Tribune : Quand les anti-vaccins se fourvoient
Les discussions concernant la pandémie sont intenses, même au sein de notre rédaction. Mais le débat, dans le respect des opinions variées, est important. C’est pour cela que nous publions aujourd’hui cette tribune.

(Francis Alexis Hammer) – Alors que l’Europe et les Etats-Unis connaissaient au XIXème siècle des épidémies à répétition, c’est bien à la vaccination que l’on doit leur disparition. Avec, en 1955, cet exemple du vaccin contre la poliomyélite, où depuis cette date cette maladie fait partie des souvenirs. Sans compter ces autres vaccins obligatoires qui avec le temps, ont fait disparaître la diphtérie et le tétanos du paysage sanitaire français.
Depuis 2018, face à la persistance de certaines épidémies, la vaccination obligatoire s’est étendue pour les nourrissons. En tout, huit vaccins contre la coqueluche, l’infection à Haemophilus influenzae B, l’hépatite B, le méningocoque C, le pneumocoque, la rougeole, les oreillons et la rubéole. Des vaccins qui ont montré leur efficacité, même si ils s’accompagnent parfois d’effets indésirables aussi transitoires que mineurs.
Aujourd’hui, l’efficacité vaccinale n’est plus à démontrer. Alors, pourquoi tant d’ampleur et de virulence dans les réactions autour de la vaccination contre le Covid ? Faut-il croire que les relais médiatiques de ces revendications faites au nom des libertés individuelles, sont aussi cet artéfact qui contribue à tout faire dérailler ? Faut-il oublier que face à une pandémie à l’échelle planétaire, l’urgence à trouver un vaccin a mobilisé tout ce que le monde comporte comme moyens financiers et chercheurs ? Toutes choses qui ont permis en un temps record, la mise sur le marché de vaccins, sans déroger pour autant aux nécessaires étapes de leurs développements.
Serait-ce ce changement de braquet que les anti-vaccins dénoncent depuis des mois, au motif qu’il aurait enjambé les procédures sécuritaires ? Depuis les trois premiers cas officiellement recensés en janvier 2020, près de 70% de la population française sont vaccinés contre le Covid-19. Concurremment, les assauts des variants ont d’autant mieux été jugulés que le nombre des vaccinés augmentait. Des faits, qui mis bout à bout, parlent au plus grand nombre. Des faits qui, pourtant, ne semblent pas ébranler les certitudes de dizaines de milliers d’individus manifestant tous les samedis. Des inquiets vindicatifs dont on cherche en vain le profil, lorsque face aux discours de la science, ils opposent leurs recherches sur les réseaux sociaux en s’appuyant sur des affirmations douteuses.
La grande peur du monde 2.0 – Il est vrai que la dimension mondiale de cette pandémie avec son nombre de morts recensés a de quoi frapper les consciences. Que s’est-il passé entre les premiers chiffres catastrophiques liés au Covid et les premiers succès de la vaccination ? La mémoire longue des peuples s’est-elle souvenue des grandes peurs moyenâgeuses quand la peste noire tuait entre 30 et 50% des Européens ? D’où cette interrogation insistante sur le retour d’un refoulé, celui d’un sentiment que l’on croyait disparu avec les progrès de la science.
Au sein d’un monde inégalitaire, vivant au souvenir des pandémies de jadis confrontés à un futur menaçant lié au changement climatique, la crise du Covid semble être la goutte d’eau qui fasse déborder le vase. Est-ce à cette conjonction des peurs qu’il faudrait originer les défilés des contestataires du samedi ? Au point de contester les fondements d’un état qui serait synonyme d’une « tyrannie de la majorité », les contraignant à abdiquer leurs libertés ?
Dans cette perception toute tocquevilienne, le monde 2.0 n’arrange rien, quand à la vitesse des pixels, il permet la multiplication des échanges. Avec des individus marchant le nez collé sur leurs portables et les écouteurs vissés aux oreilles, les « fake news » n’en finissent pas de galoper, renvoyant par là même, la vie sociale et la compréhension du monde aux visions fantasmées courant sur la toile.
Pourtant le besoin de se rassembler existe toujours. Mais comment empêcher les anti-vaccins de manifester quand ils se trompent de cibles ? Sachant qu’il n’y a rien de pire que de dénoncer ce qui relève des effets là où les causes demeurent hors de portée…
Voilà assurément ce qui résulte d’un monde où la culture du « ressenti » semble primer sur celle des faits.
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