Transfrontalier : la frustration de la société civile

Depuis des décennies, des citoyens engagés se battent pour améliorer la chose transfrontalière et «l’Europe de et à Strasbourg». Maintenant, la frustration prend le dessus.

Fier d'être citoyen et citoyen engagé - mais cet engagement mérite plus de répondant au niveau public. Pourquoi pas maintenant? Foto: Manufacture Berthelot / Wikimedia Commons

(KL) – Les associations qui oeuvrent de près ou de plus loin pour la coopération et l’intégration transfrontalieres ne sont pas nombreuses. Depuis de nombreuses années, lors de manifestations autour du transfrontalier, on rencontre les «suspects habituels», mais force est de constater que la «participation citoyenne» dont tout le monde parle, est un exercice qui doit s’apprendre. Des deux côtés, il s’agit d’apprendre comment fonctionne l’autre et de s’accorder le mieux possible. Ce qui est beaucoup plus difficile qu’on ne le pense.

Il est vrai que dans le monde associatif, on a du mal à comprendre ce qui serait si terrible de laisser s’exprimer un citoyen extrêmement engagé lors de l’inauguration du Lieu d’Europe, surtout dans la mesure où Henri Mathian, dont il est question ici, était l’un des moteurs du projet Lieu d’Europe – sans lui, cette nouvelle structure n’aurait peut-être pas vu le jour. Bien sûr, Henri Mathian compt parmi les acteurs auquels il faut arracher le micro, une fois lancé. Mais cela s’organise en amont et faire taire les citoyens dans un lieu dédié aux citoyens, ma foi, c’est moyen.

Mais la frustration du monde associatif va baucoup plus loin. Au point où certaines forces vives cessent leurs activités, d’autres peinent à se structurer ou à drainer de nouveaux membres, car une coopération efficace avec les institutions publiques s’avère plus que difficile. Attirer des jeunes dans le travail associatif est de plus en plus difficile – les jeunes n’aiment pas perdre leur temps et en vue du peu de poids des citoyens engagés dans la vie de la cité, ils préfèrent s’occuper d’autre choses. On les comprend.

A chaque fois que le monde associatif est vraiment impliqué dans de grands dossiers, il apporte des élément indispensables et souvent une expertise dont les autorités ne disposent pas toujours. Malgré cela, le rôle des citoyens n’est ni clair, ni défini. Bien sûr, toute démocratie moderne clame que le «souverain est le peuple», mais cela relève de la théorie. Le peuple ne pèse pas dans les décisions et les discours du genre «il faut emmener les citoyens» n’y changent rien.

Le «laboratoire européen» que sont censés être les Eurodistricts (il y en a cinq entre la France et l’Allemagne) n’est pas (encore ?) une plate-formes où l’on expérimente d’autres formes de coopération entre tous les piliers de la société. Quel gâchis ! Pourtant, dans la théorie, tout le monde est d’accord – on la veut, cette participation citoyenne.

Logiquement, il faudra un peu plus d’audace – et ce, des deux côtés. Les citoyens doivent apprendre à formuler leurs attentes de manière plus claire pour les présenter comme une sorte d’ordre de mission aux politiques. Les institutions publiques, elles, doivent comprendre que la lenteur administrative est difficile à vivre pour des citoyens qui dans leur travail, ne pourraient jamais se permettre un rythme de travail pareil. Et il faudra oser. Oser associer les forces vives dans les dossiers transfrontaliers et ce, à la même hauteur des yeux.

Pourquoi ne pas instaurer un Conseil Citoyen comme complément aux organes officiels des Eurodistricts ? Pourquoi ne pas attribuer un budget propre à un tel Conseil qui pourrait décider des projets portés ? Pourquoi ne pas accorder un, deux, trois sièges dans le Conseil de l’Eurodistrict à un tel Conseil Citoyen ? Parce que cela n’existe pas ailleurs ? Raison de plus pour l’expérimenter dans un tel «laboratoire européen». Pour faire de la «Realpolitik», merci, nous disposons de toutes les structures nécessaires. Mais pour développer la démocratie dans le fief de l’humanisme rhénan, il faudra faire preuve de plus de courage, plus de créativité et plus d’envie d’aller en avant.

La situation actuelle pourrait être propice à une telle évolution. Un exécutif strasbourgois «reloaded», un changement de génération à la mairie de Kehl – cela pourrait constituer un point de départ vers une nouvelle signification de ce «laboratoire européen». Qui, un jour, pourrait peser dans la balance lorsque le siège du Parlement Européen sera à nouveau menacé.

Un bonne occasion pour essayer de pousser le schmilblick dans cette direction sera la prochaine «rencontre élus-citoyens» à la mi-mai à Kehl. Après, les institutions publiques devront passer la vitesse supérieure. Sinon, elles risquent de perdre la coopération citoyenne indispensable pour que ces structures transfrontalières touchent les gens. Ce n’est donc pas le moment pour baisser les bras, au contraire, c’est le moment pour passer la vitesse supérieure. Dialoguons, mais en veillant à ce que ces échanges mènent aussi à des résultats concrets.

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