Tout est dans le donut ?

Face à l’effondrement des modèles économiques et sociaux du XXe siècle, la « Doughnut Theory » sera t-elle notre planche de salut ?

Kate Raworth, une économiste bien dans son époque, mais aux antipodes de l’économie dominante du XXIe siècle. Foto: Arbeit & Milieu / Wikimedia Commons / CC-BY 2.0

(Jean-Marc Claus) – La « Théorie du Donut », un concept qui, annoncé comme cela, fait penser à la Métaphysique des Tubes ou au Théorème du Singe. Or, la pensée de l’économiste britannique Kate Raworth n’est en rien métaphysique, et contrairement au schéma du théorème simiesque, sa conception du monde sort des sentiers battus. Rejetant largement les théories économiques du XXe siècle, qui nous ont conduit à connaître aujourd’hui un dérèglement climatique se développant de façon dramatique, elle ne cède pas pour autant au miroir aux alouettes des « -ismes ».

Refusant de se laisser enfermer dans un dogmatisme politique ou économique, sa démarche inspirée par l’observation d’un beignet torique, situe l’espace dans lequel l’humanité peut vivre en sûreté et l’environnement se régénérer, entre un plancher social et un plafond environnemental. Une approche d’une simplicité quasiment biblique, ayant le mérite de pousser utilement tout-un-chacun à la réflexion, et évidemment, de ne plus laisser le lecteur averti, considérer un donut comme une banale pâtisserie.

Son ouvrage intitulé « Doughnut Economics. Seven Ways to Think Like a 21st-Century Economist » publié en 2017 par l’éditeur new-yorkais Random House, disponible en version française chez Plon depuis 2018, a été l’objet de plusieurs analyses critiques. Dossier instruit tantôt à charge, tantôt à décharge, mais plus rarement à charge et à décharge, il n’en reste pas moins que cette approche ouvre des perspectives dont s’est, par exemple, emparée la municipalité d’Amsterdam dès 2020, car les idées de Kate Raworth ont trouvé là-bas un public particulièrement réceptif.

Ceci revenant à conclure que les changements positifs faisant avancer la société, peuvent venir de la base, lorsque le sommet ne se considère pas comme issu de la cuisse de Jupiter, voire ne se prend pour Jupiter lui-même. Pour faire court, Amsterdam n’est actuellement pas gouvernée comme la France, et d’une manière plus globale, la citoyenneté n’y est pas enseignée et vécue de la même façon. Par ailleurs, affirmer que la « Doughnut Theory » serait notre planche de salut, reviendrait à la ranger dans la catégorie des « -ismes », où Kate Ramworth refuse à juste titre de s’enliser.

Cependant, à y regarder de près, ramener l’économie à son essence initiale, c’est-à-dire la remettre au service de la société et du bien de l’Humanité, est infiniment plus intelligent que de gloser sur une hypothétique croissance verte n’étant rien d’autre qu’une énorme usine à gaz de greenwashing, prétendant notamment que la voiture électrique serait une alternative saine et viable. Notre Planète Bleue, sujette à de multiples bouleversements au cours de l’histoire de l’Univers, présente depuis plusieurs millénaires des conditions favorables à l’évolution humaine, or, depuis quelques décennies, les êtres humains s’activent à détruire méthodiquement leur biotope.

C’est justement pour cela que la « Doughnut Theory » fixe des limites formalisées par un plafond environnemental, assurant la préservation de notre milieu de vie et de ses ressources, ainsi qu’un plancher social garantissant le nécessaire vital à tout-un chacun. Nécessaire vital, pour reformuler la pensée raworthienne, et non minimum vital, car nous sommes avec ce modèle économique et social, à des années lumières du capitalisme moribond et mortifère du XXIe siècle.

Alors, plutôt que de se demander si la Théorie du Donut sera ou ne sera pas notre planche de salut, questionnons-nous plutôt sur les programmes politiques et les modèles économiques dont sortent gagnants toujours les mêmes et dont font les frais encore et toujours les mêmes. Lorsque le sommet d’un système s’emploie à vouloir dissoudre les organismes lanceurs d’alertes au motif fallacieux qu’ils troubleraient l’ordre public, ne serait-il pas grand temps de déboulonner le sommet, à la faveur d’une véritable révolution citoyenne, qui ne placerait pas à sa tête un tribun ou un sauveur suprême ?

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