Testing à l’espagnole

A compter de cette semaine, l'Espagne démarre une vaste enquête épidémiologique.

Dès le 25 mars, la Mairie de Madrid testait les personnels des services essentiels - Policía Municipal, SAMUR-Protección Civil, Bomberos y Samur Social... Foto: Diario de Madrid / Wikimedia Commons / CC-BY 4.0int

(Jean-Marc Claus) – S’étant dotée, en vue de préparer le déconfinement, d’un million de tests dès la seconde quinzaine de mars, l’Espagne en emploie une partie lors de démarches à visées tant diagnostiques que prédictives. Ainsi, la municipalité de Madrid s’est appliquée à tester très tôt les personnels des services qu’elle juge essentiels (Police, Protection Civile, Pompiers, Santé, Social).

Parallèlement à cette démarche, qu’il serait particulièrement réjouissant de voir appliquée dans d’autres pays d’Europe, notamment de l’autre côté des Pyrénées, une étude épidémiologique va être menée sur 60.000 personnes sélectionnées de façon aléatoire, comme le rapportait El Diario le 8 avril 2020. Le but de cette enquête, annoncée par le Ministre de la Santé Salvador Illa (PSC) est, par une démarche diagnostique de séroprévalence, de connaître précisément les dimensions de la pandémie sur le territoire espagnol, pour mieux déterminer les mesures de santé publique à appliquer, tant dès à présent que dans l’hypothèse non fantaisiste de la survenue d’une seconde vague. L’Institut de Santé Carlos III (ISCIII), mènera cette étude à compter du 13 avril 2020 en se basant sur une cohorte de personnes ne séjournant pas en institutions, issues des 50 provinces et des 2 villes autonomes du pays, et réparties équitablement sur l’ensemble du territoire. Les personnes sélectionnées seront testées tous les 21 jours, tant que la poursuite de l’étude sera jugée nécessaire. Les personnels de santé chargés des prélèvements vont être doublement protégés et, pour des raisons évidentes de sécurité, leur nombre sera réduit au strict minimum.

A cette campagne de tests lancée en Espagne, font écho les récents propos, de Catherine Trautmann (PS) sur France Info,  souhaitant que la population alsacienne – au sein de laquelle se trouve un malheureux cluster viral (ndlr) – puisse être massivement testée. Ceci en vue d’une évaluation de l’état sanitaire de la population et de la mise en œuvre d’un déconfinement intelligent. Mais en Espagne, les autorités prennent une longueur d’avance, car l’hypothèse d’une seconde vague n’est pas écartée du champ des possibles. D’où l’impérative nécessité d’une cartographie épidémiologique régulièrement mise à jour. Ainsi, autant une campagne de test généralisée à toute la population est souhaitable, autant une veille épidémiologique assurée sur du long terme s’avère indispensable, car, pour reprendre et adapter le célèbre aphorisme d’Abraham Lincoln : « On peut tester une partie du peuple tout le temps et tout le peuple une partie du temps, mais on ne peut pas tester tout le peuple tout le temps. ».

La crise économique – en réalité crise du capitalisme – qui suivra cette crise sanitaire, risque bien de faire passer à l’arrière-plan cette absolue nécessité d’anticiper la survenue d’une nouvelle pandémie. Il n’est pas certain que « l’Humain d’abord » devienne le programme de la majorité des pays touchés par le Covid-19, notamment des pays européens. Or, au Sud-Ouest de l’Europe, l’Espagne et le Portugal, touchés à des degrés inégaux par la pandémie, nous montrent la voie à suivre en mettant en place des politiques ambitieuses focalisées sur l’Humain. Ces deux pays qui, rappelons-nous, font partie de ce que des journalistes britanniques et états-uniens inféodés aux puissances d’argent appellent depuis 2008 les PIGS (Portugal-Italy-Greece-Spain).

Maintenant, ces brillants économistes ont sous leurs yeux la démonstration que, contrairement à eux, les porcs sont redoutablement intelligents et terriblement empathiques. Mais comme on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif, ces phares de la pensée ultra-libérale n’y comprendront goutte, et continueront de clamer dans des médias de plus en plus bas de plafond, l’immonde dogme thatchérien « There Is No Alternative ». Peut-être serait-il grand temps de privilégier des médias alternatifs…

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