Un bonbon pour le week-end…

Notre région rhénane est d’une richesse incroyable. Personne n’a décrit ce patrimoine mieux que Carl Zuckmayer dans son «Général du Diable». Voici la traduction française du célèbre monologue.

C'est sur les bords du grand fleuve européen, le Rhin, que ce sont mélangés les peuples d'Europe. Foto: Reinhard Hunscher / Wikimedia Commons / CC-SA 2.0de

(KL) – Le «Général du Diable» de Carl Zuckmayer est une pièce exceptionnelle. Elle parle d’un général allemand du temps des nazis, militaire genre «ancienne école» et marqué par un dégoût profond des nazis. Cette attitude qu’il ne cache pas, lui sera fatale à la fin. Dans cette pièce, il rencontre le jeune lieutenant Hartmann qui lui, se fait du souci car il semble que son arrière-grand-mère était juive, ce qui aurait compromis sa carrière militaire. Dans une magnifique scène, le Général Harras (Curd Jürgens) lui explique pourquoi il devrait être fier de ses racines rhénanes. Intemporel.

Général Harras : Alors, et qu’est-ce que vous savez sur les infidélités de votre arrière-arrière-grand-mère ? Elle n’a certainement pas demandé un certificat à ses amants attestant de leur qualité de bons ariens. Et tout ce qu’on n’a pas vu dans ces anciennes familles ! Qui de plus venait de la Rhénanie. De la Rhénanie ! Du grand moulin des peuples. Du pressoir de l’Europe ! Et maintenant, imaginez un seul instant votre arbre généalogique – depuis l’époque de Jésus Christ. Il y avait un commandant romain, un gaillard noir, à la couleur de la peau d’une olive mûre, qui a enseigné le latin à une fille blonde. Et ensuite, un marchand d’épices juif est arrivé dans la famille, un homme sérieux qui s’est converti au christianisme avant le mariage fondant ainsi la tradition catholique de la famille. Et il y avait un médecin grec, un légionnaire celte, un mercenaire suisse, un chevalier suédois, un soldat de Napoléon, un cosaque qui avait déserté l‘armée, un bûcheron de la Forêt Noire, un apprenti meunier alsacien, un capitaine néerlandais, un hongrois, un officier viennois, un comédien français, un musicien bohémien – et tout ce beau monde a vécu, s’est bagarré, a bu, a chanté et a fait des enfants sur les rives du Rhin – et notre Goethe, il sortait de la même marmite, comme Beethoven et Gutenberg et Matthias Grünewald, et – t’as qu’à regarder dans un lexique. C’étaient les meilleurs, mon cher ! Les meilleurs du monde ! Et pourquoi ? Parce que c’est ici que les peuples se sont mélangés. Mélangés comme l’eau des sources et des ruisseaux et des rivières qui se marie pour devenir un grand fleuve vivant. Etre originaire des bords du Rhin, cela veut dire avoir ses racines dans l‘Occident. C’est une noblesse naturelle. C’est une race à part. Soyez-en fier, Hartmann – et accrochez les papiers de votre grand-mère aux toilettes. A votre santé.

Hormis quelques expressions comme «occident» ou «race» auxquelles on attache d’autres connotations aujourd’hui, ce texte est tout simplement magnifique et intemporel. Il décrit une réalité qu’on oublie trop souvent et qui se trouve à l’opposé de tout discours nationaliste et de repli sur soi.

Et si vous comprenez la langue de Goethe, cliquez sur CE LIEN et faites-vous plaisir en écoutant la version originale de ce monologue interprété par Curd Jürgens. Pour que votre week-end commence sur une belle note…

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