Un discours sorti des « 1001 nuits »
Le discours de Michel Barnier sur sa politique générale devant l'Assemblée Nationale était autant sympathique qu'irréaliste. Et il y a de forts doutes qu'il ait le temps de mettre ses projets en œuvre.
(KL) – Évidemment, le nouveau premier ministre voulait proposer un peu quelque chose pour tout le monde, même les écologistes, même la gauche, et surtout à la droite et à l’extrême-droite. Si l’homme est crédible et se soucie réellement de la France, son « programme » n’en est pas un, car il n’aura probablement pas de majorité pour les choses qu’il veut mettre en œuvre. La meilleure phrase de Barnier était sa conclusion : « Prenons soin de la République : elle est fragile ». Mais ce que Barnier n’a pas dit, c’est que c’est son patron Emmanuel Macron qui l’a fragilisée à ce point.
Dans un souci de faire adhérer tout le monde à son « programme », Barnier a proposé un engagement pour la protection du climat (le bonbon un peu floue pour les écologistes), l’augmentation du SMIC de 2% le 1er Novembre (le bonbon pour la gauche), la « révision » (et non pas l’abolition) de la réforme des retraites (le bonbon pour tout le monde sauf les macronistes), l’utilisation des techniques de surveillance éprouvées lors des JO à Paris, comme la reconnaissance faciale numérique (un des bonbons pour l’extrême-droite, malgré l’interdiction de l’Union Européenne d’utiliser de tels systèmes…), et d’autres éléments qui seront, selon toute vraisemblance, impossibles à mettre en œuvre, par manque d’une majorité.
Très intéressants aussi, les réactions des chefs des groupes présents à l’Assemblée Nationale. Si Marine Le Pen a précisé au premier ministre ce qu’il pouvait faire et ce qu’il ne pouvait pas faire, démontrant ainsi qui dirige réellement la politique française, le chef du groupe des macronistes Gabriel Attal a profité de l’occasion pour faire un discours qui était davantage la préparation de sa candidature à la présidence, tandis que Mathilde Panot pour la LFI a estimé nécessaire de vociférer sur le premier ministre, répétant les positions d’extrême-gauche concernant le soutien inconditionnel et foncièrement antisémite de son parti pour la Palestine. Pour le PS, Boris Vallaud a vivement critiqué ce gouvernement de droite, estimant que la démocratie est actuellement en péril en France. Comprendre : les partis présents dans l’hémicycle ne trouveront jamais des accords nécessaires pour que la France puisse être gouvernée jusqu’aux prochaines élections présidentielles, prévues en 2027, mais il y a de forts doutes que le président mal aimé puisse se maintenir d’ici là.
Michel Barnier risque de devenir une sorte de « héro romantique » qui échouera face à l’incapacité du monde politique français de se défendre contre le « putsch » macronien et de négocier en vue de trouver un dénominateur commun. S’il est compréhensible que la gauche, donc le « Nouveau Front Populaire » soit en colère après que la macronie ait totalement ignoré les résultats des élections anticipées déclenchées par elle-même, le Rassemblement-ex-Front National s’est montré plus ouvert au dialogue. Peu étonnant, puisque le gouvernement est obligé de ne proposer que des choses qui trouvent l’approbation de l’extrême-droite. En soulignant qu’elle ne souhaite pas brandir tout le temps la menace de la motion de censure, Marine Le Pen a rappelé habilement au premier ministre qu’elle pourrait, à tout moment, utiliser cet instrument.
Personne ne peut enlever sa bonne volonté à Michel Barnier – mais son gouvernement est déjà condamné. On verra bien combien de semaines ou presque mois ce gouvernement tiendra.
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