Un signal – pas plus

Le Parlement Européen a voté mercredi le déclenchement de l’article 7 du Traité Européen pour pouvoir sanctionner la Hongrie. Mais cette sanction ne tombera jamais.

Il a beau afficher son sourire de vainqueur - Viktor Orban sait qu'il n'a pas de sanctions à craindre. Foto: © European Union, 2018, EP

(KL) – Le comportement de Viktor Orban au Parlement Européen à Strasbourg n’était pas des plus polis. Selon la devise « l’attaque est la meilleure défense », le chef du gouvernement hongrois s’en est pris à la Néerlandaise Judith Sargentini (Verts) qui elle, avait rédigé le rapport sur l’état de droit en Hongrie. « Ce rapport contient 37 erreurs », a martelé Orban, reprochant aux parlementaires d’avoir déjà pris une décision concernant la Hongrie avant même le vote à l’hémicycle. Les parlementaires, eux, ne se sont pas laissés impressionner (sauf l’extrême-droite, bien sûr), en adoptant à 448 voix pour, 197 voix contre et 48 abstentions, la proposition de déclencher ce fameux article 7. Si le signal politique de ce vote est fort, il n’aura aucun impact – d’éventuelles sanctions contre la Hongrie seront bloquées à l’échelle supérieure, au Conseil Européen.

Le rapport de Judith Sargentini, tant critiqué par Orban, était clair : « Alors que cette semaine se tient le débat sur l’état de l’Union, le Parlement Européen envoie un message important : nous nous battons pour les droits de tous les Européens, y compris les citoyens hongrois, et nous défendons nos valeurs européennes. C’est désormais aux dirigeants européens de prendre leurs responsabilités et d’arrêter de regarder en spectateurs l’État de droit se faire détruire en Hongrie. C’est inacceptable pour une Union fondée sur la démocratie, l’État de droit et les droits fondamentaux. »

Les problèmes mentionnés dans le rapport parlementaire concernent le fonctionnement du système constitutionnel et électoral ; l’indépendance de la justice ; la corruption et les conflits d’intérêt ; la protection de la vie privée et des données ; la liberté d’expression ; la liberté académique ; la liberté de religion ; la liberté d’association ; le droit à un traitement équitable ; le droit des personnes issues des minorités, notamment les Roms et les Juifs ; les droits fondamentaux des migrants, des demandeurs d’asile et des réfugiés ; et les droits économiques et sociaux. Si la Hongrie était une personne, on dirait probablement « bien connue des services de police ».

Mais Viktor Orban affichait quand même un sourire. Pour cause : le vote du Parlement envoie la proposition de prendre des sanctions contre la Hongrie selon l’article 7 du Traité Européen – à l’étage supérieur. Là, au Conseil Européen, donc l’assemblée des chefs des gouvernements des états-membres de l’Union Européenne, un vote majoritaire comme au Parlement Européen ne suffit pas. Au Conseil Européen, on suit la règle de l’unanimité, cette règle qui paralyse depuis longtemps le « tigre européen », car rares sont les dossiers sur lesquels l’ensemble des 28 états-membres sont d’accord.

La Hongrie pourra compter sur le soutien des autres états dits « de Viségrad », à savoir la République Tchèque, la Slovaquie et la Pologne. Il suffit du « non » d’un seul de ces pays et aucune sanction ne pourra être prononcée à l’encontre de Budapest.

Etait-ce donc un vote uniquement « pour la galerie » ? Non. C’est la première fois que le Parlement Européen requiert le Conseil Européen à prendre de telles mesures contre un état-membre. La signification politique, comme l’a dit et écrit Judith Sargentini, est forte. Le Parlement Européen a arrêté que la Hongrie manque à son obligation, inscrite dans l’article 2 du Traité Européen et la Charte des Droits Fondamentaux de l’UE, de respecter la démocratie, l’égalité, l’État de Droit et les Droits de l’Homme.

Peu surprenant que ce désaveu du régime Orban par les élus des peuples européens, ait motivé un certain Nigel Farage de s’exciter en invitant Orban à rejoindre le « club du Brexit ». Mais bon, il était connu depuis longtemps que les deux se chauffent du même bois…

Une nouvelle fois, l’Europe intergouvernementale touche à ses limites. L’impossibilité d’imposer des sanctions est aussi paralysante que le fait que l’Europe ne trouve aucune position valable et cohérente face aux grands défis de notre époque. Avec un « règlement interne » mal pensé, l’Europe se trouve dans l’incapacité d’agir sur l’échiquier mondial. Comment prendre au sérieux une organisation représentant 500 millions d’hommes et de femmes lorsque celle-ci n’est même pas capable de sanctionner un membre de cette organisation qui transgresse en permanence le règlement ? Si le vote du Parlement Européen constitue effectivement un signal politique, il est frustrant de voir Viktor Orban quitter l’hémicycle avec un sourire brutal de vainqueur. L’Europe mériterait mieux que cette paralysie institutionnelle – et ça, seule une Europe Fédérale pourrait l’apporter.

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