Une communion républicaine au lieu d’une union nationale

Après une des semaines des plus dramatiques jamais vécues en France, les lendemains risquent d’être difficiles. La France doit se réinventer. L’Europe aussi.

Ils étaient tous affectés - maintenant, ce sont des actes qui doivent suivre. Foto: (c) Présidence de la République / P. Segrette / L. Blevennec

(KL) – La journée du dimanche 11 janvier 2015 aura été historique pour la France, pour l’Europe et pour le monde. Les 4 millions de personnes ayant manifesté dimanche dans toutes les villes de France n’ont pas uniquement exprimé leur indignation face au crimes odieux commis à Paris, mais ils ont également manifesté pour une société d’inclusion, ils ont manifesté contre la haine, ils ont manifesté pour un changement profond d’une politique erronée des 40 dernières années. Si cet élan n’est pas canalisé vers des mesures concrètes, tout cela n’aura servi à rien.

Déjà les derniers jours, on pouvait entendre les premiers commentaires qui posaient la question quant aux raisons du terrorisme en France et ailleurs. Force est de constater que l’immigration en France a été marquée depuis toujours, par des erreurs énormes, à commencer par une «ghettoisation» aux abords des grandes villes. Il s’agit là d’un phénomène dont la France ne détient pas le monopole, mais les «banlieues» françaises sont particulièrement laissées à l’abandon, les jeunes populations y comprises. Ces zones de non-droit sont l’engrais de la radicalisation d’une petite frange de la population y vivant, et la deuxième et surtout la troisième génération de jeunes issus de l’immigration s’y trouve déconnectée de ce que la République peut offrir à ses jeunes générations.

La réponse aux attentats de Paris et à cet élan républicain qui a vu le jour dimanche, ne peut pas consister en des mesures du genre «Vigipirate», pas non plus dans la dilution du droit d’asile ou dans une opposition culturelle et religieuse. Depuis l’attentat meurtrier sur «Charlie Hebdo», la distinction entre l’Islam et l’islamisme fondamentaliste a été expliquée à maintes reprises et ces constats ne suffiront pas pour protéger la République contre une radicalisation de l’extrême-droite, que ce soit en France, en Allemagne ou dans d’autres pays.

Si on ne peut que se féliciter de la vigilance de la société française qui n’a pas apprécié les tentatives du Front National et de son leader Martine Le Pen de récupérer le deuil national à des fins électorales, il convient de rester très vigilant. Car dimanche, si presque un dixième de la population française est allé manifester, une grande partie de l’électorat est resté à la maison, regardant les images des manifestations partout en France, mais en pensant tout bas des choses abjectes.

Le Président François Hollande a maintenant une occasion historique de fédérer la France autour d’un projet de société ambitieux. Il s’agit là aussi de sa dernière chance de sortir son gouvernement et son parti du gouffre, mais avant tout, il détient les clés pour la construction d’une société meilleure. Visiblement, la France active la réclame et désormais, il faut penser autrement que «renforcer les contrôles», «intensifier la surveillance», «meilleurs échanges de données» etc. – car ces mesures-là viseront inévitablement une population qui se trouve déjà dans le collimateur.

Dimanche, ce n’étaient pas les idées qui manquaient. Ainsi, à Strasbourg, les 45000 manifestants ont demandé une nouvelle approche par rapport à la formation, l’un des éléments principaux dans l’intégration. C’est dans cette direction qu’il faut maintenant poursuivre.

D’autres mesures au niveau de l’urbanisation doivent également voir le jour. La «mise en ghetto» de toute une population mène inévitablement à la situation que les gens vivant dans des ghettos, se comportent comme s’ils vivaient en ghetto, ce qui est assez logique. Pour casser ce cercle vicieux, il faut repenser les villes de demain, assurer une mixité toute différente de ce qui se fait aujourd’hui et créer un cadre de vie plus ouvert.

Et il faudra aussi mener, dans le calme, dans le respect et dans le dialogue, un débat sur le fond de l’immigration. Car l’intégration ne peut fonctionner qu’à condition de ne pas être une voie à sens unique. On ne peut intégrer une personne contre son gré, l’intégration nécessite aussi la volonté de s’intégrer à un modèle de société.

Dans des situations de crises extrêmes, on constate que les représentants des différentes communautés religieuses sont parfaitement en mesure de marcher main dans la main, de se serrer les coudes et de surmonter les clivages culturels. Il faut d’urgence instaurer un dialogue permanent, une sorte de table ronde régulière, demandant aux participants des différentes communautés des résultats.

L’enjeu est énorme, car les extrémistes (chrétiens, cette fois-ci), nous attendent le couteau à la main. L’extrême-droite ne cherche pas la communion républicaine, mais une union nationale qui elle, est destinée à l’exclusion, à la répression, à l’aggravation de la situation.

Président Hollande – à vous de jouer. La France et même toute l’Europe sont aujourd’hui prêtes à s’engager dans une véritable mutation de la société. Seulement, nous n’avons pas de temps à perdre. Ne vous limitez pas à des simples mesures de répression (on a vu que ces mesures ne peuvent pas empêcher des attentats comme ceux de Paris), mais osez penser la société de demain. Vite !

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