Spécial Cannes : Tori et Lokita de Jean-Pierre et Luc Dardenne

Esther Heboyan a vu pour vous à Cannes, le film « Tori et Lokiate » de Jean-Pierre et Luc Dardenne, un regard sur l’exil

Tori et Lokita, le destin de jeunes réfugiés africains en Europe. Foto: Festival de Cannes

EJ CANNES 2022 klein(Cannes, Esther Heboyan) – Tori et Lokita des frères Dardenne, en compétition officielle à Cannes, raconte la complicité et la bravoure de deux très jeunes migrants réfugiés en Belgique. Tori (Pablo Schils) et Lokita (Joely Mbundu), qui se fait passer pour sa grande sœur, sont arrivés clandestinement d’Afrique. Tori a obtenu ses papiers, mais pas Lokita, ce qui les pousse dans les filets des réseaux mafieux. Le drame de l’exil est ici décrit avec beaucoup de sobriété. À aucun moment, le duo Dardenne ne se complait dans le mélodrame larmoyant ni dans la démonstration interminable de la difficulté d’être enfant migrant sur le sol européen. Les événements surviennent, c’est tout. Les personnages subissent les indignités ou bien s’ingénient à faire front, c’est ainsi.

Cela pourrait mener à une tragédie, mais rien ne le prédit. Les Dardenne brouillent les cartes en quelque sorte. On passe d’une situation à une autre sans préparation, comme si les transitions entre les séquences étaient superflues. Une séquence s’achève mais sa conclusion n’est pas montrée, tel le viol de Lokita. Les personnages sont déjà dans le plan ou entrent dans le plan sans qu’on connaisse leurs motivations. La caméra est un peu là par hasard à tel endroit à tel moment, ce qui multiplie les effets de banalisation ou d’effacement. La narration semble suivre un fil certes, mais le plus ténu possible.

Ainsi, la subjectivité reste hors champ. Le jugement, les sentiments sont affaire de réception : ils sont à chercher du côté des spectateurs. Aux protagonistes du drame, soumis eux aussi à une économie de démonstration, les Dardenne n’accordent que quelques rares moments d’émotion. Les enfants se souviennent d’une chanson italienne que leur a apprise une femme sicilienne au cours de leur périple : Alla Fiera Dell’Est (À la Foire de l’Est) d’Angelo Branduardi – une comptine humoristique. Ils la chantent ou la fredonnent pour se donner du courage. La bande-son enregistre bruits et sons, créant un univers réaliste. Comme dans L’Enfant (Palme d’or 2005), il n’y a pas de musique off qui viendrait illustrer artificiellement l’image. À tous les niveaux, le récit opte pour la retenue.

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