Ukraine : la victoire écrasante du Roi Guignol

Et maintenant ?

La Bulava du dirigeant de l'Ukraine : appuyer sur l'une des 64 émeraudes qui la recouvrent fait apparaître une lame portant la devise sans doute prophétique, hélas : " OMNIA REVERTITUR " (Tout revient)... Foto: Mykhaylo Markiv/Wikimédia Commons/CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Victoire écrasante de Volodymyr Zelensky lors des législatives du 21 Juillet, anticipées par suite de sa précédente victoire aux Présidentielles du 20 mai dernier. Son parti, Serviteur du Peuple, remporte la majorité absolue à lui tout seul. Une victoire qui va de pair avec une inquiétante absence de consistance politique. 3 mesures ont été proposées par Zelensky, et ce, dès avant les Présidentielles : la lutte contre la corruption, la résolution des menées séparatistes russes et russophiles dans l’Est du pays, et la suppression de l’immunité parlementaire – qui pourrait mettre fin à nombre de trafics et de turpitudes, en effet. Et puis ?

Et puis… On ne sait. La ligne politique de Zelensky n’a pas encore été fixée. L’immense popularité du président provient de ses performances télévisuelles et de sa série intituée, avant le semblant de parti qu’ila formé ensuite, Serviteur du Peuple. Un titre excellent, en effet… On y entend Zelensky partir dans des tirades dignes de Charlie Chaplin, narcissisme hollywoodien en moins et concision en plus.Cette popularité est soutenue à coups de millions d’euros par le milliardaire mentor de Zelensky, sur lequel curieusement, les médias ukrainiens se font de plus en plus discrets… A mesure que s’ accroît l’emprise de Zelensky sur les journaux et la télévision.

La victoire de Zelensky est spectaculaire : 253 sièges gagnés au Parlement national, la Rada – 226 sièges étaient nécessaires pour remporter les élections. Aucune nécessité de former une coalition pour pouvoir gouverner le pays. Jamais sans doute un tel monolithisme n’avait existé en Ukraine – hormis à l’époque soviétique… Le système électoral ukrainien est très démocratique dans sa forme, et plutôt complexe : une moitié du Parlement élu par listes, l’autre moitié par scrutins uninominaux – ce qui fait que les circonscriptions, au nombre de 199, sont quasiment devenues la chasse gardée de l’oligarchie et par conséquent, du clientélisme … Au moins, la victoire de Serviteur du Peuple a-t-elle permis d’introduire un vrai souffle d’air dans le pays – car ces élections ont réduit à une relative impuissance les profiteurs habituels… Et Zelensky a remporté 126 circonscriptions !

Qui donc le Guignol national désignera-t-il comme Premier ministre en remplacement de Volodymyr Hroïsman, qui exerçait cette fonction sous le prédécesseur de Zelensky, Petro Porochenko ? L’incertitude persiste, curieusement : la décision audacieuse qu’exhibe Zelensky à la télé n’est pas sa qualité principale dans le domaine de la politique réelle et concrète. Quelques noms commencent cependant à émerger. L’ancien ministre de l’Economie Aivaras Abromavicius. Andrej Kobolev, le dirigeant très puissant du groupe gazier Naftogaz. Ou bien l’ancien ministre des Finances Oleksander Daniliuk. Trois pointures, trois hommes expérimentés, surtout dans la direction de l’industrie du pays et dans ses relations avec le pouvoir politique. Ce qui signifie beaucoup de choses peu ambigües… On eût aimé un peu d’originalité,une figure symbolique du renouveau – du moins, d’un certain renouveau. Tout espoir n’ est pas perdu ; mais qui donc pourrait bien surgir aujourd’hui et réaliser un modeste consensus en même temps qu’une bonne surprise ? Difficile à trouver. Un oiseau rare.

Dans ce pays européen un peu plus grand que la France, un peu moins peuplé et beaucoup plus pauvre, la situation n’est pas réellement devenue plus rassurante qu’il y a un an ou deux. Victoire électorale et majorité écrasante d’une part, et d’autre part, flou artistique intense quant aux programmes et aux intentions, y compris face à la gourmandise agressive de Vladimir Poutine… Et Zelensky ne dispose pas de conseillers particulièrement pertinents et aptes au discernement.

Zelensky, en tout cas, devra absolument profiter de l’effet de rafraîchissement et de renouvellement dans le pays, et dans toutes ses parties (excepté le Donbass – Louhansk et Donetsk – et la Crimée, bien évidemment). Les Ukrainiens attendent avant tout la fin de la guerre à l’Est, et une amélioration de leurs conditions de vie, en général très difficiles.

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