SS à Auschwitz : Le procès de Lüneburg continue

Le procès contre «l‘expert-comptable» du camp de la mort à Auschwitz-Birkenau continue. Sans que l’inculpé, Oskar Groening, ne montre trop de remords.

Tout un chacun sur cette rampe qui portait un uniforme, était un criminel parmi les criminels. Foto: Yad Vashem / Wikimedia Commons / PD

(KL) – Eva Kor, survivante du camp de la mort, qui avait subie avec sa sœur jumelle les expériences inhumaines du Docteur Mengele, s’est attirée les ires des 49 autres partis civils du procès contre Oskar Groening, «l‘expert-comptable» du camp, en le prenant dans les bras lors d’une pause du procès. Un geste, comme Eva Kor expliquait plus tard, du pardon. Un geste que les autres partis civils ne comprennent pas. Car dans un langage qui prouve qu’Oskar Groening n’a jamais quitté l’ordre de pensée des nazis, l’inculpé relate les pires des horreurs comme s’il racontait ses dernières vacances.

«Chacun était responsable de l‘ordre qui régnait sur la rampe», dit Oskar Groening, qui en même temps insiste n’avoir participé que trois fois personnellement aux sélections qui condamnaient les uns à une mort rapide dans les chambres à gaz, les autres à une mort lente dans le camp et aux travaux forcés. Mais outre les interprétations, il y a les faits. Pour être affecté au service à Auschwitz, il fallait faire partie de la SS, la troupe-élite des nazis, un cercle fermé et réservé aux plus fervents des nazis. On ne devenait pas SS par hasard. Et Oskar Groening y était. Sans entreprendre la moindre tentative de se soutirer de la participation au génocide. Même si aujourd’hui, il se plait dans le rôle de celui qui contredit les négationnistes, même si, dans sa mémoire, il n’a rien fait qui aurait fait de lui un criminel.

«L‘ordre», c’est un terme qui revient régulièrement dans le discours de Groening, un ordre que les hommes et les femmes ayant porté le système nazi, avaient placé au-dessus de termes comme «humanité» ou «compassion». Non, Groening n’éprouve pas de remords, par moment, on a même l’impression qu’il pense participer à ce procès non pas en qualité d’inculpé pour un crime contre l’humanité, mais en qualité de témoin privilégié qui n’a pas grande chose à se reprocher.

Si le fait qu’il ait accepté de déposer devant le tribunal semble traduire la volonté de participer à l’élucidation du pire des crimes commis dans l’histoire de l’Europe, il ne faut pas se tromper. Bien entendu, à 93 ans, il aurait été facile de trouver un docteur lui attestant l’incapacité de participer à un tel procès – mais Groening voulait déposer. Il s’agit d’une dernière tentative de la part de ce vieillard de laver son image devant les yeux du monde entier. Toutefois, personne sur la rampe à Auschwitz portant un uniforme, ne peut raisonnablement clamer une quelconque innocence – il s’agissait des criminels parmi les criminels.

C’est pour cela que les autres partis civils de ce procès ne comprennent pas le geste d’Eva Kor. Qui elle, depuis des années, participe à des plateaux de télévision pour dire au monde qu’elle ait pardonné aux nazis, avec un raisonnement personnel des plus respectables – «je ne peux pas vivre avec la haine, elle me dévore depuis l‘intérieur. Alors, j‘ai décidé de faire ma paix avec le passé, de pardonner à ceux qui m‘ont fait du tort et je vis mieux ainsi». Qui pourrait lui reprocher cette attitude ?

Mais le pardon pour Oskar Groening vient à un moment inopportun. Groening mobilise ses dernières forces pour faire croire au monde qu’on ait pu participer aux horreurs sur la rampe d’Auschwitz, sans être un criminel de la pire espèce. Mais le rôle du «gestionnaire d‘un crime commis par d‘autres» ne fonctionne pas. Et Eva Kor, avec son attitude tout à fait compréhensible, a rendu un service énorme à Groening, un service que cet homme ne mérite pas.

«J‘étais choqué par ce que nous faisions», disait Groening, «non pas par les tueries, car ceux qui furent tués, n‘auraient pas survécus de toute manière». Une phrase difficile à comprendre, mais qui glace quand même le sang. Comment est-ce qu’un être humain ne peut rien ressentir face à la barbarie suprême, face à l’assassinat de bébés, de femmes, de personnes âgées, de tout un peuple ?

Oskar Groening a décidé de participer à ce procès non pas pour que justice soit faite, mais pour se donner une bonne conscience. «Mon pardon ne veut pas dire que je disculpe les bourreaux d‘Auschwitz», a tenté d’expliquer Eva Kor son geste. Malheureusement, Oskar Groening l’a pris exactement ainsi – comme un geste confirmant son «moralement coupable, mais non pas responsable». Le seul moyen de réagir à cette attitude, 70 ans après, serait une condamnation à une peine lourde et exemplaire. La barbarie et les crimes contre l’humanité ne méritent aucune clémence. Même si l’inculpé est aujourd’hui un vieil homme. Ses victimes auraient certainement aimé vivre aussi longtemps que lui.

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