Turquie : l’Europe des retraités aux mous parapets

L’UE incapable de traiter le problème des migrants

Homs (Syrie), détruite en 2012 par Assad lui-même ! Foto: Bo Yaser/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Angela Merkel aurait prononcé cette phrase brillante, dès l’année 2016 : « Jamais plus 2015 ne se reproduira ! » Elle ne pouvait qu’avoir raison, et doublement : jamais les événements d’aucune année dans l’histoire du monde ne se sont reproduits tels quels. Et puis sans doute savait-elle très bien ce qui allait se produire face à la tragédie syrienne : c’était que l’Union européenne allait s’enfoncer dans son inertie humanitaire et politique, dans sa scandaleuse désunion. Sans doute est-il trop tard, bien trop tard pour mettre en place une réaction européenne pertinente et efficace.

Ce grotesque et dangereux dictateur qu’est Erdoğan cherche avant tout à s’attirer une aide militaire substantielle de l’Union européenne contre cet autre dictateur moins grotesque, mais encore plus dangereux qu’est Bachar el Assad. Pour ce faire, un bon moyen : le chantage au déferlement de Syriens misérables dans les ruelles de Bingen et de Trifouillis-les-Oies.

Jeudi soir, 30 soldats turcs ont été tués à Idlib, dans le Nord de la Syrie. Très rapidement, le raïs Erdoğan a claironné qu’il allait lâcher des hordes de Syriens affamés vers la Grèce : il utilise ainsi cette population comme monnaie de chantage entre Turquie et Union européenne. Et déchire sans prévenir le Pacte qu’il avait conclu avec les Européens : la contention des réfugiés contre de très confortables contreparties financières. Le raïs turc fait partir d’Istanbul des bus gratuits vers la Grèce.

Comme on sait, ces Syriens, hommes, femmes, enfants, familles, ont fui les bombardements de leur propre dirigeant, Assad, aidé puissamment en cela par Poutine : les bombardement et les gazages, les largages de barils de poudre sur les hôpitaux, les écoles, les centres villes… Beaucoup sont partis de leurs villes depuis plusieurs années ; ils ont parfois pu ouvrir de vagues et minuscules échoppes, souvent en proie) à des mini pogroms perpétrés par la population turque.

Les termes du chantage d’Erdoğan sont clairs : ou bien cette population réduite à la plus noire misère déferle sur vos pays surnourris et engorgés de graisse, ou bien vous m’aidez militairement à me défendre contre (ou à vaincre) Assad. Et à liquider les Kurdes par la même occasion.

Malheureusement, l’Union européenne n’est absolument pas à la hauteur de l’enjeu. Ni de l’enjeu humanitaire, ni de l’enjeu stratégique et géo-politique. Dans son attitude munichoise désormais classique, dont l’un des corollaires est l’admiration stupide qu’affichent notamment bien des Français (souvent manipulés par Sputnik et la propagande russe) envers Poutine, l’Union européenne attend. Elle attend depuis presque 10 ans maintenant.

Et elle ne fait absolument rien. Dans les instances dirigeantes de l’UE, depuis au moins 2012, on proclame vouloir « combattre les causes de ce mouvement de fuite ». De belles paroles, dont on n’a jamais vu un début de mise en œuvre. Face à Bachar el Assad et (encore moins) à son cher ami Poutine, jamais l’Europe n’a même essayé de mettre en place une stratégie commune.

L’UE n’a décidé d’aucune sanction concrète et ciblée ; d’ aucune poursuite contre les crimes de guerre si nombreux qu’ Assad et Poutine ont commis depuis 10 ans – et fait commettre… Et qu’ils continuent donc, et pour cause, à perpétrer. Pourquoi, par exemple, aucune zone de protection ou d’exclusion aérienne n’a-t-elle été mise en place ? Pourquoi les Européens ont-ils balancé le problème dans les bras surchargés de la Turquie (et, ne l’oublions pas, du Liban et de la Jordanie) ?

En Europe, la peur monte : mais c’est en réalité l’inaction molle de l’Union européenne qui fait monter la peur. Comme à l’occasion d’autres périodes tragiques de l’Histoire contemporaine.

La peur, et pas l’unité stratégique des Etats européens, ni ces fameuses « valeurs européennes » (sous-entendu : des valeurs morales, on se sent obligé de le préciser…) qu’on ne cesse d’invoquer comme une formule magique. Maintenant que – comme d’ailleurs en 2015 – la situation semble grave, on commence à formuler la nécessité d’une « réaction ». Lorsqu’il eût fallu agir, entre 2011 et 2016, on en a vu la nécessité. Mais jamais celle d’un rapport entre parole et action.

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