Succession de Merkel à la tête de la CDU

La question des migrants : le style et le fond

Annegret KRAMP-KARRENBAUER : une position plus généreuse que celle de ses concurrents CDU sur la question des migrants Foto: Olaf Kosinsky / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 3.0Germany

(MC) – Des conférences régionales mettent en présence les 3 candidats potentiels à la succession d’Angela Merkel au grand parti conservateur allemand. Peu de choses distinguent ou opposent les 3 Pieds Nickelés. Parmi elles, la question des migrants. Différence de style, ou différence de contenu ?

Mardi dernier, Jens Spahn, l’un des 3 petits nègres survivants du casse-pipes intra-CDU, a demandé lors de l’une de ces conférences, qui s’est tenue à Idar Oberstein (Hesse), l’organisation d’une discussion contradictoire sur le Pacte de migration de l’ONU, et ce, avant les Assises fédérales du Parti début décembre. Mais cela est-il bien utile ?

Jens Spahn, mais surtout Annegret Kramp-Karrenbauer alias AKK et Friedrich Merz, sont les 3 prétendants au trône. Ils incarnent des styles et dans une certaine mesure, des positions légèrement différentes sur des points importants, notamment sur le plan social. Merz est un partisan du serrage de ceinture (pour les autres, pas pour lui-même), tandis qu’ AKK arbore des éléments de programme beaucoup plus ouverts, parfois proches de ceux du SPD. Quant à Spahn, qu’est-ce qui le motive au juste à vouloir ouvrir cette discussion sur la migration ? La démagogie, le souci de n’être pas complètement distancié, lui qu’on crédite de 10% environ des intentions de vote pour la direction de la CDU, ou bien le souci de ne pas laisser le terrain du ressentiment et de la hargne sociale à l’AfD, le parti d’extrême-droite ?

Jens Spahn a réussi à se faire remarquer ; mais qu’en est-il de l’objet même de cette discussion, à savoir le Pacte mondial de l’ONU pour des migrations sûres, ordonnées et régulières ? Le débat qu’ on appelle de ses vœux dans la CDU est-il réellement à sa place ?

A vrai dire, il règne beaucoup d’ignorance, d’idées toutes faites, de rumeurs sur ce Pacte et ses conséquences possibles. Elles sont montées en épingle, voire orchestrées par l’AfD. Ce Pacte comprend, pourtant, des point fort intéressants qu’il faudra mettre en relief avant les Assises fédérales et les élections européennes.

Un point essentiel et assez innovant : l’idée qu’il faut tout mettre en œuvre pour assurer de bonnes conditions d’accueil dans le pays de destination, par delà l’insistance hélas désuète sur l’aide au développement dans les pays de départ. Aujourd’hui, le vieux « mondialisme » des années 1960 est désormais bien dépassé, et il faut maintenant apprendre surtout comment se dépêtrer de la globalisation effective et de ses désastres.

La deuxième idée importante et plutôt innovante de ce pacte est que ne sont pas implicables seulement les Etats, mais aussi l’ensemble des structures sociales : les communautés vivant au dehors de leurs pays d’origine, les associations, les entreprises, l’ensemble de la société civile sont appelés à suivre les recommandations de ce Pacte.

Le texte de ce dernier expose en réalité une ligne de conduite à suivre, selon 6 points essentiels qu’il serait bien difficile de réfuter en principe, à moins de revenir en arrière : soit en replongeant dans un utopisme gauchiste nébuleux, soit en clapotant dans la mare d’ un populisme égocentré et dangereux.

En substance, voici ces 6 points : l’amélioration de la collecte des données sur les migrations ; la réduction des facteurs structurels (économiques, politiques et environnementaux) qui incitent les gens à quitter leur pays ; la réduction de la vulnérabilité des migrants ; l’intensification de l’inclusion des migrants dans leur société d’accueil ; et l’instauration d’une nouvelle perception des migrants, notamment en diffusant mieux chiffres exacts et données objectives, à l’encontre des discours démagogiques erronés diffusés dans certains médias et dans nombre de discours. Et enfin, le renforcement de la coopération internationale.

Qu’avez-vous donc à objecter à ces 6 points, Herr Spahn ? Que ce Pacte suppose une société ouverte et ses progrès, au lieu de la société égoïste et fermée que vous appelez de vos vœux ?

Bien évidemment, le Pacte mondial pour la migration n’est pas contraignant, hélas ; du moins pas encore. Mais le Rapport Sutherland de 2017 pose et précise que la présente mouture est un socle pour l’élaboration future de normes contraignantes. Espérons le.

Alors, en quoi consistent les divergences entre les 3 successeurs potentiels d’Angela Merkel ?

Jens Spahn éprouve le besoin pressant d’en discuter avant les Assises de la CDU. AKK, elle, est favorable à une telle discussion, une position que partagent beaucoup de membres de la CDU. Mais AKK est claire : elle soutient le Pacte mondial de migration de l’ONU. Principalement parce que pour la première fois, ce texte principiel  presse les signataires à un accord entre pays de départ et pays de migration.

Friedrich Merz, lui, plus politique, fait remarquer qu’il n’y a peut -être guère de sens à mener une telle discussion aussi peu de temps avant la rencontre au sommet des 10 et 11 décembre à Marrakech, où le Pacte doit être voté et acté. Merz eût bien aimé que le débat se fît bien plus tôt.

Friedrich Merz est quelque peu cauteleux… En somme, une politique cohérente et généreuse consistera à tout mettre en œuvre pour que ce Pacte, précisément, devienne de plus en plus contraignant. Nous allons vers un monde nouveau, que nous le voulions ou non.

 

 

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