Un Président trop optimiste ?
Lors d’une récente conférence suivie d’échanges avec des étudiants, le président Marcelo Rebelo de Sousa s’est exprimé sur la situation sociale et politique du Portugal, mais ne serait-il pas trop confiant ?
(Jean-Marc Claus) – Le 11 avril dernier, prenant la parole à Lisbonne devant huit cent étudiants de l’Escola Secundária de Camões, le président Marcelo Rebelo de Sousa a, avec son habituel sens de la formule, fustigé les « nostálgicos saudosistas ». Uneexpression à travers laquelle on peut entendre le fameux aphorisme de Simone Signoret, affirmant que « La nostalgie n’est plus ce qu’elle était », titre de son autobiographie parue en 1976.
Mais mis en lien avec l’âme et la culture portugaises, ce trait d’humour parle aussi du mouvement littéraire « saudosismo », qui dans le premier quart du XXe siècle, a promu une vision du monde fondée sur la « saudade » qui, rappelons-le, fut au Portugal le mot de l’année 2020. Or, nous arrivons à la fin du premier quart du XXIe siècle, et cette concordance des temps n’a certainement pas échappé à l’homme cultivé qu’est le président portugais.
Selon lui, depuis la Révolution des Œillets, les droits des femmes est un domaine dans lequel il y a eu des avancées considérables, mais il reste des progrès à réaliser, comme par exemple en termes d’égalité salariales. Or, les « nostálgicos saudosistas », considérant notamment que la place de la femme est à la maison, auprès de ses (nombreux) enfants, reprennent du poil de la bête (immonde), comme en témoigne l’adhésion aux thèses de mouvements politiques tels que Chega.
Le président Marcello Rebelo de Sousa se montre peut-être trop optimiste, lorsque, répondant à un étudiant, il affirme que les avancées relatives aux droits des femmes et à leur rôle dans la société sont tellement consensuelles, qu’elles tendent à perdurer. Ce qui fait abstraction de l’avertissement de Simone de Beauvoir à Claudine Monteil, qui en 1974 criait victoire suite au discours de Simone Veil à l’Assemblée Nationale sur le droit à l’avortement : « N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant. ».
Mais le président portugais se veut clairvoyant quant au risque de glissement vers les dictatures qui« començam com pezinhos de lã » (débutent avec des pieds de laine), expression signifiant entrer quelque part furtivement pour obtenir ou dérober quelque chose, à la manière des prédateurs notamment félins, qui s’approchent silencieusement de leurs proies. Or, les résultats de Chega aux dernières élections, ont sonné pour certains commentateurs, la fin de l’exception portugaise. Comme avec Vox en Espagne, le national-populisme fait à nouveau recette au Portugal, et en très peu de temps.
Ceci devrait inquiéter plus fortement le président Rebelo de Sousa, qui néanmoins pointe et dénonce la montée de l’hyper-nationalisme aux USA et en Europe. Soulignant très justement que les Portugais sont un mélange de Grecs, Romains, Carthaginois, Phéniciens, Nordiques, Africains, Latino-Américains, il a appelé à « ne pas vouloir ressusciter ce qui n’a jamais existé, n’aurait pas dû exister, n’existe pas aujourd’hui et n’existera pas dans le futur. ». Espérons que le dernier élément de cet aphorisme, ne sera pas dans quelques années considéré comme un vœu pieux.
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