Une Loterie de Noël inhabituelle

En Espagne, la Covid-19 provoque un accroissement des achats en ligne de billets pour la traditionnelle Loterie de Noël. Mais seulement en ligne.

Des files d’attente très régulées cette année, pour l’achat des billet de la Lotería de Navidad ! (Image de 2014) Foto: Barcex / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(Jean-Marc Claus) – C’est aujourd’hui qu’a lieu, au « Teatro Real » de Madrid, le traditionnel et incontournable tirage de la Loterie de Noël appelée depuis 1892 « Sorteo de Navida ». Un événement dont la pandémie de Covid-19 n’aura pas eu raison, et pour cause : 98% des Espagnol(e)s y participent ! Mais cette année, les ventes ont chuté au point d’inquiéter le Regroupement National des Associations Provinciales des Administrations de Loteries (ANAPAL), qui en novembre annonçait une baisse de 30% des ventes pouvant alors entraîner une perte sèche de bénéfices. D’où une forte incitation à l’achat en ligne, pour cette loterie dépassant les frontières de l’Espagne.

Cette tradition remonte à 1811, année où à Cadix, un premier tirage au sort (sorteo) a été imaginé par le Ministre de la Chambre des Indes (Cámara de Indias), chargé de l’administration des colonies aux Amériques et aux Philippines. L’idée était de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État sans exercer une pression fiscale sur les contribuables. L’année suivante, cette loterie fut étendue à tout le pays avec, depuis 1941, le 6 janvier une seconde chance donnée aux perdants lors de la Loterie de l’Enfant (Lotería del Niño).

Chaque année, la « Loterías y Apuestas del Estado », organisme public chargé des loteries et paris, émet des billets disponibles à la vente dès juillet. Leur numéros allant de 00.000 à 99.999 sont déclinés en plusieurs séries, soit 172 cette année. Chaque billet (billete), actuellement d’une valeur de 200€, peut s’acheter en totalité ou par dixième (decimo). Les gains sont évidemment proportionnel à la somme investie. Les lots (premios) vont de 4.000.000€ (El Gordo) à 200€ (Reintegros), ce qui fait de 400.000€ à 2€ par décimo gagnant, selon la catégorie à laquelle le tirage sort a affecté son numéro. Le Trésor Public (Hacienda) prélève 20% des gains supérieurs à 20.000€.

Le tirage 2020, se déroulant ce jour dès le matin, est marqué par l’actualité pandémique. Pas uniquement en raison des mesures prophylactiques qu’elle impose, et de son incidence sur les ressources des participants, mais aussi pour ce qui est des choix des numéros. Le 14320, date du premier confinement en Espagne, était très tôt en rupture de stock. Le 21 juin 2020, correspondant à la fin de l’État d’Alarme et à l’entrée dans la Nouvelle Normalité (Nueva Normalidad) pour tout le pays, se traduit par le numéro 21620 qui fut aussi très demandé. Des dix dernières années, seuls les numéros des gros lots de 2018 (03347) et 2019 (29590) pouvaient traduire une date. Alors, peut-être qu’au bénéfice du « jamais deux sans trois »…

La coutume consistant à « compartir la Lotería de Navidad », c’est-à-dire la partager en désignant des personnes entre lesquelles les éventuel gains d’un « decimo » (dixième) seront répartis, prend cette année une dimension particulière. Les dommages causés par la pandémie aux revenus de nombreux Espagnols, et les atteintes qu’elle porte à leurs tissus relationnels, ont provoqué un sursaut de solidarité conduisant 75% des acquéreurs de dixièmes (decimos) à décider de les partager.

WhatsApp est l’une des principales plates-formes numériques utilisées à cet effet. Son emploi évite la manipulation du billet par toutes les personnes concernées, ainsi que la proximité physique avant, pendant et après le tirage, surtout si ce dernier est gagnant. Même s’il a cette année un caractère partiellement virtuel, ce partage a néanmoins une incidence bien réelle sur le moral des Espagnol(e)s que la pandémie de Covid-19 a mis et continue à mettre à mal. Le partage semble bien devenir un courant porteur et une valeur montante.

Dans l’immédiat et une fois de plus, le Sud-Ouest de l’Europe indique un chemin vertueux à suivre. La « Lotería de Navidad » n’est pas qu’un vulgaire jeu d’argent, où chacun espère décrocher le jackpot pour lui tout seul, mais un véritable phénomène de société. Et le spot de la campagne publicitaire du tirage de cette année tablant sur le slogan « Compartir como siempre, compartir como nunca » (Partager toujours, partager comme jamais) est à ce propos des plus parlants.

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