Thuringe : un ministre-président entre Histoire et Politique

Alain Howiller revient sur le séisme politique déclenché par les élections régionales en Thuringe.

Le nouveau (et ancien) ministre-président de la Thuringe, Bodo Ramelow (Die Linke) devra conduire un gouvernement minoritaire. Foto: DiG / TRIALON / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Alain Howiller) – La décision est donc tombée, mettant un terme provisoire au mauvais feuilleton de l’élection du ministre-président du Land de Thuringe. Bodo Ramelow, président sortant (Die Linke) va retrouver son fauteuil de ministre-président du Land : au troisième tour de scrutin de l’élection présidentielle, alors qu’une simple majorité suffisait pour aboutir, il a été reconduit dans ses fonctions à la tête d’une coalition minoritaire regroupant Die Linke, les Verts et le SPD. Cette fois, l’abstention de la CDU et le refus de participer au vote du parti libéral FDP ont permis aux sortants de trouver la majorité relative nécessaire à leur reconduction. La page d’un « couac politique » de grande ampleur a-t-elle pour autant été tournée ? Elle avait été déclenchée, on s’en souvient, lorsque les élus de la CDU et ceux du parti d’extrême droite AfD avaient mélangé leurs voix pour porter à la présidence du Land, un représentant du petit parti libéral FDP.

Le poids de nouvelles élections. – La droite conservatrice et l’extrême-droite réunissaient leurs votes : une première qui a déclenché de violentes réactions au gouvernement, à la CDU (dont la présidente Annegret Kramp-Karrenbauer a du démissionner). Des milliers de manifestants étaient descendus dans la rue pour condamner « une alliance contre nature ». Le « ministre-président d’un jour », Thomas Kemmerich, a du démissionner pour ouvrir, trois mois après sa désignation, la voie à la nouvelle délibération qui vient d’aboutir. Mais la crise n’est pas terminée. Localement, le nouveau gouvernement est minoritaire : il devra négocier une « majorité de projet » pour chacune de ses décisions et ce, jusqu’à l’adoption du budget 2021. Les chrétiens-démocrates ont obtenu qu’après cette adoption d’ici à la fin de cette année, de nouvelles élections aient lieu au plus tard le 25 Avril 2021. Dans l’espoir qu’une majorité décisive sortira des urnes.

Au niveau national, la CDU réunira un congrès extraordinaire, le 25 avril de cette année, pour élire un nouveau président : celui-ci aura pour mission de mener son parti au combat des élections pour le renouvellement, à l’automne 2021, du Bundestag. Par ailleurs, la crise de Thuringe pose le problème (qui n’est pas propre à l’Allemagne !) des rapports avec l’extrême-droite menée par l’AfD et avec l’extrême-gauche incarnée, elle, par Die Linke ! Les élus chrétiens-démocrates de Thuringe ont fait valoir qu’ils ne voulaient pas voter pour Die Linke dont les racines marxistes plongent dans l’ex-parti, « SED », le parti communiste de la « République Démocratique Allemande – RDA ».

« Passé rouge » contre « passé brun » ? – Cet enracinement dans le « passé rouge » explique que ce parti reste bien déployé dans les territoires de l’ex-RDA et qu’il n’a réussi que dans un « Land » de l’Ouest (dans la ville-état de Brême) à être associé dans une coalition au pouvoir. Pour la petite histoire (qui est souvent une grande histoire qui s’ignore), c’est à Erfurt, capitale de la Thuringe, que le chancelier Willy Brandt a été accueilli triomphalement au grand dam des autorités est-allemandes en Mars 1970 : personne, alors, ne pensait à la réunification !

A droite, on peine à se souvenir (et pourtant !) des tendances racistes, anti-immigration, nationalistes de l’AfD dont une partie (sans doute 40%) des militants sont regroupés dans la section dite « Der Flügel » qui est placée sous la surveillance du bureau fédéral pour la protection de la constitution pour menées néo-nazies. Au « passé rouge » vient s’ajouter la référence au « passé brun ». Comme quoi, la crise de Thuringe n’en a fini ni avec l’histoire, ni avec la politique.

Kommentar hinterlassen

E-Mail Adresse wird nicht veröffentlicht.

*



Copyright © Eurojournaliste