Stay Away Covid Story

Au Portugal, le projet du Gouvernement de rendre obligatoire l'application de traçage Stay Away Covid a fait débat, jusqu'à sa mise en attente par le Premier Ministre.

Le traçage numérique, un tunnel dans le tunnel sur fausse impression de liberté et de sécurité. Foto: Omar Prestwich / Wikimedia Commons / CC0 1.0

(Jean-Marc Claus) – Le début de l’histoire remonte au mois de Septembre, et en faire ici la relation serait bien trop long, tant les dépêches de l’agence « Lusa » et les articles de presse à son sujet sont nombreux. Cependant, le destin de l’application « Stay Away Covid » au Portugal, et les réactions qu’elle a suscité, méritent qu’il en soit rapporté quelques éléments. Ne serait-ce qu’en référence au fiasco de l’application « Stop Covid » en France et à l’arrivée récente du tout nouveau « Tous Anti-Covid ».

Lancée début Septembre, l’application « Stay Away Covid » était  installée un mois plus tard sur 1,26 million de smartphones. Ce qui s’avère tout de même significatif dans un pays comptant 10,28 millions d’habitants. Le 20 Octobre, les nombre de 2 millions d’utilisateurs était atteint, mais le premier ministre António Costa qui avait envisagé de rendre son utilisation obligatoire, au même titre que la généralisation du port du masque dans la rue, reculait en demandant au président de l’Assemblée de la République de retirer de l’ordre du jour de la séance du 23, le vote au sujet de cette mesure.

Cette application informant ses utilisateurs, lorsqu’ils ont été en contact avec une personne testée positive qui s’y est enregistrée, nécessite selon le Premier Ministre, une discussion plus approfondie avant de légiférer. Or, depuis début Septembre, les discussions n’ont pas manqué au Portugal à propos de « Stay Away Covid ». Luís Filipe Loureiro Goes Pinheiro, le président des Services Partagés du Ministère de la Santé (SPMS), garantissait que la protection des données est assurée. Clara Guerra, porte parole de la Commission Nationale de Protection des Données (CNPD), disait que rendre obligatoire l’utilisation d’une telle application pose des problèmes de confidentialité et d’éthique.

Rappelons que Clara Guerra alerte depuis de nombreuses années, sur les risques de captation des données personnelles, encourus par les utilisateurs du web trop confiants. Aujourd’hui, des juristes s’opposent, les uns affirmant que le contexte de crise sanitaire inédit autorise certains aménagements, là où d’autres mettent en avant le caractère anticonstitutionnel d’une telle mesure. Par ailleurs, la Commission Européenne et le Comité Européen de Protection des Données recommandent une utilisation volontaire des applications de traçage des cas de coronavirus – le Portugal serait alors le premier état à la rendre obligatoire parmi les 55 adhérents à la Convention de Protection des Données du Conseil de l’Europe.

Les réactions sont également très variées entre, d’un côté à l’autre de l’arc politique, l’opposition systématique de l’extrême-droite (Chega), et l’opposition raisonnée du Parti Communiste Portugais (PCP) trouvant cette application inadéquate, mais attendant que le processus législatif arrive à son terme pour se prononcer sur le contenu des textes. Processus législatif dans l’immédiat suspendu, de par la mise en stand by du projet par le gouvernement. Se plaçant au dessus du débat comme sa fonction le lui permet, le Président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, s’était engagé mi-Octobre d’en appeler à la Cour Constitutionnelle (TC) si, à l’issue du débat parlementaire, des doutes persistaient quant à la constitutionnalité de la loi.

Au Portugal, la démocratie qui ne prétend pas atteindre la perfection, est néanmoins bien vivante. Ainsi, l’Assemblée de la République ne se résume pas à une chambre d’enregistrement des désidératas d’un exécutif monarchique ébloui par lui-même, et donc irrémédiablement aveugle à la réalité du quotidien des citoyens. Comment dit-on « Pays des Lumières » en portugais ? País das Luzes, c’est ça ? Et Pays de la Loose, ça se traduit comment ?

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