Un bon prix, un bon lauréat et un mauvais endroit

Le Prix Sakharov 2020 a été décerné à l’opposition démocratique en Belarus. Un excellent choix, un lauréat plus que digne de ce prix. Seul bémol – ce prix aurait du être décerné à Strasbourg. L’Europe se « bruxellise » de plus en plus.

Sviatlana Tsikhanouskaya devant le Parlement Européenj - à Bruxelles... Foto: (c) European Union / Europa 2020

(KL) – Le choix du lauréat 2020 du prestigieux Prix Sakharov est excellent – c’est l’opposition démocratique en Belarus qui a été choisi et il est évident que le combat courageux de l’opposition bélarusse pour la démocratie au pays du dictateur Alexandre Loukachenko, mérité soutien et par conséquent, ce Prix. Mais fallait-il absolument décerner ce Prix à Bruxelles et non pas, comme c’est la coutume, à Strasbourg ?

Lundi, le président du Parlement Européen, David Maria Sassoli, était encore à Strasbourg pour « symboliquement » ouvrir la séance plénière qui elle, avait lieu à Bruxelles. Comme c’est désormais l’habitude, malgré le fait que la situation sanitaire à Bruxelles ne soit en rien meilleure qu’à Strasbourg. David Maria Sassoli aurait pu prolonger son séjour strasbourgeois d’un jour et procéder à la remise du Prix Sakharov 2020 là où ce Prix devrait être décerné – à Strasbourg. Mais non, il fallait que cette remise se fasse à Bruxelles, tout comme le vote sur le budget pour la nouvelle mandature. Pourtant, les Traités Européens le stipulent clairement – le vote sur le budget doit avoir lieu à Strasbourg, mais les Traités Européens ne semblent plus beaucoup intéresser les instances européennes. Pour favoriser Bruxelles, la capitale de la corruption institutionnalisée, on transgresse volontairement les textes des traités et Strasbourg se trouve de plus en plus en rade de l’Union Européenne.

On n’aurait pas pu trouver un lauréat plus digne de ce Prix Sakharov pour la Liberté de Pensée que cette opposition qui vit un calvaire en Belarus. Après les élections que les observateurs internationaux ont qualifiées de « truquées », confirmant le dictateur Loukachenko au pouvoir, l’opposition démocratique s’est lancée dans une protestation paisible et organise presque quotidiennement des manifestations où de nombreux militants démocratiques sont tabassés, arrosés de gaz lacrymogène et arrêtés en masse. Pourtant, cette opposition continue à manifester paisiblement, en attendant que le régime Loukachenko prenne l’eau. Le soutien de l’Union Européenne, matérialisé par ce Prix Sakharov, est une formidable façon de se montrer solidaire avec un peuple en quête de démocratie. On ne peut que féliciter le comité du prix pour son choix et l’opposition bélarusse pour cette haute distinction.

Mais il faut être aveugle pour ne pas se rendre compte de la « bruxellisation » des institutions européennes. Il aurait été parfaitement possible de décerner ce Prix à Strasbourg, comme ça a toujours été le cas. Une tradition, en quelque sorte. Mais rien n’est sacré pour les anti-Strasbourgeois qui semblent avoir pris les commandes à Bruxelles.

Les belles paroles prononcées par David-Maria Sassoli lors de sa courte visite à Strasbourg, auront seulement servi à calmer la colère et l’incompréhension strasbourgeoise – et même lors de cette visite, Sassoli n’a pas pu expliquer pourquoi l’Europe se concentre de plus en plus à Bruxelles. Si on ne tenait compte que du seul paramètre de l’évolution de la pandémie, les séances plénières devraient avoir lieu, depuis un bon moment, à Strasbourg et non pas à Bruxelles.

Mais les « single seaters » bruxellois sautent maintenant sur l’occasion pour enfoncer le clou. En vue du faible soutien à « Strasbourg, l’Europtimiste », surtout de la part des eurodéputé.e.s allemand.e.s, on doit craindre le pire pour l’avenir européen de Strasbourg. Et en même temps, il faut aussi craindre le pire pour la démocratie européenne, car la concentration de toutes les institutions européennes dans la « capitale des lobbyistes », là où ce sont les représentants des groupes d’intérêts qui rédigent les textes de loi, marque le début de la fin de l’Europe démocratique.

Personne ne remet en cause le choix du lauréat du Prix Sakharov 2020, l’opposition démocratique en Belarus mérite tout notre soutien. Mais honte à ceux qui ont choisi Bruxelles comme lieu de la remise de ce Prix – car cette cérémonie à Bruxelles envoie un avertissement sévère à Strasbourg –« l’Europe n’a plus besoin de Strasbourg, désormais, on transfère tout à Bruxelles ». Donc là où ce sont les représentants de « Big Business » qui font la loi et non pas les représentants des peuples européens qui ont été démocratiquement élus. Mais la « démocratie européenne » ne semble plus représenter beaucoup de poids face aux intérêts des lobbyistes et de leurs fidèles agents, les institutions européennes. Vraiment dommage.

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