Théâtre absurde en Thuringe

Après avoir été élu grâce aux voix de l'extrême-droite, le nouveau ministre-président de la Thuringe essaye de faire demi-tour. Et il vise un record.

C'est au parlement de la Thuringe à Erfurt que le FDP et la CDU ont fait cause commune avec des néo-fascistes. Scandaleux. Foto: Alupus / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – Qui a dit : « Nos plus grands succès, on les a eus en Thuringe. Là-bas, nous sommes le parti le plus important. En Thuringe, les partis qui formaient jusqu’à maintenant le gouvernement ne peuvent plus former une majorité sans nous. » ? L’un des cadors de l’AfD ? Le ministre-président sortant Bodo Ramelow ? Le chef de l’AfD en Thuringe Björn Höcke qu’on est en droit de désigner comme « fasciste » selon un jugement de l’année dernière ? Non – cette citation date du 2 février 1930 et vient de – Adolf Hitler. Pendant 48 heures, les Allemands croyaient assister au début de la « République de Weimar 2.0 », le début de la prise du pouvoir par les néo-nazis. Mais cette perspective horrifiante a au moins été reportée.

Thomas Kemmerich, le candidat FDP dont le parti avait franchi la barre des 5% lors des dernières élections grâce à tout juste 73 votes, avait donc été élu ministre-président de la Thuringe grâce aux votes de la CDU et de l’AfD. Le pêché originel. L’ouverture de la voie vers le pouvoir pour les néo-fascistes allemands. Pendant 24 heures, Thomas Kemmerich trouvait tout cela normal, démocratique, correct. Mais pendant ces 24 heures, les partis nationaux, autant le FDP que la CDU, ont mis une pression maximale sur leurs collègues en Thuringe pour que ces derniers réparent une erreur politique monumentale qui risque de coûter cher aux deux partis.

Finalement, Thomas Kemmerich, face au vent, a fini par céder ; il ne sera pas ministre-président de ce Land. Dans un premier temps et sur instruction de la direction nationale de son parti, il tentera de dissoudre le Parlement à Erfurt pour provoquer des élections anticipées. Mais il n’y parviendra pas, car pour ce faire, il a besoin d’une majorité des 2/3 des voix – et l’AfD ne lui fera pas le plaisir de voter pour lui. Suivra la deuxième étape – un vote de confiance que Kemmerich initiera lui-même et qu’il perdra très certainement. A ce moment-là, il pourra enfin dissoudre le parlement d’ Erfurt et appeler à des élections anticipées.

Les parallèles historiques sont frappants : c’est ainsi qu’au début des années 30 du siècle dernier, le NSDAP est arrivé au pouvoir. D’abord, par des succès lors d’élections régionales et ensuite, en allant de succès électoral en succès électoral. A l’époque, tout était parti de la Thuringe, et hier et avant-hier, les Allemands se sont souvenus de cette période, la plus noire de l’histoire allemande.

Mais même si les choses se passent maintenant comme prévu, à savoir la démission de Thomas Kemmerich et des élections anticipées, le FDP et la CDU auront fort à faire pour faire oublier ce « péché originel ». Pour la première fois depuis 1945, un ministre-président a été élu en Allemagne grâce à la complicité entre des partis dits « populaires » et un parti dirigé par un fasciste. Nous avons vécu cela une fois en Allemagne, et nous ne voulons pas le revivre. Mais force est de constater que le fascisme est tout sauf mort en Allemagne – il remonte à la surface. Faire cause commune avec des fascistes ne peut être un moyen pour les combattre. Et on constate avec stupeur que la phrase « Wehret den Anfängen » est déjà dépassée. De loin.

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