Trois présidents européens en pénitence au Vatican

Canossa au Vatican 2016.

Le Pape François a sommé les responsables européens à revoir leur copie - "l'Europe a quitté la voie de l'humanisme". Foto: Claude Truong-Ngoc / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Par Jacques Schmitt) – La remise du Prix Charlemagne 2016 a réservé bien des surprises aux Européens qui croient toujours aux progrès de l’unification européenne et j’en fais partie. Ce Prix Charlemagne peu remarqué par le grand public, mérite ici un écho particulier qui doit se propager aux peuples de toute l’Europe et tout particulièrement aux dirigeants.

Pas à Canossa, pas à Aix La Chapelle mais au Vatican. – Il a été remis au Pape François au Vatican et non pas à Aix-la-Chapelle par les trois « curieux » présidents de cette Europe si compliquée issue des traités, venus en rois mages lui remettre ce cadeau inattendu autant qu’insolite. Messieurs Jean-Claude Juncker pour la Commission, Donald Tusk pour le Conseil européen et Martin Schulz pour le Parlement européen se sont donc rendus, chargés de ce cadeau, au Vatican.

Mais au fait : quelle a été l’action importante menée par le Pape François ces dernières années pour favoriser l’unification de l’Europe ? Ou bien sont-ils venus à Rome pour se faire pardonner par le Souverain Pontife des péchés hautement inavouables aux Européens ?

Le premier, celui de la Commission européenne, est le « loup financier dans la bergerie européenne » écrit la « justicière » Eva Joly. Le second, le Polonais Donald Tusk, président du Conseil Européen est semble-t-il un praticien d’écoutes téléphoniques et contribue encore à vouloir bâillonner la presse d’opposition dans son pays quand il ne vend pas des biens publics au privé, dit-on dans certains milieux. Le troisième, Martin Schulz, est notre « chouchou » à Strasbourg et le « culbutos » de la démocratie européenne. Avec lui, tout est pour le mieux dans la meilleure des Europes possibles à Strasbourg, encore mieux à Bruxelles et encore mieux à Luxembourg et la montée des populismes n’est que l’aveuglement des peuples. Au Parlement, tout va bien, Madame la marquise Europe.

Ils s’en vont donc voir le pape qui n’hésite pas à les réprimander. D’abord, l’Europe n’intéresse pas plus que d’autres continents le souverain pontife. Ensuite, on ne lui offre plus de la gouverner comme en avaient peut-être le secret désir de certains pères fondateurs très liés à la démocratie chrétienne et catholique après-guerre. On peut encore toutefois se rendre à la messe dans l’enceinte du Parlement européen.

N’ont-ils trouvé personne d’autre ou sont-ils à ce point convaincus que plus rien ni personne ne peut sauver l’Europe de ses égoïsmes nationaux et de ses dérives libérales attentatoires à notre modèle humaniste et social de société ? Tout ce petit monde a pris le chemin du Vatican comme l’Empereur du Saint Empire Romain Henri IV vers Canossa pour obtenir le pardon d’avoir si mal gouverné l’Europe et avouer ne pas respecter les valeurs spirituelles de cette société.

Pourquoi le Pape François ? – Le Souverain Pontife ne pouvait que saisir l’occasion donnée de les sermonner : le premier des mages sur sa dévotion à l’idole-argent, le second Donald Tusk sur ses tripatouillages politiques et le non-respect de la liberté d’expression, le troisième pour son rôle d’illusionniste du jeu démocratique dans une assemblée de « strapontins politiques ».

A la première lecture, je me suis dit que le Pape se mêle de ce qui ne le regarde pas puis, à y regarder de plus près, on vient le chercher sur son terrain alors qu’il n’a rien demandé. Donc il donne la leçon à ces « messieurs » qui de plus se sont déjà attribué le même prix au titre de leur action pour l’Europe. On n’est jamais mieux servi que par soi-même.

Du grand comique auquel sa Sainteté n’a pas trop voulu se joindre. D’ailleurs le Pape n’a fait que saluer poliment ses « honorables invités ». Ils voulaient faire du théâtre et bien, ils ont été reçus et tancés. Le Pape François leur a rappelé qu’en raison de leur inaction « …grandissait l’impression générale d’une Europe vieille, stérile et fatiguée… une Europe en déclin qui semble avoir perdu sa capacité génératrice et créative… » et qu’il leur opposait les jeunes capables « par leurs rêves, par leurs vies… de forger l’esprit européen ».

Et pour en finir, il leur indiquait leur abandon pur et simple de l’humanisme en admettant avec la question des migrants « l’abandon de la dignité de leurs frères ». François pour sa part « rêve d’une Europe où être migrant ne serait pas un délit ».

Dans sa grande bonté, François leur propose trois voies, trois capacités pour construire une nouvelle synthèse de l’humanisme européen : « celle d’intégrer, celle de dialoguer et celle de générer ».

A ses yeux, la direction est donnée pour la génération suivante car ses trois pénitents lui semblent bien incorrigibles et qu’heureusement ils tombent dans l’année de la « Miséricorde ».

Mais quelle mouche du coche a piqué ses « trois cochers » maladroits de la malle-poste européenne ? Avouent-ils leur impuissance ? Ne croient-ils plus qu’au miracle pour sauver l’Europe ? Ont-ils vendu leurs âmes aux démons de la mondialisation libérale ? Les peuples d’Europe devraient dans ce cas voter leur excommunication pour abandon de l’idée européenne.

Bien pénible démonstration faite sous les yeux de tous les Citoyens d’Europe qui n’ont pas encore appris cette fable d’un grotesque impudique et qui mériterait d’être apprise à l’école rédigée à la manière d’Esope ou de La Fontaine. De ce dernier je retiendrai la morale du « Coche et la mouche » :

« Ainsi, certaines gens, faisant les empressés,
S’introduisent dans les affaires ;
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, ils devraient être chassés. »

Quant à la fable, elle pourrait s’intituler : « Le Pape et les trois pénitents ». La preuve en tous cas que les Européens devraient bien penser à se gouverner par eux-mêmes. C’est là qu’est la difficulté.

Jacques Schmitt est Président de l’Association Unir l’Europe et organise cet été le 5e « Itinéraire citoyen européen ».

2 Kommentare zu Trois présidents européens en pénitence au Vatican

  1. Alexis LEHMANN // 10. Mai 2016 um 10:29 // Antworten

    Merci à Jacques SCHMITT pour son article .Le Pape porte à l Europe et au Monde une parole de vérité “humaine” et non religieuse . Il a dans ce domaine une crédibilité mondiale incontestée . Son discours à l’occasion du Prix Charlemagne est un discours d’anthologie qui restera dans les mémoires au même titre que celui de Martin Luther King.
    L’Europe peut choisir le”chemin d’humanisation” auquel le Pape l’invite ou celui des égoïsmes , des repliements et du conflit.Nous connaissons ici mieux que tous ce tragique processus…Mais la solidarité économique et sociale au niveau de l’UE ne peut être effective et durable qu’au sein d’un “Etat” Européen ou d’une véritable entité démocratique , économique et “politique”.
    Un pas décisif que seul des prérogatives “humaines” de solidarité peut nous faire franchir!

  2. Sacré François! Il ose fustiger ces pauvres diables.

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