Un 1er mai tragique à Nevers

Retour sur quelques 1er mai historiques : cette année, celui de 1993, jour du suicide de Pierre Bérégovoy

Plusieurs voies publiques et infrastructures honorent aujourd’hui Pierre Bérégovoy, mais c’est quand il allait mal, qu’il fallait se soucier de lui... Foto: Chabe01 / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 4.0int

(Jean-Marc Claus) – Il y a aujourd’hui trente ans, le 1er mai 1993, vers 18h00, se donnait la mort Pierre (Eugène) Bérégovoy, maire de Nevers, député et conseiller général de la Nièvre, ancien Secrétaire Général de la Présidence de la République, anciennement Premier Ministre et quatre fois ministre. Issu d’un monde ouvrier, comme son aîné communiste Ambroise Croizat, créateur de la Sécurité Sociale, il fut très tôt politiquement engagé à gauche et adhéra à la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO) au lendemain de la IIe Guerre Mondiale, l’année de ses 21 ans, âge de la majorité en France jusqu’à 1974.

Commençant à travailler en usine en 1941 dès ses 16 ans, il s’engagea dans la Résistance en 1942 avec le cheminots et participa à la Libération de Rouen en 1944. Ajusteur et dessinateur industriel il devint, grâce à l’ascenseur social qui fonctionnait encore bien à l’époque, directeur adjoint de Gaz de France (GDF), l’un des joyaux du Programme du Conseil National de la Résistance que nous devons au ministre communiste Marcel Paul. Membre du Parti Socialiste, il négocia en 1972 avec le Parti Communiste le Programme Commun, et fut des deux septennats de François Mitterrand (1981-1995).

Son suicide par arme à feu au soir du jour de la Fête des Travailleurs, provoquant une émotion touchant un large spectre de l’arc politique et de la population générale, fut alors l’objet de diverses théories à propos desquelles il convient de conserver une certaine distance de sécurité intellectuelle. Mais il n’en demeure pas moins que Pierre Bérégovoy était un homme droit, parti de la France dite d’en bas et arrivé aux sommets de l’État. Ce qui fut possible à l’époque, le reste-t-il aujourd’hui ?

Difficile à imaginer dans un pays où le peuple méprisé par le Chef de l’État fait régulièrement l’objet de petites phrases assassines et de lois scélérates, où une brochette de millionnaires a noyauté le Gouvernement et où les forces de l’ordre sont plus souvent engagées dans la répression des mouvements de contestation que pour la lutte efficace contre le crime organisé. Même s’il n’était pas dupe de la roublardise de François Mitterrand, il y a fort à parier que Pierre Bérégovoy n’aurait jamais accepté de devenir premier Ministre d’un golden-boy complètement hors-sol s’appuyant sur des cabinets de consulting payés rubis sur l’ongle avec l’argent public et adulé par un cénacle de courtisans de plus en plus gênés aux entournures.

Pierre Bérégovoy était un homme droit, et le tournant de la rigueur de 1983 s’accentuant pour donner toujours plus de place aux puissances d’argent, ne faisait pas partie de son ADN, même s’il fut obligé d’avaler des couleuvres. Être tenu pour responsable de la déroute de la gauche en 1993 qui aboutit à la cohabitation avec Édouard Balladur, mis en cause dans des « affaires » financières qui feraient rire aujourd’hui au regard des casseroles de la team macroniste, profondément dépressif et s’estimant victime d’une kabbale, il avait confié à son directeur de cabinet envisager une « fin à la Salengro ». C’était un temps où les politiques évoluant aux sommets de l’État, avaient encore un certain sens de l’honneur. N’oublions jamais le 1er mai 1993…

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