Ukraine : percée ou jeux diplomatiques à Genève ?

L’accord trouvé à Genève laisse beaucoup de place à l’interprétation et pose de nombreuses questions de l’ordre pratique.

Un accord sur l'Ukraine, oui. Mais peut-on faire confiance à John Kerry et Sergej Lavrov ? Foto: U.S: Department of State / Wikimedia Commons

(KL) – Après l’accord trouvé à Genève entre la Russie, les USA, l’UE et l’Ukraine, l’espoir renaît que le conflit en Ukraine puisse être résolu sans guerre. Mais le lendemain, dans l’est du pays, les «forces pro-russes» continuent comme cet accord n’existait pas. Et quid de l’ouest de l’Ukraine ? Aux yeux de la Russie, le gouvernement intermédiaire à Kiev n’est pas légitime et Moscou le considère comme «une bande de poutschistes». Qu’il faudrait donc, selon les termes de l’accord qui prévoit «le désarmement de toutes les forces armées illégales sur tout le territoire ukrainien et l’abandon des bâtiments occupés», également sortir des bâtiments qu’il occupe dans la capitale.

Est-ce que les dirigeants sont vraiment arrivés à un accord ? Est-ce Sergej Lavrov joue sur les mots, cherchant un prétexte pour préparer une intervention de plus en Ukraine ? Est-ce vraiement la voie vers la paix qui se dessine ? Difficile de croire en cette évolution lorsque les actes et les faits contre-disent les paroles. Peut-on faire confiance aux déclarations de paix dans une situation où une partie de l’Ukraine a été annexé par des troupes russes et où ces mêmes forces occupent les mairies, administrations, stations de police dans de nombreuses villes de l’est de l’Ukraine ?

La définition du terme «forces armées illégales» joue un rôle important et une telle définition dans le cadre de cet accord n’a pas été publiée. Pour la Russie, les occupants du Maidan à Kiev sont certainement des «forces illégales», comme les groupes nationalistes qui patrouillent dans la capitale – tandis que les USA et l’UE considèrent que ces «forces pro-russes» dans l’est du pays comme de telles forces. Il sera difficile de se mettre d’accord sur cette définition.

Vient ensuite la question pratique – qui peut désarmer ces «forces illégales». D’abord, un tel désarmement ne peut s’effectuer qu’à condition que les forces à désarmer soient organisées de manière militaire – si jamais ces forces agissent de manière autonome, il sera compliqué de convaincre des groupes différents, les uns après les autres, à déposer les armes. Intéressant – le monde verra si ces «forces pro-russes» sont commandées centralement.
Et à Kiev alors ? Peut-on vraiment s’imaginer que la Russie accepte le désarmement des forces para-militaires et militaires dans l’est de l’Ukraine sans que la situation change aussi à Kiev ? L’extrême-droite à Kiev est bien armée et il serait étonnant si la Russie n’allait pas demander à ce que ces groupes soient également désarmés.

Et la question finale – qui sera chargé d’organiser, de gérer et de surveiller de telles opérations de désarmement ? Il est à craindre que la réponse de Sergej Lavrov soit simple – la Russie. Ce qui constituerait la victoire ultime de la diplomacie russie. Envoyer des troupes régulières russes en Ukraine et ce, sur la base d’un accord international, officiellement pour organiser le désarmement, et voir la suite une fois que l’armée soit déployée dans l’intégralité du pays, est-ce cela le rêve de Poutine et de Lavrov ?

La Russie n’accepterait jamais que dans le cadre du désarmement décidé à Genève, des troupes de l’OTAN interviennent en Ukraine. L’UE, elle, n’a pas d’armée. Aucun voisin de l’Ukraine ne pourrait organiser un tel désarmement. Seule la Russie dispose de la logistique et des moyens pour assurer une telle opération. Le danger se situe là.

Mais malgré cette lueur d’espoir néé à Genève, les doutes persistent. La Russie a refusé de discuter la question de la hausse du prix du gaz et de la dette ukrainienne, gardant ainsi des «atouts» pour d’autres questions, comme par exemple celle de la mise en oeuvre pratique de l’accord.

Dans l’est de l’Ukraine, vendredi, pas un seul bâtiment public occupé par ces forces pro-russes n’a été libéré. Aucune arme n’a été déposée. Au contraire. Cagoulés, des soldats déclaraient fièrement devant les caméras de la presse qu’ils allait rester dans ces bâtiments et qu’ils étaient prêts à les défendre jusqu’à la dernière goutte de sang. L’esprit de Genève n’a pas encore réussi à se frayer son chemin jusqu’en Ukraine.

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