Strasbourg : Inaugurant la Foire Européenne, Bruno Le Maire ouvre la rentrée économique

Alain Howiller se penche sur une rentrée aux notes plus économiques que politiques.

Bruno Le Maire inaugurera la Foire Européenne le 6 septembre prochain. Foto: Thesupermat / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – Ceux qui espéraient que la prochaine inauguration de la Foire Européenne de Strasbourg, traditionnelle manifestation marquant la rentrée politique en Alsace, permettrait de faire le point sur la « Collectivité Européenne d’Alsace »(1), en seront sans doute pour leurs frais ! Pour la 87ème Foire Européenne qui ouvrira ses portes le 6 Septembre (jusqu’au 16), ce ne sera sans doute pas la politique qui sera au cœur de la cérémonie d’inauguration, mais bel et bien l’économie. Quoi de plus logique pour une foire commerciale qui, sur 40.000 mètres carrés, réunit plus de 900 exposants pour 200.000 visiteurs-consommateurs, et qui se veut le « plus grand magasin de l’éphémère d’Alsace », et qui, surtout, sera inauguré par Bruno Le Maire, le Ministre de l’Economie et des Finances.

On parlera donc essentiellement d’économie à quelques centaines de mètres du Wacken, le site historique de la Foire Européenne. Car pour la première fois, la manifestation se déploiera sur la « plateforme Fritz-Kieffer », derrière l’Hôtel Hilton, à deux pas, au prolongement du Palais des Congrès, dans des halls confortables, adaptés et transitoires venus de… Sydney pour deux ans !

Des halls en bois conçus par un Japonais ! – Dans deux ans, la Foire devrait prendre possession, à côté du Palais des Congrès, des quatre halls d’exposition du futur « PEX » (Palais des Expositions) imaginé par l’architecte japonais Kengo Kuma. Ce dernier, grand protecteur de la nature, voulant « remplacer le béton par du bois », créer, au stade final (65 millions d’euros d’investissements), 5 halls en bois dont quatre devraient être livrés en 2021. L’architecte a déjà concrétisé plusieurs projets en France dont le « Conservatoire de la Musique et de la Danse » d’Aix en Provence. Il a conçu le stade des Jeux Olympiques 2020 de Tokyo et c’est lui, encore, qui a été retenu pour construire la station de métro Saint-Denis Pleyel qui sera ouverte en 2023.

En inaugurant la Foire, le Ministre ne manquera évidemment pas de dresser un bilan de santé de l’économie française qui, malgré les menaces de ralentissement générées par l’essoufflement de la croissance mondiale, fait preuve de résistance : jusqu’aux patrons dont le moral continue de se redresser – ce que reflète l’indice « PMI » (pour Purchasing Managers Index) qui s’est établi à 52,7 points en août contre 51,9 en Juillet. Les points se situant au-delà de 50 soulignent qu’il y a de la croissance. Par ailleurs, le chômage continue de baisser, se situant à 8,2% (en France métropolitaine, 8,5% en intégrant l’Outre-Mer), ce qui représente le niveau le plus bas des dix dernières années (-0,6% sur un an). La croissance a légèrement progressé (+0,2%) au deuxième trimestre par rapport aux trois premiers mois de 2019 : elle devrait être de +0,3% au troisième trimestre selon les prévisions de la Banque de France. Les rentrées fiscales sont supérieures aux prévisions, la consommation se maintient accompagnée d’une progression du taux de confiance des ménages amorcée dès le début de cette année. Le Ministre de l’Economie et des Finances, en inaugurant la Foire Européenne, peut donc faire état de résultats encourageants.

Dans le Grand Est, l’économie alsacienne vire en tête ! – Dans le Grand Est, la dernière note de conjoncture de la Direction Régionale (Strasbourg) de la Banque de France relève, tout en nuançant l’impact sur l’emploi : « Hausse de la production industrielle(2) en Juillet avec contraction de la main d’œuvre. Prise de commandes convenables. Quelques recrutements prévus à court terme dans un contexte de hausse de l’activité. Dans les services marchands, progression de la demande et des prestations. Pour les semaines à venir, prévisions optimistes tant sur l’activité que sur l’emploi… Pour l’industrie de la Région Grand Est », poursuit la note, « l’indicateur du climat des affaires augmente de 91 en Juin à 95 en Juillet ».

Au niveau national, l’indicateur se situe à 95, mais dans les services, se réduit de 109 à 106, alors qu’il demeure stable à 100 au niveau national. Dans le Bâtiment et les travaux publics, on note des « velléités d’embauche » compte tenu du niveau de l’activité, quelques embauches sont attendues dans l’industrie, dans le secteur alimentaire/boissons (hors celui de la viande qui annonce des baisses de recrutements), dans la fabrication d’équipements électriques où certains chefs d’entreprise se plaignent d’un manque de personnel qualifié, dans le secteur « caoutchouc/plastique ». Stabilité voire décroissance des effectifs dans les secteurs : fabrication de machines et d’équipements, automobile, métallurgie et fabrication de produits métalliques.

L’impact du Bade-Wurtemberg et des cantons bâlois ! – En Alsace, où pourtant une timide croissance a installé la région en tête de l’évolution notée au niveau du Grand Est, le chômage a légèrement régressé cet été : -1,4% dans le Bas-Rhin et -0,7% dans le Haut-Rhin sur un an alors que, dans le même laps de temps, la baisse a été de 2,6% pour le Grand Est. Sur les bords du Rhin, on suit non seulement l’évolution de la conjoncture nationale mais également la situation de l’Allemagne et de la Suisse. Pour cette dernière, la croissance s’est légèrement affaissée, le chômage reste à un peu plus de 2% (1,7% dans le canton de Bâle-Campagne, mais 2,8% en Bâle-Ville), alors qu’il se situe à 5,5% en Allemagne. Malgré les rumeurs (trop ?) alarmistes sur la situation (le moral des ménages est en berne, le PIB a régressé de 0,1% au deuxième trimestre), le marché de l’emploi tient et les conjoncturistes comptent sur marché intérieur pour conjurer les risques. Il est intéressant de relever à ce propos que les Länder proches de l’Alsace affichent des taux de chômage à relativiser les résultats côté français : 2,7% en Bavière, 3,1% au Bade-Wurtemberg (3,2% dans l’Ortenau), 4,5% en Rhénanie-Palatinat ou 6,4% en Sarre. Les semaines à venir seront décisives pour l’économie allemande.

Elles le seront aussi pour l’économie française : Bruno Le Maire aura l’occasion de le rappeler à Strasbourg, lui qui est engagé dans la délicate définition d’un budget 2020 qui devrait être prêt à la fin de Septembre avec comme objectif d’atteindre un déficit budgétaire d’un peu plus de 2% – en dessous des fameux 3% chers à la Commission de Bruxelles et nés, rappelons-le, d’une « convention » Mitterrand-Kohl pour préparer l’entrée en vigueur de l’Euro ! L’exercice est loin d’être aisé dans un contexte de revendications sociales nourries par la probable relance du mouvement des gilets jaunes, de réformes (dont le système de retraites et une révision constitutionnelle constamment reportée) et d’inquiétudes apportées par une conjoncture mondiale qu’il serait sans doute utopique de voir redressée, même après le sommet du G7 à Biarritz !… Bruno Le Maire aurait beaucoup de choses à dire en inaugurant la Foire Européenne de Strasbourg : mais voilà, les dira-t-il ?

(1) Voir eurojournalist.eu des 31 et 17.07.2019.

(2) Dans la note de conjoncture de la Banque de France, le poids des effectifs de l’industrie représente près de 19% de l’emploi total, les services marchands dans le secteur industriel représentent près de 18%, le secteur du Bâtiment/Travaux Publics 7,5%.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste