Strasbourg : BNU ou Chouc’ ? Les deux, en général.

Gai savoir nietzschéen ou gaievoiseries rabelaisiennes ? Pourquoi pas les deux sans être vraiment des fans obsédés.

La transformation de la BNU à Strasbourg est vraiment réussie ! Foto: Antoine Spohr / JPR

(Par Antoine Spohr) – Avec cette rentrée maussade, on a tendance à se racrapoter alors qu’il y a tant et tant à découvrir avec des plaisirs qu’on croit a priori incompatibles, à Strasbourg, capitale européenne, intellectuelle, culturelle, politique bientôt du Grand-Est (ACAL ou ALCA), là juste à la rentrée. Fermez le ban ! Bientôt capitale des réfugiés ? Y en a qui…

On n’aura pas forcément à choisir entre l’eau ferrugineuse, place de la République, et l’amer-bière ou le riesling rue St. Louis car on peut s’abreuver aux deux sources. Cliché bien sûr : il n’y a que quelques centaines de mètres entre les deux : deux fois rien pour Zarathoustra et pas davantage pour Gargantua. Ein Katzensprung ou un saut de puce !

La Transfiguration de la BNU (Bibliothèque Nationale Universitaire). – Pas que des austères études comme le laisserait croire l’apparence solennelle du bâtiment wilhelmien, de l’extérieur, revu et récuré, dans le respect de l’ensemble architectural administratif et impérial de la Place de la République, cœur de la Neustadt, avec ses prolongements allant jusqu’à l’Université. Le Kaiser aurait pu la voir de son palais s’il avait été plus souvent là, chez lui ou chez nous, à Strasbourg. Cà c’est de l’ancien, du dur, historique. Mais dedans ? C’est une merveille qui mérite la visite. Entrons.

Après le hall d’entrée, normal, attendu, devant vous se dresse une sorte d’immense harpe conique enserrée dans un escalier en colimaçon qui serpente tout autour, jusqu’au faîte coiffé d’une gigantesque coupole de verre. Magnifique ! Bravo Nicolas Michelin et Associés, les architectes.

Les 120 cordes ou haubans de 12/12mm ne vibrent pas, pas plus que ne grincent les 78 marches (27 mètres) de l’escalier qui distribue sur une hauteur de plus de 12m les espaces de travail sur cinq paliers, le sixième étant sous la coupole, pas celle de Richelieu quai Conti au bout du Quai Voltaire à Paris, mais celle de la Place de la République, à Strasbourg. Elle abrite la deuxième bibliothèque de France, sur le plan volumétrique, première pour l’enseignement supérieur, première pourvoyeuse de prêt entre bibliothèques pour les sciences humaines. On en dirait et redirait des compliments encore et encore. Un petit fascicule disponible à l’entrée en abonde.

La coupole-verrière coiffe aussi des milliers d’académiciens de toutes académies confondues y compris la première, celle de Platon et d’Aristote à Athènes, du monde entier donc, en 78 km linéaire de collections dont une partie est consultable dans les annexes de Joffre et de Fischart. L’accroissement potentiel est de 12km linéaire, estimé à 10 ans. Après on verra avec des techniques de stockage en rayonnage dense «Compactus» et autres. S’y ajoute évidemment tout un équipement électronique, informatique avec des automates de distribution et de restitution, des ordinateurs partout dans les salles de lecture et dans les salles de travail. Au total plus de 600 places. Dernier cri et Wifi partout ! Non, pas partout, deux espaces au niveau 4, en sont privés pour épargner les personnes électro-sensibles. Précaution rare !

Dans un premier temps il faut y aller pour voir. L’envie de chercher, d’étudier et même de produire viendra peut-être pour nombre de simples visiteurs dont le travail assidu produira à son tour, au dessus de la coupole, dans le ciel, une féérie colorée de neurones joyeusement agités mais que ne peuvent voir que ceux qui ont un peu d’imagination.

Une exposition exceptionnelle «Métamorphoses» est reprise jusqu’au 20 septembre. Vite, schnell, dali, fissa ! Il n’y guère que 33 pages et vous reviendrez.

Un petit coup à la cafétéria et Zarathoustra se transforme en Gargantua, barbu, pour se rendre en moins de 10 minutes dans la Rue St. Louis où règne une étrange faune d’artistes divers et ouverts.

La Chouc’ : une institution. – Chouc’ n’est pas réservé aux indigènes, les touristes parfois venus de loin, même de Lorraine (eh oui Roger), y affluent et ne disent plus «La Choucrouterie». Cela rappelle pourtant la première destination du lieu. S’il en reste quelques odeurs, ce sont celles qui s’échappent du restaurant. Les plus familiers vont «chez Siffer» et les copains chez «Rogel». On y est bien sans pour autant que les neurones et encore moins les zygomatiques ne trouvent le repos qu’on croit nécessaire après la BNU.

Le maître céans est lui-même diplômé de philosophie, style plutôt Diogène qu’Aristote, écrivain de théâtre, acteur, chanteur, auteur, animateur, chef de troupe, directeur, un tantinet provocateur tous azimuts, avec la jouissance de l’impertinence, libre quoi…

Alors enfilez la Rue St Louis jusqu’au porche et vous ne pouvez pas vous tromper. C’est là que deux salles vous accueilleront selon votre niveau linguistique en français, allemand et surtout alsacien. Encore que la mixture prenne souvent très bien. On rit certes beaucoup, parfois jaune, mais pas que…

On peut aussi pleurer le sort des sorcières massacrées en plein essor humaniste (spectacle de Jacques Roerig et Yan Gilg) mais pas que… car les Stagiaires de l’Ecole de cabaret Cactus s’attaquent en sketches et chansons à une actualité philosophico-politique dans «Je suis Seppi» (la liberté d’expression et la réforme territoriale) tandis qu’avec Marc Hanss, Manuela Gross dans son spectacle «Antoinette et son Zuppershow» se prépare à propager son talent en français «avec accent alsacien» à Paris mais pas que… car il y a aussi du Guy Riss en alsacien et en expressions corporelles déjantées qui promet une performance délirante dans «Em Guyguess sinner Migges».

On a droit bien sûr au théâtre multilingue à dominante française ou autre avec un spectacle dit «culinaro-culturel», évidemment humoristique de, par et avec Arthur Gander dans «Cuisine fusion, cuisine fusionnelle» ou encore une confusion-fusion avec «Choucroute Merguez» jouée et mise en scène par Fayssal Benbahmed et Sabrina Rauch – tout est dit.

Le retour attendu de«Krambol – Hommage à Jean Hans Arp», 50 ans après la disparition de l’artiste, rappellera le texte superbe de Huguette Dreikaus dans la scéno de Louis Ziegler. Autres reprises qui ont fait un tabac : «Ciel, mon mari est muté en Alsace» et «Un Alsacien à Nancy». Succès regaranti !

On est vraiment dans le temple du plurilinguisme libéré de ses contraintes politico-sociales. Sag’s mal anderst, comme tu veux comme tu peux. Ouvert avons nous dit, OUVERT.

Mais la Chouc’ ne serait pas la Chouc’ sans la bande à Roger. Le cœur incontournable, le nœud gordien qui lie le tout sans Alexandre à l’horizon et la quintessence de l’existence du lieu et de sa vie depuis 1984. C’est sans aucun doute la Revue Satirique, une espèce de canard déchaîné vivant avec au moins cinq légumes divers, dans l’écuelle (souvent les mêmes tant qu’ils sont au pouvoir) et des condiments piquants glanés dans l’actualité immédiate, plus petits avec un avenir incertain avant d’entrer dans l’écuelle des grands.

Comme jadis pour le Bébête show, les nouveaux brocardés sont souvent très contents. Avec une bonne partie des mêmes acteurs un autre spectacle «Impro en alsacien» avec participation du public, parachèvera la revue. Un cru qui s’annonce exceptionnel sous le souvenir et la protection inexpugnable du Rohraff. Exceptionnellement, Eurojournalist€ offre l’explication tirée de l’Encyclopédie d’Alsace (en annexe). Bref, voyez le programme avec les dates, lieux pour la tournée

Surtout ne ratez rien même pas l’annexe tirée de l’Encyclopédie d’Alsace en 12 volumes qui suit. La BNU ne les a pas encore numérisés.

Le Rohraffe (page 1351)

Rohraff

L'escalier central de la nouvelle BNU. Foto: JPR

L’escalier central de la nouvelle BNU. Foto: JPR

entree de la Chouc OK

La Chouc devant OK

1 Kommentar zu Strasbourg : BNU ou Chouc’ ? Les deux, en général.

  1. J’ajoute pour cet article et au vu de ses illustrations publiées par l’EUROJOURNALIST(E) un nouveau merci à ceux que je viens de formuler sur MEDIAPART : la facilité de circulation “intra muros” et l’accès offert lors des rencontres et autres colloques publics organisés en accord avec la ville de Strasbourg ouvrent la voie à des initiatives encore plus polyglottes, novatrices, humanistes…

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