Une majorité minoritaire

Le « référendum » catalan pose une nouvelle fois la question de la légitimité des scrutins. Face à l’abstentionnisme, les résultats de ce type de scrutin constituent tout sauf une « mission ».

Laisser le pouvoir politique à la rue est très dangereux. Il faut trouver d'autres systèmes. Foto: Xfigpower / Wikimedia Commons / CC-BY-SA 3.0

(KL) – En chiffres absolus, le « Brexit » et une éventuelle indépendance catalane auront été votés par une minorité des inscrits. Lorsque 90% de 42% de votants s’expriment en faveur de l’indépendance catalane, cela veut dire que presque deux tiers des inscrits ne la soutiennent pas. Que faire face à ce malaise démocratique et constitutionnel ?

Bien sûr, en démocratie, ce sont les absents et les abstentionnistes qui ont tort. Mais des sujets comme le « Brexit » ou la situation en Catalogne ont des implications trop importantes pour les laisser décider en un jour, dans un contexte que l’on peut critiquer, sur la base de campagnes populistes.

Le fait que la Catalogne fasse maintenant appel à l’Union Européenne pour forcer sa sortie de l’état espagnol, est incompréhensible. En cas d’indépendance, la Catalogne n’est pas susceptible de pouvoir rejoindre l’Union, donc, cette dernière n’a que peu d’intérêt de devenir partie dans un conflit qui, en fin de compte, concerne avant tout l’état espagnol. Et il serait trop facile de dire « ils n’avaient qu’à aller voter » – pour la plupart de ceux qui souhaitent que la Catalogne reste une région espagnole, une participation à ce « référendum », qualifié d’illégal par Cour Suprême espagnole, aurait constitué un délit – est-ce qu’on peut donc vraiment parler d’un « référendum » ?

Il en est de même avec toutes les élections auxquelles on assiste actuellement – les « vainqueurs » sont souvent élus par une minorité absolue, ce qui pose un réel problème concernant la légitimité de ces votes. Qui pourrait jeter la pierre sur un Américain qui ne se retrouvait ni dans le candidat Trump, ni dans la candidate Clinton ? Qui peut en vouloir à l’abstentionniste français qui ne souhaitait ni voter pour Marine Le Pen, ni pour Emmanuel Macron ?

Tôt ou tard, il sera nécessaire de revoir nos systèmes électoraux et de les adapter aux réalités du 21e siècle. Différentes approches sont actuellement en discussion, comme le « vote obligatoire » déjà pratiqué dans plusieurs pays ou bien des approches « liquid démocracy » faisant appel aux possibilités technologiques.

Un plébiscite pour l’indépendance catalane ? Porté par un peu plus d’un tiers de la population ? Il serait temps de revenir à la raison au lieu de céder à la puissance de la rue qui elle, peut virer d’un extrême à l’autre en peu de temps. Tant que nous évoluons dans des systèmes parlementaires, ce sont les parlements et leurs services qui doivent mener la politique et ce, sur la base de la constitution du pays concerné. Si nous invalidons aujourd’hui les constitutions dans les pays européens, demain, l’Europe sombrera dans le chaos.

Mais, et c’est la bonne nouvelle, les systèmes démocratiques ne sont pas immuables. Même si cela prend beaucoup de temps, il faut passer par la voie démocratique pour déclencher des changements substantiels. En Grande Bretagne, sous l’impulsion d’une campagne mensongère, les gens ont voté pour le « Brexit » qui aujourd’hui, face aux conséquences désastreuses pour la Grande Bretagne, aurait du mal à passer le cap d’une deuxième consultation.

A une époque où le populisme sévit en Europe, il ne faut pas laisser le pouvoir aux forces de la rue – dans les années 30, on a vu où cela peut conduire. Même si ce n’est pas sexy, en attendant d’avoir trouvé des systèmes politiques plus en phase avec le monde d’aujourd’hui, il convient de rester sur la voie démocratique et parlementaire. Et l’Union Européenne n’a pas intérêt à prendre une quelconque position vis-à-vis du souhait d’une partie de la population catalane qui voudrait l’indépendance de la Catalogne. Si, par contre, les deux parties, donc, la Catalogne et l’Espagne devraient faire appel à l’Union pour jouer le rôle du médiateur, il serait judicieux que l’UE assume cette mission. Déjà pour éviter une guerre civile.

2 Kommentare zu Une majorité minoritaire

  1. Il me manque des éléments : “En cas d’indépendance, la Catalogne n’est pas susceptible de pouvoir rejoindre l’Union”. Pourquoi : est-ce l’exécutif catalan qui refuse cette option, ou serait-ce un moyen de pression de l’UE qui refuserait l’adhésion dans ce cas? Car techniquement rien ne s’y oppose, à ma connaissance. C’est d’ailleurs ce qu’envisage de faire une partie des écossais. Merci d’avance pour la précision!

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