Ukraine-Russie : Mortiers lourds et grosses ficelles

Guerre militaire et guerre des médias

Les ruines de l'aéroport international de Donetsk Foto: Pravda DPR/Wikimédia Commons/CC-BY-SA/3.0Unp

(Marc Chaudeur) – Il ne faut pas s’y tromper : Poutine encercle l’Ukraine et l’agresse sur tous les fronts possibles. Front militaire, front médiatique : tous les moyens sont bons, comme on a pu le constater récemment aussi dans les attaques informatiques qui ont assez sérieusement menacé de déstabiliser le pays. L’actualité des relations en Ukraine et Russie est très chargée, et même très lourde…

Lundi le 18 mars, les Ukrainiens – et les défenseurs des Droits de l’Homme en général – ont commémoré la date de la déportation des Tatars d’Ukraine. Le 18 mai 1944, Staline a déporté 183 000 membres de cette ethnie basée en Crimée vers la lointaine Asie centrale – ce que d’ailleurs Le gouvernement turc d’Erdoğan s’empresse de récupérer pour sa propagande. Et l’histoire se répète : depuis l’annexion russe de la Crimée en 2014, 48 000 personnes ont été déplacées, afin de permettre une russification de la presqu’île (des milliers de Russes ont déjà emménagé là-bas). A l’est du pays, au Donbass, hier, les mercenaires russes ont violé (pour la onzième fois en quelques jours) les Accords de Minsk en tirant avec des mortiers lourds. Mais la guerre la plus efficace sans doute que mène Poutine, c’est la guerre des médias.

Hier, nous avons été fort surpris de constater qu’une page fb intitulée “ Ouest Est, rapprochons l’est et l’ouest de l’Europe “ médiatisait un message du dirigeant de la pseudo-république de Donetsk. Normal : elle est une production directe du FSB et des milieux russes qui assiègent l’Est de l ‘Ukraine depuis 6 ans maintenant et sont responsables de 14 000 morts.

En Ukraine même, c’est évidemment bien pire, et le Parlement ukrainien a décidé d’étendre l’application de sanctions à l’interdiction  de trois réseaux russes. Le problème est vaste : on estime que 50% des nouveaux canaux accessibles en Ukraine sont contrôlés par le gouvernement Poutine.

En Ukraine, il n’existe plus guère de liberté d’expression : tout dépend de qui possède quel média ou tel canal TV… C’est notamment ce qu’estime Arsenyi Iatseniuk, homme politique ukrainien de l’opposition. Constat peut-être un peu exagéré à cause de la position particulière d’ Iatseniuk, souvent malchanceux et controversé ; mais il n’est pas loin de la réalité.

Les procédés de Poutine ne sont pas ceux de l’Union soviétique ; ils en sont très différents. Poutine ne veut évidemment pas imposer sa vision globale de l’Histoire, qui sans doute n’existe pas.Non, pas une vision, mais une version : ce qu’il fait aussi en Pologne, au point ridicule (plus c’est gros, plus ça marche…) de vouloir faire croire que le voisin de l’Ouest est responsable de la Seconde Guerre mondiale… Et la situation des médias en Ukraine permet bien des excès en ce sens : bien des observateurs la décrivent actuellement comme soumise à la liberté de mentir, et non plus bénéficiant de la liberté d’expression, ce qui est très différent, n’est-ce pas…

En Ukraine un peu plus qu’ailleurs, Poutine agit comme un sapeur : il pose des mines et sème ainsi le désordre. Il veut miner la crédibilité des dirigeants et miner la confiance des citoyens en leurs dirigeants, quels qu’ils soient (le problème ne réside pas là). Il pervertit le sens et répand sciemment le complotisme, comme on s’en aperçoit chaque jour à un degré moindre en France à travers l’expansion ahurissante de Sputnik News, par exemple : toujours prompt, entre autres, à faire croire que le chaos règne dans les rues françaises et que les Français se trouvent depuis des années au bord de la révolution ou du cataclysme…

Sans doute faut-il rester vigilant : pour ce qui concerne les médias, un pays comme l’Ukraine reflète nos propres problèmes d’Occidentaux avec une loupe grossissante : ils risquent d’être ou de devenir fondamentalement les nôtres.

 

 

 

 

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