Trois approches différentes pour une «nouvelle Europe»

Lors de leur « mini-sommet » sur l’île de Ventotene, Angela Merkel, Mattéo Renzi et François Hollande ont demandé un nouveau départ pour l’Europe. On ignore encore à qui cet appel s’adresse…

Les trois ont honoré la mémoire d'Altiero Spinelli - sans pour autant mettre en œuvre l'Europe dont il a rêvé. Foto: (c) Présidence de la République / F. Lafite

(KL) – La meilleure chose lors de ce « mini-sommet » italo-germano-français était le choix de l’endroit où il a eu lieu. En effet, Angela Merkel, Mattéo Renzi et François Hollande se sont rencontrés sur l’île de Ventotene où en 1941 et pendant leur détention, les pères-fondateurs du fédéralisme européen, Altiero Spinelli et Ernesto Rossi, avaient rédigé sur du papier à cigarettes, le visionnaire « Manifeste de Ventotene », un appel à la création d’une Europe fédérale et pacifique, sociale et humaniste. Les trois se sont inclinés devant la tombe d’Altiero Spinelli pour déclarer à l’issue de cette rencontre que le « Brexit » n’allait pas mettre un terme à l’Union Européenne, mais qu’il fallait au contraire, donner une nouvelle impulsion à l’UE. Bien. Mais à qui s’adresse cet appel pour « plus d’Europe » ? Qui est censé mettre en œuvre des réformes européennes – Merkel, Renzi et Hollande ? Tous les trois défendent des positions bien différentes concernant les priorités de l’Union Européenne…

Et quand ces responsables nous parlent, on connaît les phrases. Elles sont belles et en fin de compte, ne veulent rien dire. « L’Europe n’est pas le problème », disait Mattéo Renzi, le premier ministre italien, « l’Europe est la solution. Surtout pour les jeunes générations ». S’il est certain que l’Europe doit être la solution pour de nombreux problèmes de notre époque, force est de constater que ce sont les responsables politiques qui sont le problème – par exemple lorsque l’on écoute Angela Merkel à Ventotene : « Nous voulons de la croissance pour l’Italie, la France et l’Allemagne. Pour moi, cela veut dire que nous devons créer des conditions qui donnent des perspectives aux investissements privés ». Ah bon ? Vivons-nous dans une « Union Européenne à trois » ? Quid des autres 25 pays européens, car ils sont toujours au nombre de 28 ? Et est-ce que cette phrase ne veut pas dire qu’Angela Merkel entend poursuivre sa politique d’austérité axée sur les intérêts des investisseurs privés, donc aussi des marchés financiers ? C’est ça, la « nouvelle Europe ? »

Déjà sur ce point, ils n’arrivent pas à se mettre d’accord à trois – car Mattéo Renzi souhaite lui, comme il a expliqué à Ventotene, moins d’austérité, plus d’investissements publics, des programmes pour combattre le chômage des jeunes et des réformes structurelles. Donc, le contraire de la politique d’austérité allemande.

Et François Hollande ? Pour le président français, la priorité est la politique de défense et de sécurité. « S’il y a un point sur lequel nous devons nous accorder, c’est que l’Europe doit assurer sa sécurité. Dans ce contexte, la France assume sa responsabilité. » On entend déjà la prochaine campagne électorale, mais cette déclaration ne ressemble en rien à « une nouvelle impulsion pour l’Europe ».

Trois responsables européens, trois approches différentes aux crises actuelles. Et pour ne pas déranger l’ambiance harmonieuse, on a évité les sujets qui fâchent, donc les réfugiés et la Turquie.

En amont du sommet européen du 16 septembre à Bratislava, cela n’annonce rien de bien. Si la chancelière entend rendre visite à de nombreux partenaires européens avant ce sommet, il convient de se souvenir que l’Allemagne, la France et l’Italie ne représentent que trois pays sur 28 – et que des réformes européennes nécessitent un consensus. Mais comment l’obtenir ? Même si la rencontre à Ventotene s’est déroulée dans une harmonie sympathique, force est de constater que même ces trois pays ne regardent pas dans la même direction quand il s’agit de l’avenir européen. Chacun continue à poursuivre ses propres objectifs et rien n’indique que cela changera d’ici le 16 septembre.

Même si on a envie d’y croire, même si les trois se sont retrouvés à cet endroit hautement symbolique qui incarne le rêve d’une Europe fédérale qui n’a jamais été mise en œuvre, il faut rester réaliste. Ce ne sont pas ceux qui ont conduit l’Europe dans les crises actuelles qui risquent de la réformer. Les seuls capables de donner une nouvelle impulsion et orientation à l’Europe, ce sont les 500 millions Européens et Européennes et ce, en 2019, lors des prochaines élections européennes. C’est à ce moment-là qu’il faudra voter pour une autre génération de politiques européens, pour des partis et des candidats qui défendront une autre vision de l’Europe. Car l’analyse du « mini-sommet » de Ventotene est vite faite – il n’en ressort rien. Voilà la triste réalité.

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