et Léa Seydoux et Vincent Cassel, formidables d’explosivité. Un film conçu comme un orchestre symphonique, qui gagne en rythme et en efficacité à mesure que le récit avance pour mieux se conclure dans un feu d’artifice de tensions et d’émotions. Un grand film d’amour. Bravo à vous Xavier Dolan et revenez  nous vite…

Les «  sans prix » parfois plus ou moins bons. – Pour conclure notre reportage cannois, nous évoquerons tout de même deux films qui auront fait couler beaucoup d’encre ces derniers jours. Tout d’abord avec le retour sur la Croisette du cinéaste Nicolas Winding Refn, où il avait notamment reçu le prix de la mise en scène pour « Drive » en 2011. Cette année, il nous présentait « The Neon Demon » son nouveau film d’horreur, qui se déroule dans le milieu de la mode hollywoodienne où des top-modèles féminins s’avèrent êtres des… cannibales. Si le sens inné du cinéaste pour composer des images envoutantes n’est plus à prouver, il peine néanmoins à surprendre encore. Autant « Drive » s’avérait être une vraie surprise car il nous révélait alors ce style si surprenant du metteur en scène, autant aujourd’hui, son dernier cru évoque davantage l’esthétisme froid d’un spot publicitaire pour défilé de mode. Et que dire de la vanité du message sous-jacent : « Les belles femmes se mangent entre elles, au sens propre comme au figuré, pour réussir dans le milieu de la mode où la beauté ne fait pas tout… Mais, est tout… ». On en prend plein la vue pour, au final, vraiment pas grand chose… et peu de plaisir.

Mais c’est surtout l’arrivée de Sean Penn qui a aura déchainé les passions à l’occasion de la présentation de sa nouvelle réalisation, « The Last Face ». Rarement un film n’aura été à ce point « descendu » par la critique du monde entier. Pourtant son sujet s’annonçait plutôt prometteur : une histoire d’amour passionnée entre deux médecins du monde, incarnés par les très glamours Charlize Theron et Javier Bardem, au cœur d’une guerre civile sanglante faisant rage au Libéria. Et nous allons être très clair. En effet, ce film n’est de loin pas le chef d’œuvre que nous espérions. Oui, il est plein de défauts qui viennent gâcher le potentiel énorme du sujet initial. Oui, il se perd dans ses enjeux et ses multiples temporalités. Mais non, il ne mérite pas un tel déchainement de haine et de mépris. Ah la la… Cette folie cannoise…

On pourra d’ores et déjà noter le charme, la sensualité et la tension sexuelle qui se dégage de ce très beau couple de cinéma. On ne peut que prendre du plaisir à les voir se séduire, s’entredéchirer sur les moyens que nécessite leur engagement humanitaire, se retrouver, faire l’amour ou même errer au cœur des magnifiques paysages africains baignant sous un soleil couchant d’une rare beauté. Le tout enveloppé par une musique douce et mélancolique, composée par un Hans Zimmer toujours inspiré. Un aspect romantique soi disant trop dégoulinant qui aurait écoeuré bon nombre de journalistes mais qui nous a séduit. D’autant qu’il est largement compensé par les démonstrations des ravages de la guerre et les pertes civiles qu’elle engendre, qui sont montrées avec une crudité, une véracité absolument effroyable.

Malheureusement, à force d’abuser du montage faisant des allers et retours sur plusieurs époques sans que l’on s’y retrouve et surtout, en oubliant d’incarner à sa juste mesure les raisons du déchirement de ce couple, le cinéaste ne parvient pas à insuffler l’émotion et l’intensité de son propos jusqu’à son paroxysme. Le pire reste toutefois les dialogues, par moment absolument pathétiques, au point de vous sortir du film tant cela résonne comme une fausse note déclenchant l’hilarité de la salle. Mention spéciale à Jean Reno pour cette incontournable phrase : « Le mariage, ce n’est pas choper… C’est aimer… ».

Tiens, justement, Jean Reno, parlons-en. Le cinéma français pouvait être fier lors de l’annonce du casting du film en constatant que le comédien ainsi que la jeune Adèle Exarchopoulos allaient côtoyer deux des plus grandes stars du cinéma contemporain. Mais encore aurait-il fallu leur écrire des rôles consistants qui puissent les faire briller. Or les voilà cantonnés à, à peine plus, que de la figuration, tant leur personnages s’avèrent transparents et/ou complètement inutiles dans le déroulement de l’intrigue. On les aurait coupés au montage, personne n’aurait vu de différence. Après les traitements similaires accordés à Omar Sy dans « Jurassic World » ou à Jean Dujardin dans les « Monuments Mens », s’il vous plaît, Messieurs les Américains : « Arrêtez ce massacre !!! Nos artistes méritent beaucoup mieux que cela !!! Merde !!! ». Mais après tout, si eux-mêmes sont satisfaits de ces films, de leur participation et de leur expérience, alors qui sommes nous pour en juger ?

On pourra suivre avec attention les réactions des spectateurs au moment de la sortie de « The Last Face » dans les salles car, si ce dernier a fait l’unanimité de la presse contre lui, la séance publique du soir a donné lieu à une longue standing ovation. Il y a plus de vingt ans, « Le Grand Bleu » de Luc Besson connaissait pareille situation avant de devenir le film culte de toute une génération, vu par près de dix millions de spectateurs. L’histoire se répètera- t-elle ? Peut être pas, mais espérons tout de même que les propos seront alors plus modérés…

Merci à tous ceux qui nous aurons suivi au cours de ce Festival que nous avons pris grand plaisir à couvrir, entre films magnifiques et rencontres magiques. Nous vous donnons rendez-vous l’année prochaine, avec peut-être une surprise à la clé, pour célébrer ce qui sera, le 70ème anniversaire du Festival de Cannes.

Extrait de « Juste la fin du monde »

Extrait de « The Last Face »

Bande annonce de « The Neon Demon »

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