Strasbourg : ces cactus qui ont poussé sous le… sapin !

Alain Howiller fait le tour de tous les sujets qui coincent actuellement dans la belle capitale européenne, de Noël, de l’amour, de la démocratie, du pain d’épice et de plein d’autres choses…

Plein de cactus sous le sapin à Strasbourg... Foto: kykoh / Wikimedia Commons / CC-BY 3.0

(Par Alain Howiller) – Pour le simple mortel -dont nous sommes-, la façon la plus rapide pour aller d’un point à un autre, c’est d’y aller en… ligne droite ! Une logique qui ne séduit pas tout le monde : les dirigeants du monde ferroviaire d’Allemagne, d’Autriche, de Suisse et de France (SNCF en tête) en ont apporté la preuve. Ne viennent-ils pas de décider que pour se rendre en train (certes de nuit) de Paris à Vienne via Munich, il valait mieux passer par Mannheim et ignorer… Strasbourg ?

A partir de la fin de 2021, ce nouveau « Mozart ferré » de nuit passera donc par la cité entre Rhin et Neckar : alors que quelques jours à peine après avoir pris connaissance de cette information, on apprenait que lors de la dernière réunion du conseil municipal, la maire Jeanne Barseghian faisait part de l’intérêt à développer les liaisons ferroviaires avec les autres villes européennes « pour asseoir le rôle de Strasbourg et en faire un passage obligé ! »

« Feu » la capitale de Noël ? – Il faudra éviter de… s’endormir après ce (dernier ?) avatar intervenant en cette fin d’année 2020 qui fut -hélas- riche en déceptions : les cactus ne manquent pas sous le sapin 2020 ! Certes, il y en a eu qui étaient liées aux effets du Covid-19, mais il en est d’autres qui ont braqué les projecteurs sur des déficits quasi-structurels ! Peut-être faudrait-il planter en tête de cette mini forêt, l’absence du « Marché de Noël », de ses chalets et des effluves de vin chaud ! Peut-être que cette absence, génératrice de « déprime » comme le titraient si bien nos confrères du « Figaro », conduira-t-elle ces éternels « râleurs » de Strasbourgeois de verser une larme sur une manifestation qu’ils ont caricaturé, vilipendé, persiflé. Regretteront-ils définitivement ces 2 millions de touristes qui venaient chaque année admirer « feu » la capitale de Noël ? « Le mieux n’est-il pas l’ennemi du bien », comme l’affirme le dicton populaire ?

David Sassoli aime son siège de Strasbourg ! – Autre cactus : l’avenir du siège strasbourgeois du Parlement Européen. Les opposants -de plus en plus nombreux- qui, au Parlement Européen, voudraient que l’institution déménage définitivement à Bruxelles, ont profité de la crise sanitaire pour siéger dans la capitale belge, Strasbourg étant, à leur avis et non sans mauvaise foi, trop menacé par la pandémie !(1) « Nous reviendrons vite à Strasbourg, c’est notre maison », a lancé David Sassoli, le Président du Parlement, en ouvrant symboliquement, dans un hémicycle strasbourgeois vide, une nouvelle session plénière dont les participants suivaient les travaux en visio-conférence depuis… l’hémicycle bruxellois ou depuis leur état ! Une rentrée symbolique, mais pas inintéressant dans la mesure où la dernière manifestation de présence du Parlement à Strasbourg remontait à… février !

La déclaration sympathique de David Sassoli a sans doute été d’autant plus appréciée par les strasbourgeois lorsqu’ils ont pu lire (DNA du 15.12) : « Je n’aurai pas à convaincre mes collègues eurodéputés de revenir à Strasbourg : c’est une obligation dans le cadre de leur mandat… Chacun peut avoir son opinion sur le siège, mais on doit tous respecter les Traités… Nous reviendrons le 2 Février pour l’hommage à Valéry Giscard d’Estaing que nous avons prévu conjointement avec Emmanuel Macron… »

LE Parlement à Strasbourg, enfin une mobilisation nationale ? – Il sera dit que décidément, l’installation du Parlement Européen à Strasbourg devra beaucoup aux présidents de la République : François Mitterrand a inscrit dans les traités, l’obligation de réunir les assemblées plénières au siège strasbourgeois, Valéry Giscard d’Estaing a siégé au Parlement et avait symboliquement loué un appartement sur place, Emmanuel Macron, enfin, profitant du fait qu’il présidera l’Union Européenne pour 6 mois à partir du 1er Janvier, a lancé l’idée de rendre un hommage à Valéry Giscard d’Estaing le jour-anniversaire de l’ancien président qui vient de décéder. Cette initiative relance les sessions à Strasbourg où on espère, en fait, revoir les députés dès leur session de Janvier. Le gouvernement, Président de la République en tête, semble vouloir se mobiliser en faveur du siège de Strasbourg en profitant de la présidence française de l’Union Européenne pour organiser des « évènements » : il profitera de l’hommage du 2 Février pour signer solennellement, sur place, le « 15ème contrat triennal » qui conforte les aides de l’Etat en faveur du maintien des institutions européennes -dont le Parlement- dans la capitale alsacienne. Giscard d ‘Estaing fut, il y a quarante ans, l’instigateur de ce type de contrat.

Le gouvernement voudrait profiter des mois de présidence de l’Union pour faire avancer l’idée que certaines structures bruxelloises pourraient s’installer à Strasbourg : peut-être verra-t-on revenir sur les bords du Rhin, le « médiateur européen » qui avait –discrètement !- déménagé à Bruxelles ? Emmanuel Macron avait discrètement envoyé un courrier au Président du Parlement pour lui demander de « tout mettre en œuvre pour le retour rapide » de son institution dans son siège légitime et Clément Beaune, Secrétaire d’Etat aux Affaires Européenne, a enfoncé le clou auprès de David Sassoli. « Si on accepte que le Parlement ne se réunisse qu’à Bruxelles, on est foutus. Car dans dix ans, tout sera à Bruxelles », a déclaré Emmanuel Macron lors d’un déplacement à Vilnius, en Lituanie. David Sassoli a peu apprécié, malgré les apparences(!), des interventions inadmissibles d’un Etat sur un Parlement : un échange qui situe la hauteur des enjeux ! Pour la France, le siège strasbourgeois semble (enfin !) être devenu une cause nationale !

La CEA : ce troisième cactus ! – Troisième cactus, l’établissement du futur siège de la « Collectivité Européenne d’Alsace – CEA » qui doit entrer en fonction le 1er Janvier. L’installation aura lieu, sous la présidence du doyen des élus : le conseiller départemental strasbourgeois Yves Le Tallec qui ne se représentera plus lors des prochaines élections qui elles, pourraient être reportées (pandémie oblige) au mois de Juin. Alors que le siège provisoire de la CEA avait été fixé, par les textes, à Strasbourg, les prochaines réunions auront lieu à Colmar dont les élus sortis des urnes du mois de Juin, pourraient bien faire le siège définitif, le siège de la Région Grand Est ayant, lui, été fixé par la loi à Strasbourg. Y aura-t’il affrontement ou consensus autour de la question du siège, alors que les paris sont déjà ouverts pour savoir qui assumera la présidence de la nouvelle collectivité !

L’annonce de la fermeture, en plein centre-ville, d’ici à Novembre 2021, du grande magasin « Le Printemps », dont le lointain ancêtre avait ouvert ses portes en… 1906 sous l’enseigne « Le Louvre, grand bazar », marque en fait l’émergence (ou la confirmation) d’un autre cactus qui pourrait s’appeler… « mutation socio-commerciale » de la ville. Plusieurs fermetures de commerces -dont certains appartenaient à l’histoire de la ville- ont eu lieu et illustrent une mutation accompagnée par la multiplication des enseignes franchisées.

Quand le « Printemps » et « Cartier » ferment – Une évolution qui symbolise cette mutation des commerces de centre-ville, ce phénomène des « vitrines » vides à laquelle la ville avait échappée jusqu’ici. La fermeture du Printemps, qui relève de capitaux qataris, la fermeture du magasin « Cartier », illustrent les illusions que nourrissaient ceux qui voyaient en Strasbourg un réservoir potentiel d’acheteurs -notamment étrangers- disposés à s’investir dans des achats d’importance. Le constat ne manque pas d’intérêt alors que des enseignes -l’Irlandais Primark, le japonais Uniqlo ou le suédois Ikea- aux prix accessibles, ont ouvert d’importants points de ventes (les deux premiers à côté du… Printemps !).

Faut-il voir dans cette évolution ce constat dressé, un jour, par l’ancien maire socialiste Roland Ries, qui évoquant les contraintes budgétaires de la ville constatait : « Strasbourg est pauvre parce que les plus riches l’ont fui, pour les villages de la périphérie… » Ou encore ces surprenants calculs qui mettent en relief que le seuil de pauvreté des habitants est de près de 10 points au-dessus de la moyenne nationale alors que, paradoxalement, les sondages menés depuis plus de un an, placent Strasbourg dans le… « Top 5 » des villes les plus attractives. Pour arracher les cactus, iI faudra du temps, de l’énergie, une approche consensuelle qui mobilise au-delà des calculs politiciens. Ce ne sera pas facile alors que des élections régionales, départementales et… présidentielles pointent à un horizon relativement proche désormais ! Mais qui croit encore au Père Noël ?

(1) Voir eurojournalist.eu des 17.09 et 16.12.2020.

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