Suède : pas convaincant

Principes de belles âmes et dures réalités

Malmö, Musée Moderne Foto : Cederskjold/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/4.0Int

(Marc Chaudeur) – En choisissant de refuser le confinement, la Suède a choisi, pour des raisons sans doute profondément culturelles, d’appliquer assez rigidement des principes qui ne relèvent pas de la santé publique, mais d’un wishful thinking, d’un vœu pieux où se mêlent préceptes humanistes et substrats culturels séculaires. Pas très convaincant, le résultat.

Le gouvernement suédois a choisi de ne pas imposer le confinement, au nom de la liberté individuelle, du civisme et du sens de la responsabilité des citoyens et des résidents suédois. Il a été conseillé pour cela par le Professeur Anders Tegnell, sorte de Professeur Raoult à l’envers : même prototype absurde de Docteur Hocuspocus fantasmé – au point qu’il apparaît sans nulle ironie dans les raps des banlieues et sur les tatouages branchés, et que l’écrasante majorité des Suédois (7 sur 10 environ) accorde encore confiance à ses oracles. Sans doute à cause de son charisme télévisuel.

La Suède a opté pour ce qu’on appelle désormais «  immunisation collective » : au bout d’un certain taux de contamination – sur lequel d’ailleurs personne ne s’entend vraiment – celle-ci ralentirait et déclinerait rapidement. Une supposition qui ne repose pas sur des bases très solides, et qui exige le sacrifice en toute conscience d’une partie importante de la population. Mais au moins, le principe de liberté individuelle et de responsabilité personnelle est respecté… En principe.

Bien sûr, ceux qui sont d’abord sacrifiés, ce sont les plus faibles. Notamment ceux des habitants de la Suède qui sont contraints de vivre dans des conditions difficiles, par exemple dans certains quartiers de Stockholm ou de Malmö (où ces toutes dernières années, on assistait à une flambée inouïe de violence ; des bandes de caillera s’envoyaient à la figure des thermos bourrés d’explosifs et se canardaient à coups de kalachnikoffs…). Et les personnes âgées plus encore, qui paient un lourd tribut au dogme luthéro-libéral de ladite « immunisation collective » : 50% des décès dus au virus en Suède sont des pensionnaires de maisons de retraite,exposés sans guère de précaution au virus.

Il semblerait que ces derniers jours, le taux de contamination commence à décroître. En tout cas, le taux auquel on est arrivé à Stockholm est ahurissant : il est tout proche de celui de New York, avec mille décès pour un million d’habitants ! Mais comment pourrait-il réellement en être autrement… Beaucoup de scientifiques et de médecins expriment d’ailleurs un avis radicalement opposé à celui de Tegnell : si, bien sûr, il faut imposer un confinement tel que chaque personne ne rencontre que son entourage le plus proche, avec les précautions d’usage ! Comment sinon la pandémie de la COVID-19 pourrait-elle réellement régresser ?

Le taux est très élevé surtout dans les quartiers populaires des grandes villes, là où vivent beaucoup d’immigrés et où les appartements sont minuscules, où la distanciation sociale présente beaucoup plus de difficulté dans certains modes de vie et de travail. Le manque de rigueur, ici, se fait assez cruellement sentir, et les maux liés à la COVID-19 remplacent ou se superposent à ceux que causaient la délinquance, le banditisme et les guerres de gang à coups d’explosifs.

Au fond, cette superposition est celle de deux applications de la même attitude, typiquement scandinave : un grande partie de cette délinquance provient d’une hospitalité a priori, qu’à une époque donnée il n’était pas de bon ton de nuancer d’un peu de pragmatisme. Tout comme un nombre non négligeable de cas létaux dûs au virus est causé par le désir profond que le virus soit autre qu’il n’est en réalité. Ce qui ne change absolument rien à sa nature réelle.

En Suède,on se trouve donc plutôt prou que peu dans le même cas de figure que ces manifestations récentes qui ont eu lieu dans beaucoup de villes allemandes : on manifeste contre le vilain virus, bououh, pour qu’il cesse d’avoir l’audace d’exister ! Mais il existe, il se fout des bons sentiments et des rêveries des uns ou des autres. Il se fiche complètement du wishful thinking des êtres humains.

Croire qu’il pourrait en aller autrement, c’est une attitude d’enfant gâté accoutumé à prendre ses désirs pour des réalités.

 

 

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