Une initiative nationaliste retoquée au Portugal

Un projet de loi porté par l'extrême-droite portugaise, retoqué avec force et arguments par l'Assemblée de la République.

Faudrait-il, Monsieur Ventura, être exclusivement Portugais d'origine, pour devenir supporter de l'équipe de football lusitanienne ? Foto: Marcello Casal Jr / ABr / Wikimedia Commons / CC-BY 3.0br

(Jean-Marc Claus) – Fin septembre, le projet de loi porté par le parti d’extrême-droite « Chega », visant à limiter l’accès aux fonctions de premier ministre, ministre et secrétaire d’état aux seuls Portugais d’origine, a été rejeté à l’Assemblée de la République pour cause d’inconstitutionnalité. André Ventura, unique député « cheguiste », était lui-même absent lors de la réunion où tous les groupes parlementaires ont approuvé l’avis de la commission des affaires constitutionnelles à ce propos !

Seul l’accès à la fonction de Président(e) de la République est conditionné par la possession de la nationalité portugaise d’origine. Quand on sait combien la députée de gauche, Joacine Katar Moreira (Livre), originaire de Guinée-Bissau naturalisée en 2009 et élue en 2019, a été victime de cyber-harcèlement, les intentions de l’extrême-droite deviennent évidentes. Par ailleurs, les origines indiennes du Premier Ministre António Luis Santos da Costa et la nomination de Francisca Eugénia da Silva Dias Van Dunem -d’origine angolaise- au Ministère de la Justice, restent en travers de la gorge de certains nationalistes.

Deux schémas d’accès à la nationalité se distinguent au Portugal, selon qu’elle soit d’origine ou par attribution. La première concerne les enfants dont au moins un des deux parents est portugais, ceux nés sur le sol portugais mais issus de parents étrangers y résidant habituellement depuis au moins cinq ans sauf exceptions, ainsi que ceux nés en territoire portugais et ne possédant pas d’autre nationalité.

Pour la nationalité par acquisition, plusieurs cas sont, sous conditions, prévus par la loi dont la naturalisation, le mariage, l’adoption, la filiation au second degré. Le cas particulier des descendants de Juifs Sépharades est aussi codifié, une procédure leur permettant d’acquérir, également sous conditions, la nationalité portugaise de par leur filiation.

En Europe, droit du sol (jus soli) et droit du sang (jus sanguinis) s’opposent ou se complètent, selon l’histoire des différents pays. En France, le droit du sol, hérité du servage, prévalait jusqu’à la fin de l’Ancien Régime. Les conquêtes napoléoniennes ont introduit dans des pays voisins le code civil français et le droit du sang, mais en 1889 la France est revenue au droit du sol.

Le Portugal, comme le Benelux, le Danemark, la Suède et la Finlande, a adopté une forme personnalisée de droit du sol, associée au droit du sang. Ainsi se distinguent la nationalité d’origine et la nationalité par attribution. Ce qui, pour les tenants de l’extrême-droite et autres nationalistes, crée deux types de citoyens pas vraiment égaux. D’où la proposition de loi portée par « Chega », laissant entendre que le pays ne devrait être gouverné que par des Portugais d’origine. Les « vrais Portugais » en quelque sorte et plus précisément les « de souche ».

Proposition de loi retoquée car inconstitutionnelle, mais aussi complètement aberrante car l’histoire du Portugal et de l’Espagne étant intimement liées, le vieux concept d’Iberolux n’est jamais longtemps relégué aux archives. Par ailleurs et plus largement, pays de grands voyageurs, impérialiste jusqu’à la Révolution des Œillets, le Portugal a forcément intégré des populations de diverses origines. Ainsi, son actuel code de la nationalité ne peut-il être en porte-à-faux avec sa Constitution issue de la Révolution de 1974.

Le débat sur les origines des citoyens d’un même pays, dont l’extrême-droite raffole, ne peut être qu’un facteur de discrimination et une incitation au repli communautariste. Pourtant, les tenants d’un certain élitisme conféré par la naissance, sont en général très peu regardants sur les origines des capitaux injectés dans l’économie du pays…

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