Ukraine/Hongrie : les incendiaires fascistes s’entraident

Un proche de l’AfD allemand suspecté d’incendie criminel

A Oujgorod/Ungvar, l'ancien bâtiment de la Police Foto: Posterrr / Wikimédia Commons / CC-BY-SA 4.0Int

(Marc Chaudeur) – Que les groupuscules d’extrême-droite tissent des liens dans toute l’Europe ; que certaines choses étranges se passent dans les coins sombres, à la frontière magyaro-ukrainienne par exemple, qu’on y perçoit comme un bouillonnement brunâtre, cela ne nous échappe pas. Mais voilà des éléments bien concrets : l’un des incendiaires polonais du Centre Culturel Hongrois d’Oujgorod, en Ukraine à l’automne dernier, a mis en cause un proche, un très proche de l’AfD dans ce crime.

Pourquoi à Oujgorod ? C’est que la région (l’oblast, en langue administrative ukrainienne) de Transcarpatie, où se trouvent les villes d’Oujgorod (en hongrois : Ungvár) et de Berehove (en hongrois : Beregszász), à l’Ouest de l’Ukraine, abrite de fortes minorités hongroises (à Berehove, 49 % de la population environ). La Transcarpatie a très longtemps appartenu à la Hongrie – elle en était partie intégrante pendant tout le moyen âge, et bien au-delà. Aux yeux des Hongrois, c’est une pièce détachée de leur pays.

Or, depuis septembre 2017, Hongrois et Ukrainiens ne s’embrassent plus guère dans la rue. C’est qu’un projet de loi ukrainien réduisait les heures d’enseignement scolaires des langues minoritaires du pays (http://les-hongrois-en-ukraine-cautele/). Branle-bas de combat à Budapest, qui accuse (largement à juste titre) les Ukrainiens de s’en prendre à la culture hongroise derrière leurs frontières. Et échange de scuds diplomatiques entre Budapest et Kiev, dont le plus perforant a été l’expulsion d’un diplomate hongrois début octobre. Certes, le diplomate avait organisé une cérémonie de remise de passeports hongrois à des ressortissants ukrainiens, alors que la double nationalité est proscrite à Kiev… On devine bien que le gouvernement ukrainien suspecte une activité perfidement séparatiste en Transcarpatie – ce qui n’est pas le cas. Le fond du problème, c’est précisément que les 2 gouvernements sont tous deux aussi nationalistes l’un que l’autre, et qu’ils ne laissent rien passer. (http://eurojournalist.eu/les-hongrois-en-ukraine-cautele/)

Mais pourquoi incendier un Centre Culturel Hongrois ? L’ambiance anti-magyar va-t-elle jusqu’au prurit criminel ? Ce n’est pas réellement exclu ; c’est la thèse que le directeur du Centre, László Brenzovics, a exposée à la radio hongroise. Mais de hauts dirigeants ukrainiens voient la chose autrement – c’est le cas du gouverneur de l’oblast transcarpatique, Hennadyi Moskal et, fait important, du chef-adjoint des services (SBU), Viktor Kononenko. Ils y voient l’oeuvre du FSB, le célèbre service russe, digne descendant du KGB. Les Russes, vraiment ?

Le 27 février dernier donc, le Centre Culturel Hongrois a brûlé. C’est miracle qu’il n’y ait pas eu de victimes… Qui sont les auteurs ? Bartosz Bekier, Mateusz Piskorski et Michal Prokopowicz, membres d’un groupuscule néo-nazi polonais, Falanga, ont reconnu les faits lors de leur procès, qui s’est tenu récemment à Cracovie. Décidément, cet acte criminel semble avoir mobilisé une bonne partie de l’extrême-droite centre-européenne !

Or, lors de son procès, Prokopowicz a mis en cause l’assistant parlementaire de Markus Frohmaier, un député de l’AfD, le parti fasciste allemand qui monte, qui monte… Il s’agit d’un homme au nom fleuri, Manuel Ochsenreiter. Il est prouvé que Prokopowicz et Ochsenreiter se connaissent : sur un tweet d’Anton Chekhovtsov, un journaliste allemand d‘origine russe, on peut voir une photographie des 2 hommes assis ensemble lors d’une réunion politique. Prokopowicz et Ochsenreiter partagent apparemment la même admiration pour la Russie poutinienne. Et la partie la plus intéressante du procès à Cracovie eût peut-être pu mettre en évidence les liens de ces néo-nazis avec les services russes – si du moins, ce procès était allé jusqu’au bout des choses, ce qui n’a pas été le cas.

Ochsenreiter était l’assistant parlementaire de Markus Frohnmaier, ponte de l’AfD, qui s’est empressé de prendre ses distances avec le pestiféré. « Ce qui n’implique pas cependant que les affirmations à son encontre soient vraies » , a-t-il précisé !

Michał Prokopowicz, accusé à Cracovie d’avoir lancé avec ses deux complices polonais des cocktails molotov sur le Centre hongrois, explique qu’Ochsenreiter a commandité l’incendie et lui a offert pour cela 1500 euros : 500 euros envoyés par la poste dans un livre, et 1500 euros de main à main à l’aéroport de Berlin-Tegel après le crime.

Des Polonais, des Allemands de l’AfD, des Ukrainiens… Sombre histoire, dirait l’inspecteur Columbo – ou quelqu’un qui lui ressemble. Mais pourquoi le FSB ? C’est qu’en effet, outre les sympathies reconnues de ce petit milieu au crâne rasé envers Poutine, il n’est pas inutile pour les services russes de jeter de l’huile sur le feu des relations Budapest-Kiev, de remonter les ressorts de l’inflexible Orbán contre son voisin et de fragiliser ainsi les frontières occidentales de l’Ukraine, après s’être emparé de ses frontières orientales et de la Crimée. Il suffit d’imaginer le Tsar Poutine en train de rêvasser avec gourmandise sur les bordures, pour lui contingentes, de la Russie : un front sud entre Armiansk et Kertch, un front est à Louhansk et à Donetsk, et pour finir, un front ouest en Transcarpatie.

A qui le crime profite, une fois de plus. L’histoire n’est pas finie, on peut l’avancer sans risquer beaucoup de se tromper. A suivre attentivement.

Cet article s’appuie en grande partie sur des informations produites ou compilées par le Courrier d’Europe Centrale. Pour en savoir plus : https://courrierdeuropecentrale.fr 

 

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